Rachel touche des Bois très rock « Un peu plus à l’ouest » !

Rachel touche des Bois très rock « Un peu plus à l'ouest » !

Presque quinze ans d’abstinence après deux albums en 1993 et 1997, c’était trop long ! Rachel des Bois trépignait de la voix et des guiboles d’aller à la rencontre de son public chéri sur scène et par son nouvel album. L’audacieuse à la fougue amoureuse a maturé. Toujours entre ange et démon, elle dépote et s’éclate les arabesques de ses textes sur cette fois des tempos aux guitares électriques. Elle a la superbe de sa chevelure brune à la hune et le vent en poupe afin de vous charmer et swinguer sur ses nouvelles chansons.

Avant de devenir la Rachel que l’on sait, fille d’une maman polonaise et d’un papa tunisien, elle avait été la sublime chanteuse berbère dans l’Opéra équestre chez Zingaro de Bartabas. Ce métissage des cultures, elle en portera le flambeau d’en avant la zizique java, brésilienne, reggae, hip hippie hourra, funk etcetera dans ses deux premiers albums bien déjantés (Au cœur des foyers – 1993 et Tidam – 1997*). Succès d’estime de la critique et d’un public ravi, elle remportera de nombreux prix : révélation féminine aux Victoires de la musique en 1995, le Grand Prix de l’Académie Charles Cros, Prix Félix Leclerc…

A son époque, elle était cette femme libre de la chanson francophone avec son univers bien à elle au même titre qu’une Pascaline Herveet des Elles et son personnage de Pamela peacemaker en blouse blanche qui n’a jamais le blues. Ces deux rebelles ont révolutionné l’univers textuel et musical et y ont glissé leur touche féminine à l’irrévérence contre les rhinocéros féroces. J’adore !

Sauf qu’en 1998, Pascal Nègre PDG d’Universal Music à l’humour crasse et misogyne pas tenté l’a virée sous prétexte que la belle étincelle n’aurait pas « rencontré son public  ».

Qu’à cela ne tienne, après plusieurs centaines de concerts Rachel rengaine sa dégaine de pétroleuse incandescente et indécente aux yeux du pauvre sir et décide de fonder une famille. Puis, comme il faut crouter, pas vrai ? Elle se lance dans le coaching des actrices et acteurs qui devant la caméra devaient chanter. Parmi ceux-là, elle rencontre Marie Trintignant qui deviendra son amie et un peu sa frangine à qui elle dédie une chanson dans son nouvel album. « Je la connaissais bien et la considérais comme une fée clochette. Je l’ai coachée pour un film qui s’appelle « Janis et John ». Je n’avais pas encore cette activité avant qu’elle n’insiste pour que je la coache. Je lui ai autant appris qu’elle m’a appris. C’était une femme d’une immense générosité. Je vais jusqu’à dire que je n’aurais pas refondé une famille ou refais un album si je ne l’avais pas eu en exemple. Marie, c’est vraiment une des personnes qui m’a redonné confiance en moi  ».* Avec beaucoup de pudeur, elle exprime son manque de Marie. «  Comment imaginer / Ton rire qui vole en éclat / Ta beauté fracassée / La vie qui danse sans toi » in refrain de «  Comment imaginer ? (Marie) ».

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Elle a désormais une charmante bouille à la Catherine Ribeiro et la voix plus blues. Féministe et amoureuse des amours libres à la déraison et à la provocation foisonnante dans les années 1990, l’amazone s’est assagie. Elle rentre à la maison mais tenez le-vous pour dit : « Princes charmants / Buvez vos larmes cuvez mon âme / Remballez cartes et châteaux / Gardez mes robes ravagées / Je rentre oui je rentre  » in « Mon amour, je rentre  »

Cet album se conjugue à la première personne singulière d’une Rachel à l’aube de la quarantaine florissante. « A l’âge que j’ai maintenant, j’ai conscience d’avoir été toujours une femme libre. C’est-à-dire qu’à la moindre astreinte conjugale ou maternelle, je n’ai jamais compris pourquoi il fallait que je subisse. Pourtant, je t’assure que je pense être une bonne mère et une bonne épouse… je fais le mieux que je peux en tout cas. Je n’ai jamais été adepte des concessions. (…) J’agis comme un homme, mais je suis une femme bien dans son sexe. Dans les textes, cet état d’esprit doit se ressentir ».* je confirme !

« Un peu plus à l’ouest » peut aussi s’écouter au second degré. Les guitares saturées de son compère et complice Kris Sanchez soutenues par une basse et une batterie ont les accents du rock ascendant. Avec « Bon D… bon diable  », j’ai beaucoup apprécié son clin d’œil au western spaghetti du grand Sergio Leone et l’empreinte musicale de Nino Rota ! « Tu es le Bon et moi la Brute / Mais y’a des Truands / Qui pour religion n’ont qu’un seul but  ».

Comme l’écrivain qui traque le surplus démesuré qui tarie le sens textuel, Rachel excelle le zèle dans sa renaissance. « Avant la galipette avait plus d’importance que la vérité de chaque chanson. J’ai coupé des jeux de mots qui me plaisaient mais ne qui ne servaient pas « le message ». Le seul moment où je prends le temps de réfléchir, c’est pour écrire des chansons. J’y mets plus de sagesse que dans ma vraie vie  ». Même si de mon côté je le regrette un peu quand même. J’aimais aussi beaucoup la Rachel, celle qui savait lâcher la bribe de son cheval musical vers des contrées parfois à l’est !

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Afin de ne rechercher que des salmigondis équilibrés dans l’équité, Rachel touche du bois en montant sa maison d’éditions avec un label indépendant Roy Music voué à la rock musique.

Il n’y a plus qu’à souhaiter bon vent à toute sa bande dans la joie de la revoir vibrant sur les planches et exaltant de son souffle actuel sa sensualité à fleur de peau et hurler avec les loups. Un peu comme le Brel avec sa Mathilde, Rachel est revenue. « Un peu plus à l’ouest  », certes, quand même et encore heureux, il y a le nouvel album de Rachel des Bois en tournée à partir de l’automne 2011.

Un peu plus à l’ouest de Rachel des Bois, Tidam Cie / Roy Music / Universal, 23 mai 2011

* Prochainement, je consacrerai une chronique aux deux premiers albums de Rachel des Bois

*Merci à François Alquier à qui j’ai emprunté quelques bribes de son interview de Rachel des Bois