Yvonne, princesse de Bourgogne

Yvonne, princesse de Bourgogne

Première pièce de l’écrivain polonais Witold Gombrowicz (1904-1969), Yvonne, princesse de Bourgogne (1935) a pour thème la différence. La metteuse en scène Anne Barbot pétrit ce drame de Commedia dell’arte et de théâtre No, l’imprégnant d’une beauté toute funèbre…

«  Introduite à la cour royale comme fiancée du Prince, Yvonne y devient un facteur de décomposition », écrit l’enfant terrible de la littérature polonaise à propos d’Yvonne, princesse de Bourgogne. D’emblée, l’histoire de Gombrowicz nous propulse dans un univers aussi absurde que cruel. Yvonne est placée de force à la cour de Bourgogne par le Prince. Personnage mutique, indifférent à son nouvel entourage, elle suscite progressivement la risée et l’hostilité du Roi, de la Reine, du Chambellan, et finalement du Prince. Au début de la pièce, c’est l’étrangeté même d’Yvonne qui séduit le Prince et le pousse à l’épouser. Quant à l’humiliation d’Yvonne par la Cour, elle se profile en un rituel extrêmement ambigu, comme si chacun, collectivement, se vengeait d’être possédé par l’esprit ou le corps de cette femme incompréhensible.

le Prince (David Lejard-Ruffet) et Yvonne (Fanny Santer)

Pour exprimer cette violence de tous envers son personnage « bouc émissaire », Anne Barbot, avec beaucoup de finesse, sculpte le potentiel émotionnel des corps. Dotés d’étranges grimages, les comédiens nous font pénétrer dans un effrayant conte burlesque, dans lequel chaque gestuelle, chaque mouvement corporel, peut prendre une valeur menaçante. Dès lors, l’enveloppe charnelle d’Yvonne, sorte de marionnette désarticulée, nous est présentée comme un corps régressif sommé d’obéir aux normes de la Cour, qui l’oblige à sourire, à manger correctement, à faire la révérence…

le Chambellan, le Prince, le Roi, Valentin...

La scénographie d’Yvonne, princesse de Bourgogne, un sol brumeux et le simple mur ouvert en transparence sur le lointain, se profile discrète. L’espace onirique est habité par un élégant clair-obscur. Les comédiens portent des costumes baroques et extravagants. Cependant, la singularité d’Yvonne nous est suggérée par des vêtements très ordinaires. Une musique anxiogène - tantôt classique, tantôt contemporaine - enveloppe tout ce climat latent de haine et de violence psychologique.

la Cour et la pauvre Yvonne (au milieu)

L’histoire de Gombrowicz, qui oscille quelque part - par sa thématique - entre le drame Marie Stuart et le film Elephant Man, peut faire fuir. Mais il n’y a là ni sentimentalisme ni hystérie. Yvonne, princesse de Bourgogne est un texte fort, dénué de mièvrerie, puisant abondamment dans les recoins les plus obscurs de la psyché humaine. Et c’est une pièce ouverte à de multiples interprétations. La fin crépusculaire, incarnée par un festin, se révèle à l’image de l’ensemble : sacrificiel et charismatique.
Un bien beau spectacle !

durée : 2 h

Yvonne, princesse de Bourgogne

Du 17 novembre au 3 décembre 2011

jeudi et vendredi à 20 h 30, samedi et lundi à 19 h, dimanche à 15 h 30
représentations scolaires mardi 22 et mardi 29 novembre à 14 h 15

Théâtre Romain Rolland

18, rue Eugène Varlin – 94800 Villejuif

Accès - métro : Villejuif – arrêt Paul Vaillant Couturier (ligne 7)