Enfants de la crise, aux armes avec Melissmell !

Enfants de la crise, aux armes avec Melissmell !

Melissmell est de la génération « Pour tout bagage on a vingt ans » comme aurait dit d’elle et apprécié le père Léo Ferré. La jolie môme a la révolte chevillée au corps et nous chante une certaine réalité qui nous touche aux tripes. Elle s’accorde aux voix de Janis Joplin, Catherine Ribeiro, Danielle Messia et Melissmell en personne, une sacrée voix à elle toute seule ! Elle vient de sortir son premier album autoproduit et a déjà reçu le prix Georges Moustaki 2011 bien mérité. J’encourage de toutes mes forces cette Melissmell peu banale et d’un sacré tempérament. Ce qui prouve que la chanson, ce n’est pas qu’affaire de nombril côté bourse mais d’abord et avant tout une personnalité affirmée qui a du talent ! Melissmell en personne !

Il était une fois une gamine qui gazouillait déjà dans le ventre de sa maman. « Ma mère me racontait que je savais chanter avant de parler ». Ses chants la portèrent sur les routes, d’abord à Lille et Paname. Les arts plastiques lui démangèrent les panards de s’exprimer. L’art total, elle lui tailla au fœtal ses décors de scène. Fatale, elle chanta contre quelques pièces et côtoya les damnés de la terre. Des squats d’artistes en bars, elle bringuebala sa voix. Strasbourg en 2007, avec des musiciens elle se démena sur scène. Deux sacrés gaillards complices se joignirent en lisse. Stefano Bonacci à la guitare et au violoncelle Thomas Nicol. Montauban lui ouvrit les bras de la reconnaissance où elle reçut le deuxième prix du public au festival « Alors Chante ».

Avril 2010, premiers souffles en studio à Davout, de vous à moi, deux mois et des grosses pointures pour le son, avec au final la pluie et le beau temps, une galette 14 titres intitulée Melissmell Ecoute s’il pleut qui s’adresse au cœur dans les oreilles. Fi du MP3 pour les sourds assoiffés du son lourd, les balourds ! Melissmell chante les troubadours en mutinerie.

Mélissmell se fait femme libre en révolte, clin d’œil à son enfance ardéchoise, portée déjà par les mots pour soulager les maux. « La mélisse, ma grand-mère me disait que c’était pour soulager les maux des femmes ».

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Le 3 février 2011, forte personnalité de ses tripes en chansons, elle reçoit le Prix Georges Moustaki 2011. « Ce prix Georges Moustaki me fait l’honneur par la qualité des artistes qui ont présenté leur candidature et par sa vocation de récompenser un album autoproduit ; c’est-à-dire réalisé en toute liberté et en toute indépendance. Je remercie tous ceux qui ont rendu cette aventure possible et le public qui participer à cette célébration. » Georges Moustaki

(On retrouvera bientôt ce cher Georges dans une chronique à propos justement de son ouvrage La Sagesse du Faiseur de Chanson, qu’il vient de publier aux éditions Jean-Claude Béhar)

A elle toute seule, elle chante au moins à quatre trois voix ! Janis Joplin la chanson cri des entrailles (Sens ma fatigue). Sens ma fatigue tu la sens / Sens que je trime tu le ressens / Cent ans que j’affirme tu entends / alors que je saigne… dedans

Catherine Ribeiro descendu avec ses musiciens les Alpes sur scène en robe noire allumant le désir dans le regard des hommes et des femmes (Sobre la muerte / Les enfants de la crise / Des nouvelles par les ondes) Sobre la muerte je vous la vends mon âme, Sobre la muerte je sens déjà les flammes, Lécher le peu qu’il reste de….

Danielle Messia qui se joue la mélancolique tragédie au paradis des musiciens (Ecoute s’il pleut / Viens), c’est à chialer tellement c’est bouleversant, Melissdanielle, Viens, viens / Viens-moi je te ferai l’amour / A la lueur des premiers jours / Viens rajouter la note d’humour / Viens, viens / Sur toutes les rythmiques / Les partitions et les gimmicks / Chut. Plutôt rêver, c’est elle l’écorchée vive qui nous décroche le palpitant. Sacrée nana !

Et puis, il y a bien évidement et avant tout Melissmell telle quelle en elle-même. Son sang bouillonne en dedans des révolutions avec ce titre Aux armes qui ouvre l’album, aux paroles visionnaires des temps d’aujourd’hui. C’est dingue j’adhère à tout ce qu’elle raconte. C’est un hymne à l’indignation, clin d’œil à Stéphane Hessel en plus fort, à l’insurrection venté en littérature par Gérard Mordillat. Melissmell colle des paroles et une zizique qui te bouscule à ne jamais t’endormir ! Debout ! Une Marseillaise aux accents de l’Internationale sans le côté gore et si franchouillard. Avec un je ne sais quoi d’un Gainsbourg rachetant les droits de cet hymne national honteux comme tous les hymnes et interprétant les épisodes les plus sanglants. Melissmell retient Aux armes et cætera. C’est la lutte finale / Un combat d’initiés / (ce) Sont les perdants / Qui gagnent / Nos dames émancipées ! / Les médias sans le roi / mon peuple articulé / D’un pantin aux longs bras ! / Faut pas venir pleurer / « Aux arts, aux armes » / Faites entrer l’accusé !

Le jeu de violoncelle et la guitare de ses chers compères s’accordent parfaitement les cordes et peuvent nous surprendre et parfois même sont presque mis en sourdine par l’orchestration en fanfare qui veut donner du relief à l’objet album, comme avec la voix de la belle Melissmell. Alors que sur scène, le trio réduit doit péter des flammes. Je parie même la sacrée donzelle de talent capable de chanter a capella dans le style d’un Jean Guidoni interprétant du Prévert accompagné au piano double par deux ravissantes japonaises. Cette Melissmell doit être une bête de scène. Je ne demande qu’à aller l’acclamer et l’encourager.

Elle peut aussi changer totalement de registre et vous graviter une ritournelle sur la temporalité, sous forme de mouton à décompter. J’adore Le mouton. J’aime beaucoup aussi la mise en scène de la pochette avec cette gamine brunette poupée aux yeux de boutons cousus. Chaque chanson est illustrée, du bel œuvre, vraiment !

Aux armes / Les enfants de la crise, enfin je revis, je suis ravie de découvrir une gamine de cette nouvelle génération qui a plein de révoltes dans ses tripes et sait les exprimer avec brio. Je me dis que rien n’est perdu. Merdre de merdre à la génération des nombrilistes et vive les femmes émancipées qui proclament leur liberté de penser et agir de concert avec des chansons, vecteur de rapprochement avec celui littéraire qui peut et sait nous toucher si fort. Encore faut-il encourager et soutenir de tels auteur(e)s interprètes qui ont des choses à dire qui nous concernent. La censure des médias pèse lourd. Jean Guidoni boudé depuis des lustres sur les ondes a tout de même réussi à trouver son public qui le soutient. Melissmell vous tend les bras sur scène. Elle a choisi la difficulté de ne pas racoler et d’être telle qu’en elle-même dans ses chansons et a encore beaucoup à nous conter.

Je te demande des nouvelles / Des nouvelles qui nous tuent mon ami / Mon ami tu n’es plus / Dans ta tombe / Je t’envoie des nouvelles / Par les ondes // Allons voir, allons croire / Allons boire nos vingt ans / Allons courons ensemble / Vers cette fin qui nous lie / Moi qui ne peut prétendre ! (Des nouvelles par les ondes)

Bonne continuation à toi Melissmell et bien sincèrement encore merci pour ce morceau d’anthologie de la chanson vivante et virevoltante la révolte et les mots crûs de la réalité. Bonnes et affectueuses scènes avec ton public et santé fraternel à ton album parfaitement troussé qui m’a bouleversée ! Nom d’une Singette qui en jette !

Ecoute s’il pleut de Melissmell, 2011