« Y a-t-il un grand architecte dans l’Univers ? » traduction française de l’ouvrage de Stephen HAWKING

« Y a-t-il un grand architecte dans l'Univers ? » traduction française de l'ouvrage de Stephen HAWKING

Paru aux Etats-Unis en 2010, l’ouvrage « The grand design » est disponible en France dans une traduction de Marcel Filoche, aux éditions Odile Jacob.
Faisant suite à « Une brève histoire du temps » (USA, 1988, traduit en français en 1989), et « L’Univers dans une coquille de noix » (2001 pour la parution et la traduction), ce nouvel ouvrage devrait être lu par tous ceux qui tentent de comprendre l’Univers dans lequel nous vivons, et l’histoire de nos connaissances.

Assisté de Leonard Mlodinow (physicien mieux connu pour ses contributions aux scénarios de « Star Trek »), le génial physicien et cosmologiste anglais réussit plusieurs tours de force dans ce nouvel ouvrage. Regardant autant la somme des savoirs scientifiques sur lesquels nous pouvons faire fond, quant à l’Univers, que l’horizon des dernières découvertes concernant la question de son origine, il parvient, en quelques 200 pages, à proposer un panorama à la fois extrêmement dense et particulièrement accessible au grand public.
Au fil des pages, on est autant étonné de sa capacité à nous entraîner à sa suite dans les arcanes les plus complexes de la science, que par la simplicité avec laquelle il sait nous les rendre compréhensibles.

La langue est elle-même particulièrement surveillée, les termes techniques utilisés, parcimonieusement, étant tous définis, et illustrés d’exemples parfaitement parlants. Le ton même de l’ouvrage est presque celui d’une conversation, le lecteur étant pris à parti, par des comparaisons qui le renvoient à sa vie quotidienne, ou des références aussi variées que possible, incluant l’univers de la science fiction (avec notamment « Matrix »), ou encore des saillies humoristiques, qui font toutes réfléchir au problème étudié.
La progression argumentative suit un plan d’une logique implacable, qui nous conduit à la conclusion incontournable du savant, au résultat ultime de ses investigations.

Enfin, de nombreuses illustrations éclairent et aèrent l’ouvrage, toutes choisies pour leur capacité à aider le lecteur à mieux se représenter le propos de l’auteur, sans oublier la figure de coquillage, qui revient, en tête de tous les chapitres, comme une métaphore de l’Univers matriciel, berceau de la création, sous différentes déclinaisons anamorphiques.
C’est un véritable tour de force.

Car le contenu de l’ouvrage dépasse tout simplement l’entendement : on en sort sidéré d’avoir l’impression de comprendre le propos de l’auteur.
Le second chapitre, « Le règne de la loi » et un premier exploit, parvenant à concentrer en quelques pages le résumé de l’aventure du savoir, depuis l’Antiquité jusqu’à l’époque moderne. Depuis Thalès de Milet jusqu’à Laplace, en resituant chaque grand savant de l’histoire à sa place exacte, ce n’est pas sans un certain vertige que vous rafraîchirez vos notions d’histoire de la science.
Mais des défis bien plus exigeants vous attendent, interrogeant le réel dans ses dimensions les plus extrêmes, de la cosmologie et de l’astrophysique jusqu’à la physique des particules et la physique quantique.
Ainsi, après un formidable balayage des enjeux de l’histoire de la physique jusqu’à l’époque moderne, de véritables morceaux de bravoure pédagogiques vous feront approcher au plus près des redoutables difficultés du réalisme modèle-dépendant, et de ses applications à l’échelle des particules, notamment des quarks, des théories des ondes et de la lumière, de la physique quantique, au travers des fullerènes et des diagrammes de Feynman, des différentes théories sur le magnétisme et l’électromagnétisme, de la théorie des cordes, de la théorie de la relativité, des jeux de Conway, de la dérangeante idée des Univers parallèles, des dimensions cachées, ou repliées, de l’Univers, du principe anthropique, le tout en quête d’une théorie générale, qui est encore à l’étude et à l’épreuve, baptisée M-théorie, sensée répondre à toutes les observations, à l’échelle des particules comme à l’échelle de l’Univers.
On demeure songeur, à la pensée des nombreuses pages de théorie et des milliers de calculs et d’expériences dont le savant nous livre ici le raccourci.
A cet égard, un certain vertige pourra s’emparer du lecteur, dans les dernières pages, alors que le physicien génial prend le pas sur le pédagogue expérimenté, dans un raccourci étourdissant, certaines phrases prenant une allure presque herméneutique, digne de Jorge Luis Borges :

« Or la M-théorie est la plus générale des théories supersymétriques de la gravitation. Pour ces raisons, la M-théorie est l’unique candidate au poste de théorie complète de l’Univers. Si elle est finie – ce qui reste à prouver -, elle fournira un modèle d’univers qui se créé lui-même. Et nous faisons forcément partie de cet univers car il n’existe aucun autre modèle cohérent. »

L’ouvrage prend une dimension philosophique, dans la mesure où les questions du réel, des origines, de la destination de l’Univers, de la théorie unifiée du tout, ouvrent des éventails de réponses, sous la forme d’expériences tests des prédictions des théories scientifiques, qui révolutionnent complètement nos représentations. Mais aussi parce que, selon Stephen Hawking, « la philosophie est morte, faute d’avoir réussi à suivre les développements de la science moderne, en particulier de la physique. »

Loin de contre argumenter, comme l’on fait plusieurs critiques aux Etats-Unis, défendant d’ailleurs souvent des intérêts de chapelles, nous nous bornerons seulement à exprimer notre étonnement de ne pas voir mentionner la toute nouvelle théorie de Petr Horava, dite de la « gravitation quantique », qui se veut, justement, une théorie du tout, et qui, tout en bousculant la suprématie de la théorie d’Einstein, en corrige également les imprécisions à l’échelle de la mécanique quantique.

La seule interrogation que nous soulevons, au demeurant, dans cette palpitante publication, est le choix du titre, dans la traduction française, par ailleurs remarquable pour sa fluidité et sa clarté. Si la position de Stephen Hawking quant à l’intervention d’un créateur semble avoir évolué, fallait-il braquer le projecteur sur cet aspect, qui n’est, somme toute, pas au premier plan de l’ouvrage, pas davantage que dans le titre original ? Il y a comme une insistance polémique, ou commerciale (relayée par la manchette choisie par l’éditeur : « Dieu et la Science »), là où l’original éludait avec subtilité le grand architecte… Une polémique qui, d’ailleurs, a fait rage, lors de la sortie de l’ouvrage aux Etats-Unis. Certes, il semble que Stephen Hawking ait obliqué, dans ses convictions, puisqu’il rejoint Laplace pour affirmer que la compréhension scientifique des origines de l’Univers n’a plus besoin de l’intervention d’un Dieu, mais l’intérêt de l’ouvrage dépasse de très loin cette seule question.

Que ce soit pour des raisons polémiques ou pour des raisons cognitives, que vous soyez passionné de science, de philosophie, ou simplement de découvertes, ce livre vous séduira, vous étonnera, et vous donnera la sensation de tutoyer les plus grands mystères du savoir.