Charlie Hebdo ou la confusion des mots

Charlie Hebdo ou la confusion des mots

Il y a quelques jours, je me suis réveillée sous le bruit retentissant de cette nouvelle, Charlie Hebdo avait été incendié.

Étrangement, on avait déjà les coupables, les raisons et déjà des excuses publiques des représentants de la communauté dont sont issus les coupables nommés avant l’heure. Un épisode accéléré d’une série TV avec la fin du générique avec la liste des acteurs à la une, alors que l’enquête n’avait pas encore commencé. Oui les méchants musulmans barbus avaient incendié le site de ce merveilleux journal de caricatures, et avait même hacké leur site internet. Sont quand même doués les musulmans non modérés, arrivent à tout faire coïncider, et se faire démasquer avant, plus besoin de revendiquer ou d’enquêter.

On ne peut alors, en tant que musulman que se poser un tas de questions, et se dire, et oui encore une fois, nous sommes jugés sans même avoir été déférés devant le juge d’instructions et sans aucune preuve, mais il y a pour la présomption de culpabilité. La présomption d’innocence, on la réserve à DSK quand il est accusé de viol aux USA, en France et sali dans des affaires de prostitution. Encore une fois, la justice a deux vitesses, la société deux regards différents, mais ne nous égarons pas.

Dans cette affaire de Charlie Hebdo, il s’agit d’une caricature du prophète Mahomet, prophète des musulmans, le voilà nommé rédacteur en chef de ce numéro spécial Charia, et qui ne rit pas aura cent coups de fouets. Cela peut faire sourire quand on lit cela comme ça, mais dans cette phrase, se posent déjà trois problèmes.. La première est la déformation du nom du prophète, cessons, cessez de dire Mahomet, son nom est Mohamed. Ce petit effort est un premiers pas vers le respect de l’autre, et dans la compréhension de sa religion. En tant que musulman, lire Mahomet renvoie à tout sauf à la tolérance car derrière cette déformation volontaire de ce nom, on retrouve un rejet de l’islam et de son prophète. Certains me répondront que les musulmans aussi utilisent des traductions pour les noms des prophètes d’autres religions, mais ne les déforment pas en donnant un autre sens. Mahomet et Mohamed n’ont pas la même signification, et à partir de là débute l’incompréhension qui brise le dialogue.

La charia est la seconde interrogation de ce numéro de Charlie Hebdo, rappel de leur part de la volonté de la Libye et de la Tunisie d’introduire dans leurs nouvelles constitutions la charia. Et là, l’occident qui jusque là était fier d’avoir donné la liberté et la démocratie à ces peuples s’offusque, s’indigne et brandit le mot « charia » comme étant un danger, un gros mot. Encore une fois, il suffit de se pencher sur le sens ce mot, et ne pas mettre derrière ce qui fait peur ou arrange les néo colonialistes. Qui dit charia ne dit pas mariage forgé des petites filles, lapidation, polygamie, absence du droit de la femme et absence de liberté. On a coutume de définir la charia comme la loi islamique. La charia est citée dans le Coran comme la voie à suivre pour tous les musulmans

« Puis Nous t’avons mis sur la voie (charî’a) de l’Ordre (une religion claire et parfaite). Suis-la donc et ne suis pas les passions de ceux qui ne savent pas. » sourate 45, verset 18

A la mort du prophète et dans les années qui ont suivi, se sont mis en place des écoles de pensées, la compilation du Coran et le recensement des hadiths, se rapportant à la vie du prophète Mohamed et la mise en place de la charia avec des préceptes divins, des règles issues du coran. La charia peut alors être considérée comme un code divin indiquant des normes pour l’homme, et peut aussi indiquer l’éthique à suivre pour chaque musulman. Mais cela nous renvoie encore une fois à la connaissance du Coran, son contexte de révélation, et son message. Derrière ce titre de Charlie Hebdo, on retrouve encore une fois toute cette stigmatisation de l’islam et l’ignorance qui en découle. D’un terme plein de sens, d’essence et de spiritualité, on arrive à semer la haine et la discorde.

Et celui qui ne rit pas, aura ces cent coups de fouet, une vraie caricature du message coranique, et une description toute en violence. La sanction en islam existe comme dans d’autres religions, mais quiconque lira le Coran comprendra que la clémence, la miséricorde et le pardon sont au dessus de tout. Avant de condamner l’islam, de le salir, que nos journalistes, nos politiques se penchent sur la question.

Être musulman pose problème aujourd’hui mais les extrémistes, les fondamentalistes, les littéralistes, les fanatiques existent dans toute religion. Certains manifestent en ce moment devant les salles de théâtre, perturbent les représentations, militent contre l’avortement, avancent doucement dans le silence général et une indifférence complice.

Charlie hebdo a été brûlé et c’est un crime, à la police de trouver les coupables, de les juger. On a crié à la liberté d’expression, qui est fondamentale dans notre pays, mais il serait temps de se poser les questions sur cette forme de liberté d’expression, ses limites, sa pratique, et appeler à la connaissance des peuples, des religions.

Depuis quelques semaines, trois mosquées ont été vandalisées en France, et peu de bruit dans les médias, peu de retentissements et l’indifférence continue. Le traitement de l’information n’est pas le même selon le côté ou on se positionne. Comme si la liberté de culte avait moins de sens et d’importance que la liberté d’expression.