Je vous laisse juges.

Je vous laisse juges.

L’Homme est le seul animal qui sait qu’il doit mourir. Certains estiment
même que c’est payer cher, pour lui, le privilège de posséder une
conscience. Celle-ci le conduit inévitablement à connaître les affres de
l’angoisse devant la grande question : pourquoi la mort ? L’animal humain
survit cependant très bien : il connaît même le bonheur, en dépit, ou à
cause de cette interrogation. La plupart du temps il oublie de
s’interroger.

Pour autant, l’anxiété le mine dés lors qu’il embrasse d’un regard
intérieur sa propre vie, unique certes, mais si semblable aux autres en
ceci qu’elle est inéluctablement bornée dans le temps. D’un côté le temps
qui passe, de l’autre le vieux mythe de l’éternité.

Rien ne peut faire plus souffrir les Hommes que l’idée de l’inévitable
sénescence qui ronge et affaiblit chaque jour leur organisme. Il a fait du
barrage à la mort un axe important de sa pensée. Les médecins, les
biologistes, les mystiques, les philosophes amènent leur éclairage sur
cette évidence.

Pourtant, il faudra affronter ce passage dans une absolue solitude, cette
porte grande ouverte sur l’éternité du néant. Certains diront, le néant de
l’éternité. Depuis que l’individu a constitué son cerveau reptilien, que
cette angoisse irrésolue y était définitivement inscrite, on aurait pu
imaginer que les concepts de la Morale (le Bien et Mal), de la Vérité (le
Vrai, et Faux), de l’Esthétique (le Beau) l’aient fait évoluer.

Je vous laisse juges.

Ludwig Wittgenstein est sans doute un des plus grands logiciens de tous
les temps. Son Tractatus Logico Philosophicus a remis en cause bon nombre
de certitudes de pensées. Emule et élève de Bertrand Russel qui l’a
révélé à la difficile discipline de la logique et de la philosophie, il
s’en est éloigné pour fonder un système de pensée embrassant toute forme
de logique. Selon Wittgenstein, les questions philosophiques n’existent
pas, elles ne sont les fruits que de pensées confuses servies par
l’impossibilité de notre langage à en rendre une objectivité réflexive. Si
j’énonce cette phrase banale « La petite brise la glace », comment
comprendre cette assertion ? S’agit-il de cette enfant cassant de l’eau
congelée, ou un miroir, ou bien encore de ce vent subtile qui la
rafraichit ? La réflexion de Wittgenstein a engendré des exégètes et
penseurs de très grande tenue, phares d’une création motrice. Citons le
discret, remarquable et puissant Jacques Bouveresse ou l’excellente et non
moins discrète Elisabeth Chauviré.

Gotlob Frege examina avec intérêts les fruits de cette réflexion qui
l’engagea à modifier significativement son traîté sur la définition
fondamentale de l’arithmétique.

Kurt Gödel est lui aussi un des plus grands philosophes analytiques de
tous les temps. Ses théorèmes sur l’incomplétude et d’indécidabilité ont
conduit à abandonner toute éventualité de consistance et d’unification aux
fondements des mathématiques, ruinant les espérances de David Hilbert. Les
influences sur notre système de pensée ont été considérables.

Pendant ce temps on publie les ouvrages de crétins baveux comme notre Luc
Ferry national sous le vocable usurpé de « philosophe ». Ce thuriféraire
des frères Bogdanov, auteurs de thèses caviardées, d’une imbécillité
légendaire, nous inflige ses transits de pensées sur « le bonheur » à
longueur de publications dont les sommets de la pertinence sont bien
inférieurs à ceux du « manuel des castors juniors ».

Je vous laisse juges.

Notre conducator national, Nicolas Sarkozy, chef de file et incarnation de
la médiocrité affligeante, s’exprime sur les ondes télévisuelles devant
trois journalistes serpillères. Michel Denisot, clown implacable de la
chaîne privée Canal+ se voit interpellé par l’égotique décérébré président
 : « M. Denisot, vous me jugez d’une intelligence disons . moyenne. », et
l’éponge à étron de répondre « Non. Plus ! ». Le jocrisse n’aura même pas
rougi. Y aurait-il gagné en répondant : « M. le Président, je ne suis pas
habilité à juger votre intelligence, je suis ici pour rendre compte aux
citoyennes et aux citoyens de la gestion des affaires du pays par mes
questions auxquelles vous serez assez aimable d’y répondre sans inverser
les rôles » ?

Je vous laisse juges.

Google crée une université « singularity university »
(http://singularityu.org/). Le programme est une suite de conférences
données par de prétendus génies de la NASA et autres prix Nobel. A toute
fin utile, il faut rappeler qu’une belle bande de crapules ont obtenu ce
fameux prix, dont l’ineffable Milton Friedman, économiste à l’origine de
l’école de Chicago. Cette même école qui fomenta tous les coups d’état les
plus violents décrits dans le très bon livre de Noami Klein (« La stratégie
du choc »). Cette « université » accueille de véritables balises de
néo-modernité, on y enseigne des fariboles telles que le « transhumanisme
 ». On y élabore de nouveaux projets tels que le téléchargement de votre
cortex sur médias magnétiques afin d’être ultérieurement incarné. Je me
demande ce qu’en aurait pensé Jules Laforgue.

Je vous laisse juges