Etrangers, circulez !

Etrangers, circulez !

Énième débat en avant goût des joutes qui nous attendent pour les élections présidentielles. On reparle enfin du vote des étrangers dans les élections locales. Un sujet qui peut sembler inutile ou sans intérêt mais qui reflète aussi l’état d’esprit de nos gouvernants. Un droit pour ces étrangers qui vivent en France depuis un certain nombre d’années qu’on refuse, et qu’on octroie aux ressortissants européens. Une manière comme une autre de creuser encore et encore le fossé, il y a l’étranger respectable, et l’autre qu’on repousse.

Quand on parle d’étranger, on parle forcément de cet être basané, voire noir, de confession musulmane, maîtrisant mal le français, d’une classe socio- professionnelle modeste ou vivant des aides sociales, on ne pense pas que l’étranger peut être différent de ce portrait. L’européen n’est pas étranger, car il possède cet héritage judéo-chrétien, et qu’il n’est pas à partir de ce moment un danger pour le pacte républicain, comme ils disent.

Les hommes politiques, se clivent, se figent sur ce débat, droite, gauche, fermés, ouverts se lancent dans de grands discours, chacun voyant sûrement midi à sa porte. Les chiffres parlent d’eux mêmes pourtant, 61% des Français sont pour, sûrement car eux ont compris de quoi on parlait et le sens que cela pouvait avoir pour ces dits étrangers qui vivent sur le territoire national depuis des années et des décennies. A l’heure où l’autre pose problème, il devient porteur de toutes les peurs indicibles et indicibles et parfait bouc émissaire.

La question à se poser, c’est de quoi parle t on. Sont ils un danger pour le pacte républicain comme le sous entendent certains membres de l’UMP ? Hier soir Wauquiez déclarait qu’au vu des élections dans leurs pays d’origine, on ne pouvait pas se permettre de les laisser voter. Encore une grande contradiction dont les hommes politiques sont spécialistes, il ne faut pas tout mélanger, et le vote dans leurs pays d’origine est une réponse à l’attitude des gouvernants, à moins que l’UMP se sente en danger ?

Je lui répondrai qu’il a hélas, lui comme d’autres, comme Guéant, oublié le réel sens de la politique. La politique est la gestion de la vie de la Cité, on ne parle pas dans ce cas de politique politicienne et de grandes manœuvres pré électorales, mais de l’implication des différents acteurs sur le terrain.

Comment un pays comme la France peut écarter ces personnes qui sont venues en France construire des routes, des hôpitaux, des villes, et ne pas leur donner un avant goût du geste démocratique qu’est le vote ? Ces étrangers, tiraillés entre deux pays souvent, n’ont pour la plupart jamais voté, ballottés entre deux pays, deux conceptions, ils restent toujours l’Autre aux yeux de leur pays d’accueil et leur pays d’origine. Leur permettre de voter aux élections locales, c’est leur reconnaître leur existence en tant que citoyen, et acteur local, c’est leur donner la parole et peut être envie d’aller plus loin, c’est également enseigner la démocratie.

On peut parler de ce sujet avec distance, et dire qu’ils n’ont qu’à devenir français. Oui pourquoi pas, mais quand on voit le durcissement du processus de naturalisation, on comprend pourquoi certains se résignent et laissent tomber. La résignation, voilà comment on peut qualifier leur état d’esprit, la soumission aussi et l’acceptation de n’être finalement jamais accepté. Le cheminement d’un immigré n’est pas toujours linéaire, et quand on voit comment la société française le perçoit, on ne peut que les comprendre. Faire le choix d’une nationalité autre que celle de naissance est compliqué, lourd de sens, et difficile à prendre.

Ne jetons pas la pierre avant d’avoir un peu d’empathie. Il faut aider ces personnes à trouver leur place en France, les soutenir dans leur volonté de s’impliquer davantage sans les écarter en leur interdisant le droit à la parole. L’injustice est grande dans ce sujet qui réveille bien des tensions, et l’attitude de Guéant face à cet immigré, cet autre, ne fait qu’exacerber haine et ressentiments envers celui qui est bien souvent l’invisible à qui la parole n’est jamais donnée.

Liberté, égalité, fraternité, mais pas pour tous, ce qu’on tolère pour certains devient inacceptables pour ceux qui ont tant donné à la France, quitte à se perdre et à être rejetés partout où ils iront.

Encore une fois, la France est à la traîne, ce droit qui est accordé dans d’autres pays européens, semble refusé par l’UMP et Sarkozy, qui pourtant avait évoqué l’idée il y a quelques années.

La France doit se poser les bonnes questions, et ne pas rester figée, immobile, la France doit se reconstruire et redevenir ce pays où l’autre est une richesse, et non pas un fardeau dont on cherche à se débarrasser quand tout va mal.