« Ecrire, c’est un peu comme faire l’amour » !

J’ai été enthousiasmée par le premier opus littéraire très intime et sensuel de Bénédicte Fichten. Emoustillée par ma noble curiosité à propos d’une auteure qui va bientôt compter dans le paysage éditorial, j’ai voyagé au pays de son amour de la littérature. En passant par Lille et ses sonorités verbales si sincères dans le texte, je fus portée par son accent viscéral sans jouer les vestales. J’ai découvert une personne sensible, sensée, naturelle, totalement impliquée dans son art de l’écriture à fleur de peau. Enlivrez-vous avec Bénédicte Fichten.

Le Mague : Vous pouvez nous raconter le parcours de la militante littéraire pour parvenir à publier son premier roman ?

Bénédicte : Un itinéraire de battante : j’ai commencé par illustrer et imprimer quelques textes, et surtout la « Lettre à Sergio » dans sa première version autobiographique. Il y avait urgence, pour moi, à ce que les mots écrits s’échappent, pour se confronter au monde. J’ai envoyé, en parallèle, ce récit à quelques éditeurs. J’ai reçu une réponse très encourageante de la maison d’éditions Des Femmes, d’autres soulignaient l’aspect trop «  littéraire » de mon style (« Un comble ! », selon un ami auteur). Un directeur de collections, intéressé par une version romancée de mon texte, m’a contactée. Nous avons donc travaillé dans ce sens. Malheureusement, pour des questions de programmation et de budget, la sortie du livre a dû être reportée. J’ai donc pris la décision de publier moi-même cette nouvelle mouture.

Le Mague : Quelle est votre histoire d’amour avec la littérature ?

Bénédicte : Histoire de fusion, fidèle et passionnelle ! Lorsque j’étais enfant, ma famille et moi étions souvent confrontés aux déménagements pour le travail de mon père, et à cette étrangeté d’arriver dans une ville inconnue. La lecture fut alors pour moi un moyen de « pallier » cette « difficulté » sociale qui touche les nouveaux arrivants. J’ai dévoré « La Bibliothèque rose » puis, adolescente, les romans de Colette et presque tous les grands classiques ! Et, à l’âge de quatorze ans « date symbolique de ma vie », un professeur de français a repéré mes textes, j’ai rédigé ma première nouvelle. Je n’ai plus jamais cessé de lire, et d’écrire.

Le Mague : Est-ce que vos études poussées en lettres modernes ont modifié votre approche de la littérature ?

Bénédicte : Oui, la découverte des grands écrivains m’a permis de mieux comprendre le travail que représente l’écriture d’un livre et m’a donné une vraie rigueur. L’étude des textes a accentué ma prédilection pour les mots, qui caractérisent si bien la langue française. Et puis, j’ai aussi rencontré à la fac des professeurs formidables, qui faisaient vibrer leurs cours. Ces écrivains nous « racontaient » leurs livres, c’était exaltant !

Le Mague : L’ADAN, c’est qui, c’est quoi et quel est votre engagement en son sein ?

Bénédicte : L’Association Des Auteurs du Nord regroupe des écrivains d’horizons très divers ayant pour point commun d’être né dans la région ou d’y vivre. Créée en mai dernier, elle a pour vocation de promouvoir l’écriture et le livre dans les hôpitaux, les prisons, les maisons de retraite. À parler de la lecture et du métier, à échanger mais aussi à informer et conseiller ces auteurs régionaux dans leurs démarches de recherche et de promotion par la mise à disposition de bases de données thématiques. Projet altruiste mais qui permet aussi à l’écrivain de sortir de la solitude de l’écriture. J’en suis le secrétaire, c’est-à-dire que comme tous les membres du CA, je mets la main à la pâte : rendez-vous avec les institutions, élaboration de documents, réunions pour mise en partage d’idées.

Le Mague : Pour en venir à votre superbe livre, vous reconnaissez-vous dans le fait que la plupart des premiers romans correspondent à une tranche de vie très personnelle des auteur(e)s mise en mots dans les pages ? Est-ce votre cas et qu’en pensez-vous ?

Bénédicte : Absolument mais cette version romancée a transformé la réalité de départ, peut-être plus abrupte à l’origine. Le ressenti de cette histoire de désir est authentique. À mon sens, ce pas qui est franchi avec la première mise en public correspond à un réel besoin d’extérioriser ce qui est dans le corps du texte : redoublement de l’effet cathartique lié à l’écriture. Et d’offrir en résumé un maximum de pensées déterminantes. Pour moi, ce pourrait être justement par exemple, la question liée à l’identité de genre, qu’elle soit d’ordre littéraire ou sexuel. Il faut bien classer un certain nombre de choses, mais cette façon de faire ne prend pas toujours en ligne de compte toutes les richesses.

Le Mague : Si je ne m’abuse, j’ai cru reconnaître certaines descriptions du Cap d’Agde qui n’a de naturiste que le nom moulé dans le béton. Quelle est votre point de vue sur la question du naturisme et ses dérivés ?

Bénédicte : J’ai donné ma propre vision du naturisme, qui, je pense, est une approche moderne. Je ne défends pas plus les mouvements idéologiques « primitifs » que les « sexual addicts », je suis dans « l’entre-deux » de ces extrêmes. La seconde partie de mon histoire se situe à « Agathê » et non au Cap d’Agde, dont je ne veux pas faire la promotion. Il en est du naturisme comme de tout, je prône l’équilibre.

Le Mague : Votre définition à vous du naturisme que vous vivez en actes, quelle est-elle ?

Bénédicte : Ma propre éthique naturiste correspond à une liberté de se vêtir ou de ne pas le faire, et à un plaisir d’être nu. Peut-être aussi de regarder et donner à voir ce que la nature a crée.

Le Mague : Quel apport textuel représente votre pratique du naturisme ?

Bénédicte : Dans ma façon de vivre le naturisme, il y a la proximité, voire la communion avec la nature, qui passe par la sensation. Cette approche sensorielle se perçoit dans mes textes.

Le Mague : Votre écriture à nulle autre pareille est ciselée et il se dégage une très forte sensualité à vous lire. Quels plaisirs éprouvez-vous à écrire et à donner à partager tous vos sens exacerbés ?

Bénédicte : J’attache beaucoup d’importance à la forme, à l’apparence des mots, à leurs sonorités à condition que ce style soit au service d’un message perspicace, c’est-à-dire emprunt d’émotion. Écrire, c’est un peu comme faire l’amour : un art, qu’il faut apprendre, goûter, développer, ressasser, et réapprendre. Mais les sens n’offrent pas que des perceptions positives, mes textes respirent parfois la jubilation, parfois aussi d’incommensurables douleurs. Une façon particulière de faire saigner ses écorchures et d’encenser le plaisir absolu de vivre. Rencontre entre Eros et Thanatos.

Le Mague : Quelle est la thématique de votre prochain roman, est-il déjà écrit et avez-vous trouvé un digne éditeur de votre talent ?

Bénédicte : Je suis en train d’écrire un roman qui se situe dans « l’après crise », avec des personnages en marge, une jeune fille qui fugue et vit des évènements peu communs, des migrants clandestins en proie aux difficultés imposées par leur situation. Un roman engagé, avec ce souhait de mettre en avant ma région "trop souvent dévalorisée", notamment Lille et la Côte d’Opale où se déroule l’histoire. Je ne sais pas encore par qui ou comment ce texte sera publié, je sais juste qu’il le sera.

Le Mague : Où et quand aura-t-on le plaisir de vous rencontrer lors d’un salon ou d’une fête du livre ?

Bénédicte : En région pour commencer la nouvelle année, à Lacouture en février avec un ami auteur et à Bondues au mois de mars.

Le Mague : Enfin (snif déjà), quelle est la question que vous rêvez en secret que l’on vous pose ? Je suis toute ouïe à entendre votre réponse.

Bénédicte : Facile : « Quel est le grand projet de votre vie ? ».