LOLA REINE DES BARBARES, par Margot D. Marguerite

LOLA REINE DES BARBARES, par Margot D. Marguerite

Jean-François Platet m’a raconté qu’avant d’en entreprendre la lecture, comme il le fait parfois dès la réception du courrier, il a ouvert ce manuscrit pour en goûter quelques lignes au hasard : faisant confiance à cette bizarre intuition qui guide déjà le bras de l’éditeur vers le sommet de la pile ou le coin de bureau au dessus de la corbeille à papier. Il tomba sur cet échange savoureux, que l’on retrouve désormais page 40 du livre :

« -Je vois que t’as de l’exta.
Tu me payes.
Non.
Tu me suces.
Je te le fais plus, j’ai changé et en plus je suis ta sœur. »

Monsieur Platet ne tarda évidemment pas à lire la suite, en commençant par le début, afin d’en savoir davantage… (si je me fais bien comprendre) La première impression avait été la bonne, que confirma la lecture achevée. Car ne vous fiez pas à la candeur patronymique de l’auteur, il suffit d’en voir la tronche en photo sur la jaquette et de se plonger dans la lecture de son roman pour l’imaginer plus facilement sortir de QHS que du Manège enchanté !

Margot D. Marguerite, un nouvel auteur à découvrir fissa, donc, même s’il n’est pas tout à fait un débutant puisqu’il a déjà publié La vieille dame qui ne voulait pas mourir avant de l’avoir refait, à La Manufacture de Livres, en 2009. Vive les petits éditeurs qui frétillent… pendant que les grosses boites roupillent ! Le livre ne serait plus qu’une merde morte sans eux !... Baleine est également de ceux-là, éditeur historique du Poulpe, qui fait œuvre plus qu’utile avec sa collection noire, entièrement vouée aux textes impubliables… pour de mauvaises raisons de frilosité éditoriale généralisée et de subversivement correct à tous les étages du best-seller. Un véritable cabinet de curiosités, à la bizarrerie outrancière, conchiant l’immobilité et la stérilité, que cette série de poches facilement reconnaissables à leurs couvertures illustrées par les cires anatomiques issues de la collection Spitzner, véritable petit musée des horreurs à l’image de leur contenu prosaïque : piochez dans la Baleine Noire, vous ne serez jamais déçus car vous prendrez chaque fois une véritable claque dans la gueule, bien loin des thrillers à la mie de pain que vous affectionnez couramment et qui ne feraient pas frissonner votre grand-mère près du poële !...

Car il y a loin des lectures qui font peur à avoir peur de ses lectures…, plaisir interdit de l’Enfer des bibliothèques, ici accessible pour une poignée d’euros intelligemment dépensés. Alors, me direz-vous, pourquoi ces petits livres odieux ne font-ils pas scandale… ? Parce que les vrais scandales n’éclatent jamais.

Ainsi cette Reine des barbares n’aura-t-elle certainement pas le lectorat qu’elle mérite, malgré cette critique enthousiaste. Il s’agit pourtant d’un roman des cités, oui, mais qui sonne comme un classique. D’une crudité sans folklore, maniant la langue parlée avec élégance, où la vérité fait office de morale et la justesse des points de vue de chacun manière de justice. Un vrai beau roman noir de noir sur les traces de Lola, humaine comme un animal sauvage… Une rando des cités véritablement engagée : c’est-à-dire que l’auteur y accomplit tous ses devoirs, celui de nous livrer d’abord une bonne histoire, celui d’être sincère ensuite… Quand à savoir s’il est de gauche ou de droite, si on a le droit de dire ceci ou d’écrire cela, si l’on peut rire de tout mais pas avec n’importe qui… et tous ces garde-fous de la bien-pensance, peu nous en chaut !

Sinon, indignez-vous, comme dirait l’autre…


LOLA REINE DES BARBARES, par Margot D. Marguerite
Aux éditions Baleine (collection Baleine Noire)