« Cartes des sons de Tokyo » : sensuel et tragique à gogo !

« Cartes des sons de Tokyo » : sensuel et tragique à gogo !

Tokyo dans le rôle principal, comme jamais sous l’œil exercé et réceptif d’Isabel Coxait cinéaste espagnole, vous allez vous en prendre plein les mirettes et vous exploser les esgourdes en suivant l’histoire d’amour impossible entre une jeune femme tueuse et sa cible émouvante. Quel regard, quelles visions, quelle magnificence des sens chez cette actrice nippone Rinko Kekchi ! Avec Sergi Lopez qui se retrouve entrainé dans un tourbillon de la vie à la mort : vin / métro / baise, comme un poisson dans l’eau. « Cartes des sons de Tokyo » (2009), un je ne sais quoi d’émouvant et très chamboulant.

Franchement, David (Sergi Lopez), l’acteur avec plein de poils qui grattent au charme latin, ce n’était pas du tout ma banane dans ma très fondée intimité. Sauf quand il ne parle pas un seul mot franchouille durant le film en tant que marchand de vin à Tokyo, alors là je le kiffe du bouchon ! Il est sensible, pas du tout extravagant, tout en retenue. Son personnage a su s’adapter au contexte du soleil levant. Alors, quand sa dulcinée fille d’un entrepreneur puissant se vide de son sang dans un bon vieux suicide des familles, il est mal, Sergi !

Quand en plus le papa lit en lettres de sang les mots de sa fille gravés à son intention : « Pourquoi ne m’as-tu pas aimée comme je t’ai aimée  »… Il y a comme un malaise si fort que l’homme blessé, dévasté littéralement en crise existentielle intense par la perte de sa chère adorée accuse Sergi du crime de sa fille bien et mâle aimée par lui. Quand en plus, l’annonce de son décès survient lors d’un repas d’affaire typique sous les cieux des yakusas où des jeunes femmes dévêtues d’origine russe offrent les richesses de leurs corps à l’appétit des convives qui piochent sur elle des sushis. Ce que l’on appelle communément là-bas « nyotaimori  ».

Vous aurez compris dès les premières images du film, la tragédie qui se joue. Et comme si l’état de tension irrespirable ne suffisait pas, le papa demande à son fidèle assistant de faire assassiner Sergi ! Pour se faire, il engage Ryu, une jeune femme mystérieuse qui travaille la nuit au marché aux poissons et durant la journée exerce ses talents de tueuses à gages.

Ryu, si sèche en amitié sauf avec un vieil homme qui tient le rôle du narrateur, s’éprend de sa cible potentielle. La peau passée au citron pour éloigner les effluves de la maman des poissons, très sexy elle se rend à la rencontre de sa prochaine victime dans sa boutique et tombe sous le charme de Sergi. Il lui propose un vin sensuel qui correspond à cette femme pas piquée du goulot.

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Le couple improbable se retrouve dans la chambre des feux ébats ancestraux entre Sergi et sa compagne trépassée. Dans un love motel (Hôtel Bastille), où toutes les chambres à thème sexuel portent un nom parisien. La pièce des agapes amoureuses représente un compartiment du métro. Les banquettes en molesquine s’acoquinent des corps en furie. Et au Japon plus que partout ailleurs, les corps savent lâcher prise.
« Le Tokyo du film est à la fois réaliste et fantasmé, mon film n’est pas un documentaire sur cette ville  », s’extasie la réalisatrice en veine d’images, même si au final, notre regard participe des sons et des images uniques de cette métropole aux mille visages.

Le film remporta un prix pour le son à Cannes. D’ailleurs dans le journal de bord en suppléments du film, on suit à travers les propos de la réalisatrice, le film qui s’élabore. Dommage peut-être d’avoir trop insisté sur le festival de Cannes dans ce documentaire avec le ridicule des apparences lorsque Sergi en costume sombre le cou débraillé, Rinko en robe blanche et la réalisatrice apprêtée jouent le jeu en haut des escaliers ! Toutes ces simagrées et grimaces gonflées au septième art sur papier glacé, on s’en fiche !

Ma gratitude va à la réalisatrice, ses actrices et acteurs et à toute son équipe de m’avoir permis de voyager au Japon, pays que j’adore pour sa littérature, son cinoche et non pas pour ses sushis radioactifs par trop vites oubliés.

Entre film noir et chronique intime, ce long métrage déménage et nous secoue. C’est tout ce que je demande à l’excellent cinéma d’auteur dont peut s’enorgueillir d’appartenir Isabel Coixet, même si je la découvre très humble dans le documentaire.
Vivement son prochain film que j’attends avec impatience et encore bravo.

Cartes des sons de Tokyo de Isabel Coixet, master haute définition, version originale sous-titrée, couleur, 102 minutes, 2009, distribué par Bodega Film, juin 2011, 19,99 euros
Suppléments : Journal de bord (33 minutes) /scènes coupées (4 minutes) / bande-annonce