La mobylette de Berroyer est plus belle que la tienne connard !

La mobylette de Berroyer est plus belle que la tienne connard !

Il fut un temps, que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître, ou Jackie Berroyer ne dévoyait pas ses bons maux par intermittence dans une émission de prime-time, mais collaborait de sa plume aux prestigieux Hara-Kiri et Charlie-Hebdo. C’était l’époque où l’on trouvait dans la presse un simili ersatz d’Hunter Thomson français, qui faisait du « nouveau journalisme » en s’enfermant en hôpital psychiatrique mais qui avait surtout une tendresse sur le visage qui dégoulinait fatalement, à un moment donné, en encre indélébile sur des chroniques de la banlieue des années soixante. Voilà donc réunis, revus et augmentées, des histoires au perniflard et durillon de comptoir.

De ces bals du samedi soir ou la tatane de Gérard, le mari de l’épicière rectifie le portrait au Tatave Crémieux. Tour à tour, on passe en revue le Bat d’ef’, les chiottes, les frangines sur la tire à dédé...

La légende (entretenue par Berroyer) voudrait que Maurice Pialat, tombé par hasard sur ses chroniques les aurait appréciés fortement au point de vouloir en adapter cinématographiquement la plupart. Car voilà bien le point commun de ces deux hommes, un sens inné de camper le quotidien, la vie, les blessures et le temps gris. Dès le premier tableau du livre « Les Rouviers » on se prend d’affliction pour cette famille et l’on goûte une menthe à l’eau pour son charme désuet qu’il est bon de (re)goûter.

Cette France miséreuse, banlieusarde, cette chienne de zone où Berroyer, portraitiste hors-pair, enlumine des gueules de prolos d’un sourire timide, tout en ayant un sens des dialogues merveilleux.

Tout proche dans la forme d’un Bernie Bonvoisin et ses « Démons de Jésus », Jackie argotise, charge la mule et fait preuve d’un humour dévastateur. Il formule sa « rédac’ » de figures de styles inimitables, sa façon déroutante de compter ces petites histoires de bastons et de bandes de blousons noirs en manque d’affection fait merveille tout en restant clair et lucide sur son but : essayer de rendre nostalgique et se passionner pour le charme du béton. Comme quoi il est bon parfois d’avoir un manque dans sa jeunesse, cette frustration amène à écrire un excellent compte-rendu d’un cycle de roue qu’on pourrait qualifier de désuet mais encore tellement proche de nous.

Jackie Berroyer, « J’ai beaucoup souffert de ne pas avoir eu de mobylette », Le Cherche Midi

Jackie Berroyer, « J’ai beaucoup souffert de ne pas avoir eu de mobylette », Le Cherche Midi