Le phare de Cordouan soufflera ses 400 bougies le 11 juin 2011 !

Le phare de Cordouan soufflera ses 400 bougies le 11 juin 2011 !

Sentinelle sur l’estuaire de la Gironde, le bon vieux phare fêtera son anniversaire entre les départements de la Charente Maritime et la Gironde. Résistant à tous les conflits il a fait fi de l’érosion des grandes marées aux tempêtes. Il tient la forme et a une santé qui se la pète en pierre blanche de Saintonge. Depuis ses ancêtres les Maures jusqu’à nos jours, il décline son érection entre les marées et vous ouvre les bras à le fêter. Quel souffle le zigue et quelle lumière ! Qu’il nous éclaire encore longtemps, je l’espère !

Il était une fois depuis Cordoue au Haut Moyen-Age, les Maures auraient établi un comptoir commercial situé à l’entrée de l’estuaire. Et pour parer les passes et les courants tumultueux ils auraient bâti un premier phare, c’est du moins une explication plausible à la nomination de Cordouan !

Quatre cents ans d’histoire c’est long. La montée en puissance et en hauteur du phare toujours pour gagner de l’iode vers le ciel provient en grande part de sa force de parade à la grande tempête de 1645 et la démolition de la partie supérieure de la tour en 1719. Je passerai sur les têtes couronnées qui se sont succédées sans jamais y fiche un pied glissant et prier chapelle. La tempête de 1999 résonne encore dans les mémoires médocaines. En 2005, sur le flanc ouest du bâtiment une chape de béton armé jusqu’aux dents de 70 mètres de long et 8 mètres de haut a pris place en criant merde à la houle d’ouest.

A sa base, sur un diamètre de 16 mètres, planté à 7 km en mer, et pour ne pas faire de jaloux, il prend ses aises à la même distance des côtes de la Gironde et de la Charente. Soixante-huit mètres toujours plus haut en grimpant les 311 marches on se sent pousser des ailes. Même que des fois, chez les esprits restreints, on peut s’attendre à dérailler de la cafetière. Je me rappelle du Bartos soufflant ses poumons et s’écriant en pointant la terre en vue : l’Angleterre, l’Angleterre ! Et le regard des autres visiteurs immortalisant cet événement mémorable… (Sans commentaire !)

Il en brasse du monde ce phare, pas loin de 20 000 curieuses et curieux par an, débarquant à marée basse à l’assaut de la forteresse visionnaire. Les vedettes du chaud phare depuis Royan et Port-Médoc acheminent les troupeaux. Ils débarquent comme en 45, l’appareil photo complexe en bandoulière à la place du fusil et mitraillent les murailles en pierres blanches. D’autres individualistes plus chanceux, viennent en bateaux et sont moins serrés bord à bord. Il y en a aussi qui déboulent récolter les fruits de l’océan. Les moules accrochées à leurs rochers n’offrent guère de résistance en temps de paix. Les estomacs crient famine et s’en régalent cuites dans des braséros de fortune des mers. Pique-nique calculé au coefficient, mais attention la marée a une horloge biologique dans ses tripes et ne pardonne pas aux retardataires qui ne ripent pas à temps.

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Bientôt, les gardiens du phare retrouvent la quiétude et la solitude après les tumultes des multitudes. Fi de l’accueil, le temps de l’entretien et la chasse à la poussière ne ménagent pas leurs peines à raison de deux semaines en mer tous les mois. « Nous assurons les travaux courants, la surveillance et l’accueil des visiteurs à la belle saison  »*. Vous avez dit la tempête Xynthia ! « Dehors, il fallait raser les murs pour ne pas se faire emporter par les vagues. A part ça, rien à signaler. Le château fort a résisté  ». * (Propos de Dominique Perez, gardien de phare recueillis pas Gironde le magazine de votre département, n°94 en page18)

En plus de résister aux envahisseurs humains, il doit aussi se battre contre les flots dissonants et pas toujours d’accord lors du grand partage de leurs eaux, entre l’Océan Atlantique et la Gironde. Le plus grand estuaire d’Europe se resserre au dessert quelques vagues mauvaises et les courants qui meuvent aussi les bancs de sable. Encore plus fort que la lutte contre le terminal méthanier qui a réuni les populations des deux rives à river le clapet à ce projet moribond, le phare émerge son image fédératrice.
Le phare veille. De nos jours, il jette ses éclairages et porte son regard jusqu’à 40 km en mer et offre le tempo de son palpitant au rythme de trois battements en 12 secondes. A sa naissance en 1611, une lanterne ayant feu sous roche ouverte sur 6 fenêtres fermées donnait sa lumière. En 1722, je vous donne la perception qu’on avait de lui. « Le jour de balise, par son élévation pour la route des vaisseaux et la nuit de fanal par le feu qu’on y entretient à son sommet, il guide les navires et les empêchent de donner sur les bancs de rochers  ». Je vous rassure, « les échoueurs » médocains allumaient eux aussi des feux à la lueur de leurs leurres pour s’approprier les cargaisons des navires à la renverse. La fée électricité jeta par-dessus bord le gaz de pétrole en 1948. Deux groupes électrogènes, Eugène, alimentèrent une lampe de 600watts avec un écran tournant. Depuis 2006, le phare est automatisé et informatisé et se contente d’une ampoule de 250 watts et d’un nouvel écran tournant.

Sur la terre ferme des deux côtés de l’estuaire, l’image érectile du phare hante les représentations picturales, sans que l’originalité dépasse les arcanes de la réalité. Des cartes postales au peintre du dimanche ou à l’année, les artistes se confinent dans l’impressionnisme grandiloquent de la majesté du bâtiment qui baise avec la mer à chaque marée sans lui conférer son sens sensuel débordant. Tant que ça attire le chaland, les commerçants des deux rives le vénèrent comme leur mère. C’est une manne considérable. Si le phare n’existait pas, il faudrait l’inventer !

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Samedi 11 juin, on commémorera la vie du phare, encore plus vieux à ma connaissance que la plus fameuse vampire qui hante mon imaginaire médocain. 400 piges, ça en fait une paye de vagues à essuyer et des vents à tempérer l’ardeur. Il nous enterrera tous, le zigue !

A 17 heures, ce sera le rassemblement nautique et les animations. Le banc de sable sera à la fête. Je vous passe à 19 heures le lâcher des lanternes célestes rouges. Il n’y aura pas que les lanternes qui seront rouges. La marée chaussée maritime veillera au grain, l’alcotest en poche et les radars dans les chaussettes. Ça va en faire du monde qui ne sait pas toujours naviguer en nombre. Les mouillages vont décocher des razzias de noms d’oiseaux aux plumages radicaux. D’ailleurs, Will le président des Croiseurs Médocains qui a toujours la tête sur les épaules, dans l’interview qu’il m’a accordé, met en garde contre ces mouvements imprévisibles des foules sur l’eau.
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9 heures 15, le cocktail « Cordouan » rincera les gosiers asséchés jusqu’à l’embarquement immédiat à 20 heures 15, pour crise de marée qui pointe le bout de son étrave. Bonjour le joyeux bordel ambiant ! Déjà qu’en été avec la présence de beaucoup moins de bateaux, c’est déjà assez la panique !
Bon anniversaire au phare de Cordouan. On se retrouvera dans dix-mille ans, toujours au mieux de ta forme. D’ici là tu t’éclaireras au solaire et tous les bateaux seront des voiliers et même que la présence depuis la Polynésie de Jacques Brel hantera ton sillage. On te chantera, on te bichonnera des vers et on trinquera à ta santé immuable.