C’est bien tout naturellement qu’un tel texte mis en onde par France Culture a déjà pris place dans l’émission Mauvais Genres de François Angelier. D’autant que pour citer la présentation de cette émission, « n’entre pas qui veut, il faut savoir montrer patte noire : celle qu’arborent Serial Killers américains et lolitas nippones, pistoleros italiens et sabreurs hongkongais, vampires anglais et connétables du X, auteurs de BD et cinéphiles déviants  ».

Bienvenue Caryl Férey, breton voyageur d’un tour du monde à 21 ans, avec un passage marquant en Nouvelle-Zélande où il puisera le vivier pour ses romans Utu et Zulu chez Gallimard. Dès lors, persuadé après moult petits boulots que la vie valait d’être vécue sans pour autant la perdre à la gagner, il s’est installé à Paris et déplace ses créations entre la musique, le cinéma et la radio.

Partir au ski peut amener à bien des détours étranges et glisser sur des pentes savonneuses ! D’autant qu’avec son mari et des amis racistes, la picole déborde pour les mettre en train. C’est alors comme une apparition après son accident, un attaché culturel tchéchène la mène à la rencontre d’un autre monde étrange, nouveau pour elle. Un monde où les retraites on les traite à la façon recyclage. Les enfants du baby-boom ont aujourd’hui l’âge de la retraite : comme ils sont trop nombreux, on les fait travailler. Fallait y penser ! (page 26)

Même le bruit, on l’a mis en prison. Les véhicules se propulsent à l’énergie de nos culs : la merde sans plomb ! Les banlieues ont droit à des cubes de bruit. A la campagne, c’est étrange, la plupart des animaux ont disparu, on a effectué un tri sélectif. Les animaux inutiles dotés d’une grande beauté ont été préservés. On n’est pas des monstres. Vous en retrouverez dans un zoo du coin, votre libellule, avec tous les animaux en voie de disparition : du moins les plus beaux. (page 47)

La charge des enfants ne pose plus de souci. Il existe désormais des usines à enfants avec des bergers pour les garder. Même l’UMP a changé de sens. Il faut désormais l’affilier à des Usines à Matrices Prénatales. Décidément, on n’arrête pas le progrès !

Plus on avance en compagnie des deux personnages et plus ce nouveau monde répond à toutes nos questions actuelles à sa façon. Des solutions toutes trouvées à nos problématiques sont émises. Tout est orchestré comme dans le meilleur des mondes. Les véhicules peuvent même voler et se poser sur la lune. Il y règne un silence de mort avec une vue imprenable sur la terre. La grande bleue vue d’en haut, quel spectacle ! Bah, depuis le temps qu’elle sert de poubelle, on n’y navigue plus sans butter contre des rebuts. Sans parler des vieux hydrocarbures qui flottent à la surface. (page 69)

Ce texte qu’on ne lâche pas d’une ligne, fasciné par sa vision du no future, on voudrait presque continuer le voyage en compagnie de ces deux personnages d’un ailleurs brut de coffrage qui nous défrise les pages. Il y a du cauchemar volontaire des hommes comme chez Orwell. Il ne nous manque plus que le son et cette envie d’entendre la mise en onde de ce texte propice, puisque déjà avec les mots on imagine les voix, la dégaine des personnages et tout ce qui se dessine dans leur regard. 76 pages qui nous mènent en voyage. Un voyage fascinant qui nous ouvre des portes qu’on ne peut plus refermer, puisque nous sommes obligés de toujours avancer dans les pas de ce drôle de couple qui se joue un vraiment drôle de drame, celui de la vie des trépassés en partance. Décollage immédiat aux portes du Nouveau monde INC de Caryl Férey.

La soirée de lancement aura lieu le mercredi 11 mai 2011 à partir de 19 heures à la libraire Terminus Polar, à Paris dans le 11 ème

Nouveau monde INC de Caryl Férey, collection Pièces à conviction, éditions la Tengo, 96 pages, 11 mai 2011, 76 pages, 4, 80 euros