QUINZE KILOMETRES TROIS, par Martine Laval

QUINZE KILOMETRES TROIS, par Martine Laval

A l’aube du XXIe siècle, le sud de la France… L’action se déroule dans l’excellent salon du livre d’une charmante bourgade, dont le nom commence par Mouans et finit par Sartoux. La scène se passe devant une centaine de témoins, autant d’auditeurs venus assister à un débat littéraire : on y parle de « polar marseillais », une expression très parisienne et un genre alors mis en vogue, avant d’être voué demain aux gémonies par la même intelligentsia germanopratine qui de toutes éternité arbitre les élégances.

Sur l’estrade, un journaliste parisien, mais auteur marseillais de la Série Noire, joue le rôle du modérateur - à l’époque on préfère encore le mot « animateur », et ça ne va d’ailleurs pas tarder à s’animer. Face à lui, un auteur Aixois qui consacre l’essentiel de sa plume à son amour du Brésil, mais à qui il arrive parfois d’écrire en marseillais, voire en Marseillais… A la question de ses influences, il plonge dans le grand bain de la méditerranée, confiant en toute innocence et en termes irréprochables qu’il a peu d’atomes crochus avec les auteurs nordiques. Ce qui le regarde, à mon humble avis… Mais c’est ce moment que choisit une dame au deuxième rang, je crois, pour se lever et l’invectiver d’autorité, de façon aussi inattendue qu’intempestive en hurlant au racisme ! Le débat dérape naturellement, et se poursuit en coulisses avec une poignée d’auteurs locaux, une queue de comète où sont échangés des propos se faisant plus vif, cependant sans faillir aux règles galantes et de la courtoisie ; tandis qu’à notre auteur aixo-brésilien on reproche tout en bloc le particularisme marseillais et le repli identitaire, conchiant le régionalisme dans son ensemble, comme s’il en était question une seconde : ici, personne ne se revendique vraiment auteur de « polar marseillais », il s’agit plutôt d’une bande large, ouverte et créative d’auteurs marseillais de polar, ce qui fait un sacré distinguo… !

Face à la fronde polie, mais soutenue et argumentée, la dame sort alors de sa manche un joker : « Vous ne savez pas qui je suis, je suis Martine Laval de TELERAMA ! » Cette annonce semblant être censée pétrifier l’assistance, soudain transformée en statue de sel de Camargue que l’on balayerait du pied… Pour ma part, ne connaissant pas d’autre Laval que le copain de Pétain et n’attendant rien dudit journal, je n’en fus guère plus impressionné.
La dame venait d’expliquer en substance qu’à part Izzo, qui était un « véritable écrivain », tous les autres n’étaient que de mauvais suiveurs, ce qui pourrait paraître un rien réducteur ou exagéré à qui oserait remettre en cause le bien fondé d’un jugement émis par un journaliste de Télérama. Nul ne conteste Izzo, que tous affectionnent, et dont le landerneau bruissa un temps qu’il connût très bien la dame en question, ce qui n’a par ailleurs aucun intérêt... Je ne mettrai pas d’autres guillemets, car nul ne se souvient à la virgule près de la phrase suivante de Martine Laval, une manière de fatwa, mais chacun s’accorde à se souvenir que ça disait à peu près que Martine Laval vivante, aucun auteur de la Canebière n’aurait d’article dans Télérama ! Je ne sais si l’avenir et son journal lui donnèrent raison, car je ne suis pas abonné, mais au fond peu m’en chaut…

La morale de cette histoire ? Puisque la voilà aujourd’hui à son tour romancière, je ne reprocherai pas connement à Martine Laval d’être née à Calais ni de consacrer son roman à l’intimité de quinze kilomètres trois égarés sur notre territoire national. Moi vivant, je promets que je ne critiquerai pas les romans de Martine Laval sans les avoir lus… dès que j’en aurai le temps !

QUINZE KILOMETRES TROIS, par Martine Laval
Aux éditions Liana Levi