Eric Zemmour : tu l’as bien mérité !

Eric Zemmour : tu l'as bien mérité !

Le tribunal correctionnel de Paris a jugé le chroniqueur Eric Zemmour coupable de provocation à la discrimination raciale en proférant à la télévision des propos controversés sur « les Noirs et les Arabes ». Vendredi 18 Février 2011, il a ainsi été condamné à 2000€ d’amende avec sursis et à verser 1000€ à chaque partie civile. Sachant que le procureur n’a pas requis de peine précise contre lui, cette condamnation rentre dans le cadre de la peine de principe, et de ce fait, est tout sauf un verdict cruel. Une condamnation ni lourde ni légère : Tant mieux, dirons-nous.

En effet, Zemmour a été relaxé concernant la diffamation, et son amende pour la discrimination raciale est une amende avec sursis. Pour l’acharnement de la justice et de la bienpensance à l’endroit de Zemmour, on repassera. Avec un jugement juste, sans sévérité ni laxisme, le trublion de France 2 ne s’en tire pas mal. Et nos oreilles aussi : nous devrions, à priori, éviter ses incessantes litanies sur la dictature du politiquement correct et le voir se dresser en insupportable martyr, victime de la bienpensance de gauche.

Pourtant, malgré cette condamnation qui n’est en rien disproportionnée, les retours sur ce verdict font peur. Pour plusieurs internautes, c’est la preuve de la réhabilitation du crime de pensée. Les lecteurs des sites d’actualité ont honte de cette France qui censure abusivement. Le polémiste aurait-il été condamné pour avoir énoncé des faits, voire pour avoir exprimé une évidence ?

Non, Zemmour était poursuivi pour avoir dit des bêtises. Et des grosses.

La bêtise n°1 est une indignation douteuse après une intervention sur les contrôles au faciès : « Mais pourquoi on est contrôlé 17 fois ? Pourquoi ? Parce que la plupart des trafiquants sont noirs et arabes, c’est comme ça, c’est un fait ».

Etant donné l’heureuse absence de statistiques ethniques, l’assertion relève de la supputation pure et dure. Selon où une personne habite, elle aura tendance à contredire ses propos « Mais nan, c’est les ritals ! » ou à saluer son courage politique. Selon qu’on habite à Cannes ou à la Courneuve, la réalité de l’allégation d’Eric Zemmour est éminemment discutable.

Zemmour a affirmé, sans apporter l’ombre d’une argumentation ni d’élément de décharge, l’existence de la surreprésentation des noirs et des arabes dans les trafics de stupéfiants. Quand bien même il aurait raison, il exclut sciemment toute autre cause de cette « pigmentation du crime » (exclusion sociale, zones géographiques sous-policées, proximité avec la demande en stupéfiant…) et présente, de ce fait, une corrélation entre la couleur de peau et le trafic de drogue. Peut-on raisonnablement faire des approximations ethniques à la louche, au risque de confondre immigration et délinquance, cosmopolitisme et criminalité ? Raisonnablement, non. Surtout lorsque l’on est chroniqueur dont la médiatisation de la parole est inversement proportionnelle à sa rigueur intellectuelle.

Donc non, Zemmour n’énonce pas de faits. Il émet des opinions polémistes. Toutefois, il est impossible de statuer sur le bien-fondé de sa bêtise n°1 : a-t-il raison, y a-t-il plus de criminels de couleur que de noirs et d’arabe ? Si oui, ce n’est pas de la diffamation. S’il a tort, ce serait de la diffamation. Mais dans ce cas, comment confirmer ou infirmer ses propos sans tomber dans le piège puant de l’attrait des chiffres ethniques ? Accordons-lui le bénéfice du doute.

La sottise n°2 prête nettement moins à discussion. Pour Zemmour, les employeurs « ont le droit » de refuser des Arabes ou des Noirs. On ne peut pas dire qu’il énonce un fait étant donné que selon l’article L1132-1 du code du travail, la discrimination à l’embauche est illégale.

« Aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement […] en raison de son origine, […] de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, […] de son apparence physique, de son nom de famille… »

Zemmour n’est donc pas un martyr étouffé par la bienpensance et le politiquement correct.

Tiens. Parlons-en de ce décrié politiquement correct. Sa récente impopularité m’intrigue. Le politiquement correct est devenu une insulte fourre-tout, une infâmante combinaison de mots à réserver aux shootés à la petite maison dans la prairie et aux vilains humanistes de gauches, ces pouilleux qui n’ont pas encore encaissé que l’humanisme, c’est over. So 68.

Une société, quelle qu’elle soit, a pourtant besoin de garde-fous. La liberté d’expression, à l’occasion de polémiques, entre forcément en conflit avec ces garde-fous et engendre la même ritournelle sur ses propres limites et sur l’éthique et le bien-fondé républicain de ses éventuels travers. Mais ces polémiques nourrissent le débat républicain et rassurent sur l’existence d’une force intellectuelle fondamentalement non raciste ; force qui laisse à penser que le cas Sarrazin ne se produira pas de si tôt en France : http://www.agoravox.tv/actualites/europe/article/affaire-sarrazin-95-des-allemands-27514

Et si dénigrer le politiquement correct français n’était finalement qu’une posture puérile reniant à la France ses réflexes défensifs sociaux ? Je ne jette la pierre à personne sans me lapider moi-même : j’ai déjà, dans un accès de fougue emblématique de ma jeunesse pas si lointaine, pesté contre le consensuel ambiant. Mais ce n’était, sincèrement, que l’agitation pouponne d’un brin de jeune fille frustrée de voir le monde avancer lentement, la manifestation d’un semblant de rébellion et la marque de la recherche d’une pose intellectuelle à adopter en société. Avec le temps, j’ai appris qu’utiliser des gros mots ne servait qu’à suggérer mon état émotionnel du moment mais ne modifiait en rien la rectitude et le petit-bourgeois de mes idées. Que malgré un fond trompeur, des termes moqueurs, je baignais dans un assumé idéal de pensée humaniste, vestige d’une éducation philosophico-littéraire articulée autour du social.

Et non, je ne renierai pas mes idées pour le prestige vendu et fugace d’une aura subversive.