J’ai fait un rêve : « Fort Rêveur », de CharlElie !

J'ai fait un rêve : « Fort Rêveur », de CharlElie !

CharlElie égal à lui-même mène en transe en danse son nouvel album dans les bacs dès le 31 janvier. Aux textures rock, il imprime sa voix depuis les studios de New York. Découvrez quelques joyaux à ne pas vous laisser indifférent sur le bord du CD. Dégrafez vos esgourdes, ça va déménager. Son univers onirique va vous ouvrir de nouvelles portes qui dépotent. Il ne sera jamais un homme tranquille et assagi. Tant mieux pour nous. Agréable écoute et rencontre.

CharlElie est vraiment un étrange animal polymorphe des sons en images textuelles de « L’Art Total » qui va fêter en 2011 ses 30 ans de scène. « A 12 ans, dans une exposition de peintres dadaïstes que je visitais avec mon père à Nancy, j’ai vu comme le sentiment ébloui que c’était ça qu’il fallait que je fasse ».

Figure de proue, il exprime le boum boum, allume la mèche et s’ouvre à tous les champs de la créativité « multiste » des artistes qui font éclater les frontières entre tous les arts. Il gravite dans les sphères musicales en tant que compositeur / auteur / chanteur / musicien, écrivain, plasticien multipiste…

Retour à ses premiers amours, New York sa Babel rock, depuis son album « Poèmes rock » (1981), il s’est installé dans l’au-delà de l’Atlantique en 2004 et y a posé son regard créatif. Depuis son atelier, les tumultes de la mégapole emplissent les amplis de son esprit éveillé qui peignent ses chansons. «  A bicyclette, en allant à mon atelier, mes yeux captent à mon insu des milliers de messages qu’ils transmettent à ma cervelle. Parfois celle-ci les recomposent pour en faire des chansons ».

New York, sa nouvelle identité se situe « 58th New York c’est le bruit de ma vie »

Je me rappelle que le Bartos avait passé l’année 1999 à danser sur Soudé Soudés. C’est sans aucun doute l’album de CharlElie le plus consensuel de l’histoire du rock au padoc. La fusion des corps à corps dans le décor musical de cheval ! Hu et ho DADA !

CharlElie ne figure pas au guide des records de l’homme pressé. Je suis bien la première à ne pas lui reprocher, quant au résultat et à la qualité escompté qu’il nous offre. Depuis New Yor-cœur (2006), il s’est imbriqué, impliqué dans l’atmosphère des images de la Baal Babylone pour nous la recracher à nu parmi les chansons de son nouvel album Fort-Rêveur, temps attendu. Il nous revient et dégaine 14 titres. Electrisation des guitares éclectiques, basse rythmique, la batterie bat le tempo du cœur et un clavier enlève le haut de la zizique. Le rock basique en quelque sorte porté par le timbre et l’accent si particulier de CharlElie. Triptyque grossissant dans les chromos : « Le jazz est en suspension, le rock est une affirmation, le blues est une question ».Top chrono, plus de 9 minutes, hommage à son amante exigeante, invitation au voyage et ballades dans le Bronx, Colombus, Broadway qui s’achèvera à Ground zero in Le Phénix (ballade en ruine).

« La pluie avait cessé dans la nuit des néons les enseignes qui flashent et qu’explosent la rétine. / Debout sur pattes arrière mangoustes et suricates f’saient cuire des hot-dogs pour touristes arc-en-ciel. / Et les fourmis processionnaires glissaient pas à pas dans une odeur de foire, amandes grillées et dollars. / Les familles hippopotames devant les music-halls s’imaginaient lévriers devant les planches de Broadway ».

Parti si loin, on pourrait le croire détaché d’une certaine réalité triviale qui crie à la Munch pour certain(e)s à la survie. Il n’en est rien, bien au contraire. Les tronches de vie en souffrance et les éclopés de la société ne lui sont pas du tout indifférents. J’ai craqué sur Si légère (L’anorexie) ! « J’ai reçu ce mail écrit par une mère à propos de sa fille, elle parlait des excès. / Les challenges les défis avec les interdits, dépasser les limites de la folie. / Confidence Internet, j’comprenais pas pourquoi, elle m’écrivait tout ça. Et moi j’y pouvais quoi ? ». Musique aérienne et vaporeuse, charmante Yamée vient porter sa voix à l’évocation de cette « Petite fée fragile, si légère ». «  Quand le corps s’atrophie, l’esprit s’asphyxie, aussi. / Les étoiles s’éteignent petit à petit, dans la galaxie de l’anorexie ». Et ces autres Nés trop loin qui payent au faciès le délit de sale gueule. « Prêt à tout pour gagner de la tune, il était même prêt à rester honnête. / Mais on fait pas fortune restant par terre mêm’pris en photo. / Déguisé en poussière ».

J’adore son bestiaire parmi Les Ours Blancs qui succombent à notre surconsommation et à ses dérivés sur l’environnement. Je subodore cette chanson qui pourrait traduire les préoccupations de ses concitoyens. Alors pourquoi ne pas la chanter en chœur dans les rues, sous sa douche afin de réfléchir au-delà du texte explicite. «  A l’école, c’est logique, l’écologie faudrait l’enseigner. / Réapprendre la grammaire de l’eau, de l’air et de la lumière… ». Entonner le refrain comme un chant fraternel pour agir tous ensemble contre certains états de faits qui sont loin d’être inéducables : « Abondance à outrance, trop de tout d’un côté. / Pénuries et carences trop de riens de l’autre côté. / Nous sommes tous des ours blancs ».

Et puis surtout, CharlElie toujours en devenir joue avec le feu de se brûler la prise de risque. A force de se remettre à l’ouvrage à chaque nouvel album en question, il avance sur des position acrobatiques dans l’inconfort. "Le blues que j’écris est un mélange de lucidité intuitive et d’humour équivoque". Même s’il se bat avec La vie Facile qui intègre si je m’abuse quelques mesures de No woman no cry de Bob Marley. "Est-ce qu’il existe une vie facile ? / J’aimerais savoir comment ça marche ! / Pour moi c’est toujours à l’arrache. / Comment croire à cette vie facile ?" Et puis l’homme tout simplement a ses fêlures et s’accroche à sa liberté de créer en ayant conscience des limites selon Les statuts de ma liberté. « Etre son antithèse, son contestataire. / Chercher à être tout, autant que son contraire. S’imposer à soi-même, c’qu’on supporterait pas d’autrui. / S’inventer le meilleur, fantasme et utopie ».

CharlElie est natif de Nancy, ne l’oublions pas. Le Bartos qui a de la famille en ces contrés à l’Est le sait bien, ces personnes sont en général de grands bosseurs. Parfois il est difficile de se regarder dans la glace et découvrir cet autre Quelqu’un en moi et se l’avouer Entre les lignes pour s’apaiser dans Les Gestes Gratuits.

Une mention particulière à la composition de Ta phosphorescence, un duo choc musical entre CharlElie et Nicolas Repac, tous les deux d’attaque pour un morceau très émouvant. On retrouvera ce duo dans Faire com : Faire comme. / Comme la com. / Comme tout le monde. / Qui fait comme tout le monde.

A propos des musiciens, CharlElie (paroles et musiques) s’est entouré de Karim Attoumane et Kenny Coleman (guitare électrique), Kevin Cerovich (trombone et batterie), Sean Flora (basse, synthés) et d’autres encore.

Il achève son album avec un superbe Summertime de Gershwin au piano voix et parfois on se prend à rêver de bientôt larguer les amarres et aller à sa rencontre en concert. Ce ne sont pas les dates qui troublent l’espace, à lire les nombreuses scènes déjà prévues en pays francophones. Bonne route CharlElie et bon anniversaire. Trente balais qu’il promène sa dégaine et ses palettes musicales pour le plus grand plaisir de son public exigeant. Bon anniversaire, bon voyage, bon vent musical et pictural monsieur CharlElie et encore merci.

Fort Rêveur de CharlElie, 31 janvier 2011 dans les bacs