Georges Moustaki, faiseur de chansons

Georges Moustaki, faiseur de chansons

Dans le prologue de son ouvrage, Georges évoque à la fois son déclic à la chanson tout petit enfant jusqu’à l’âge fatidique où il a cessé de chanter pour raison de santé à Barcelone, le 8 janvier 2009. Entre temps, il en a noirci des feuillets de ses couplets qui nous habitent et ne nous quittent plus, de ses chansons de douceur et de révolte de ses cris à l’amour des femmes, de sa nonchalance active. Il a eu la chance comme il le dit si bien que « la réussite professionnelle m’atteignit lorsque j’avais 35 ans, âge canonique pour débuter une carrière, cela me permit de garder la tête froide pendant ces turbulences  ». (page 12)

Militant de la hors norme, de l’en dehors des prêches médiatiques et du système business, il n’en a fait qu’à sa tête, sans jamais avoir l’impression de beaucoup se fatiguer. «  Milord, Le Métèque, La Longue dame brune, sont des chansons écrites très rapidement avec l’impression que la main suivait le crayon. Certes, il m’avait fallu guetter le moment juste pour me mettre à ma table de travail ou saisir ma guitare pour leur donner le jour  ». (page 15)

Dévoreur de littérature dès la prime enfance, il est aussi exigent dans son écriture qu’un écrivain. « Savoir écrire avec une gomme pour traquer tout ce qui est inutile ; ne pas négocier avec les rimes pauvres, les sens approximatifs, les redondances et autres facilités qui flattent notre paresse et le contentement de soi  ». (page 43) Il aime être entouré de son premier public exigeant : ses musiciens. L’alchimie entre les paroles et la musique pour que prenne le son. « La belle chanson est un mariage d’amour entre les deux. On peut imaginer l’un demandant la main de l’autre, sans décider lequel prendra l’initiative ». (page 23)

Il n’y a pas d’âge pour tomber en passion amoureuse pour la musique. La preuve, « A quarante-six ans, je succombe à la passion d’un nouvel instrument, l’accordéon, grâce à un instrumentiste hors pair, Joë Rossi qui rejoint mes accompagnateurs  ». (page 35)

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Cet homme à l’intelligence curieuse. Ce passeur, ce pont entre tous les univers musicaux de la planète, cet infatigable rencontreur d’autres univers, il les a conjugué en confraternelles amitiés ferventes et échanges, toute sa vie durant, Ce sens du contact tactile, il me serait trop long d’énumérer tous les noms qui ont accompagné Georges un bout de chemin qui chemine, tellement sa palette est riche et le manche de sa guitare trop court et ses accords si forts.

Il a aussi en lui cultivé cette philosophie de la paresse qui comme un art de vivre conserve un esprit jeune et ouvert. « Que soit bénie ma sainte paresse qui m’a donné l’inconscience de ne pas prendre au sérieux ce qui n’est que plaisir et amusement ». (page 54)

Le mot plaisir des sens des relations entre les sons et les instruments, ces mélanges de voix à corps et à cri, Georges Moustaki aime la vie et elle le lui a toujours rendu la monnaie de sa pièce à se jouer l’effervescence des sens. Et, je ne connais guère un autre poète en chansons qui a donné une telle sensualité à fleur de mots, dans la relation amoureuse entre un homme et une femme au plus profond des corps musicaux.

Je savais que Georges ne portait pas la zizique rock au Parthénon. N’empêche j’ai été sidérée quand j’ai découvert avec stupéfaction qu’un rital d’origine à la gratte éclectique pouvait l’émouvoir. « Mes affinités avec le rock’n’roll se sont limitées à Frank Zappa – qui d’ailleurs le traitait avec dérision. » (page 79).

D’autres découvertes étonnantes qui me rapprochent encore plus des affinités que je porte au sacré bonhomme. « Tous les samedis, à midi, j’ai rendez-vous avec Philippe Meyer. J’arrête toute activité pour me planter devant le transistor et écouter « La prochaine fois je vous le chanterai », l’émission qu’il anime sur France Inter. C’est une des rares, sinon la seule, dans laquelle il n’y a pas de promotion. Où les invités occasionnels sont de purs amoureux des chansons et ne viennent pas parler de leur actualité, ni d’aucun produit à vendre, mais de leurs goûts et leurs inclinaisons  ». (page 48). Il a tout dit d’une certaine forme de radio qui persiste encore contre vent et marrée contre la tempête de la médiocrité qui s’abat continuellement sur nous.

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Georges, ce qui est de plus en plus rare, a aussi une conscience politique. De la Chanson-cri au Vent de l’histoire a tourné près de la Méditerranée, ses voyages ne le laissent jamais indifférents, il se sent concerné par les personnes qui l’entourent.

J’aillais aussi oublier, qu’il a écrit des romans et que dans cet ouvrage, il émaille de son joli trait de crayon des illustrations aux corps et bouilles vivantes.

La sagesse du Faiseur de chansons, est un ouvrage pour entrer encore plus en communion avec Georges Moustaki qui se confit et écrit comme son cœur bat, avec élégance et nonchalance, trait de caractère des artistes au cœur pur. A le lire, j’ai presque l’impression d’entendre sa voix. Encore merci à toi Georges Moustaki pour toute ton œuvre, ton regard sur ton époque, ta chaleur humaine. Je te lis comme je t’écoute, avec toujours beaucoup de plaisir. Porte-toi le mieux du monde, avec toute ma fraternité d’une Singette qui en jette.

La Sagesse du Faiseur de chansons de Georges Moustaki, éditions JC Béhar, 112 pages, format 10,5 x 20, 13,50 euros, premier trimestre 2011