Les Femmes savantes

Les Femmes savantes

Pour son 2e festival (Eclats baroques) la Fabrique à Théâtre nous offre Les Femmes savantes (1672), une comédie en 5 actes et en vers de Molière, pleine de surprises… Dépaysement garanti au Théâtre de l’Epée-de-Bois !

Créée en 1992, la Fabrique à Théâtre a développé autour du metteur en scène Jean-Denis Monory un genre surprenant : le théâtre baroque. Au fil des ans et des créations, elle a formé comédiens, musiciens, créateurs et techniciens à l’exigence de ce théâtre du XVIIe siècle : gestuelle, déclamation, chorégraphie, éclairage aux bougies, costumes et décors…

Certains se souviennent peut-être de l’étonnante pièce Le Médecin malgré lui (1666) [chronique du Mague du 5/4/2007], mise en scène par Monory et représentée au Théâtre du Ranelagh (2007), fruit singulier et savoureux de cette Fabrique toujours à l’affût de restaurer le style chatoyant, imprégné de tragi-comique, de ce théâtral et plantureux XVIIe siècle.

Après les médecins doucement givrés, le créateur de Scènes Baroques renoue donc avec l’univers moliéresque, mettant en scène des pédantes assoiffées de connaissance [les Femmes savantes], dont la folie « verbale » s’avère constamment alimentée par un expert en coups tordus et manipulations mentales : l’irremplaçable Trissotin !

La démarche artistique de Monory et sa Fabrique semble fortement imprégnée par des codes esthétiques. En effet, Les Femmes savantes nous plonge dans les codes d’un théâtre baroque pur jus : musique légère et costumes chatoyants, déclamation et chorégraphie du geste – comme dans le théâtre, la gestuelle baroque renvoie à une pensée ou à un sentiment.

D’emblée, le spectateur est plongé au cour de la représentation des Femmes savantes dans un univers caractéristique du XVIIe siècle. A la lueur des bougies, des personnages défilent sous ses yeux – musiciens esseulés, servantes au sein généreux, femmes aux chevelures étudiées - comme des tableaux vivants. Georges de La Tour et Caravage, tapis dans des clairs-obscurs.... Et tous ces comédiens détonnent par des coiffures incroyables et des maquillages grinçants qui peuvent rappeler certaines astuces décoiffantes du Teatro Malandro d’Omar Porras.

Gestuelle et Oralité se marient de façon surprenante dans ces Femmes savantes, permettant de mieux savourer les malices du texte. D’abord, par la gestuelle, les comédiens confirment ou infirment ce qui est en train de se dire, se mouvant dans un incessant ballet – d’une durée de 2 heures - de signes et de mimiques dignes du mime Marceau. Ensuite, par sa singulière oralité – le « r » roulé, le « l » mouillé, les accents de terroir… - Les Femmes savantes déconcerte, offrant un terrain favorablement comique à un Verbe tiraillé entre pédantisme et supercherie.

Quant au texte même de la pièce de Molière, il rôde, satirique, autour du thème de l’éducation des femmes. Les Femmes savantes apparaît comme une satire des milieux mondains, les « pédants ». Mais ce qui frappe surtout, c’est la modernité de la pièce : stupidité des milieux cultivés, nihilisme des intellectuels, manipulation mentale des pédants… C’est une comédie très ouverte, sujette à de nombreuses interprétations.

L’accès psychologique à la comédie est d’autant plus facilité que deux clans se profilent rapidement : le premier, celui des Femmes savantes, amené par Philaminte, mère idolâtre, escortée d’Armande, sa fille aînée et de sa belle-sœur, Bélise. Par son délire hystéro-positiviste (vénération des sciences de l’univers), son surinvestissement narcissique (passion pour des bribes de philosophie et de littérature) et sa glorification de demi-dieux (les Grecs, les poètes chers à Trissotin), elle entraîne les deux autres. Le second clan, plus fragmenté, réunit Henriette, la cadette ; Chrysale, le père ; Ariste, frère de Chrysale et Clitandre, jeune homme idéaliste.
Quant à Trissotin, il suscite constamment le conflit entre les deux groupes. C’est le pédant ridicule, le personnage odieux par son hypocrisie.

Le langage, ou plutôt la folie furieuse des pédantes pour les concepts abstraits, défile en un rythme hypnotique mené de main de maître par la troupe de la Fabrique. (Toute la mise en scène semble d’ailleurs orientée vers cette respiration musicale libératoire, sorte de fil d’Ariane menant tambour battant le spectateur à désacraliser la valeur du Langage.) En tout cas, par sa mise en scène très physique et une superbe interprétation, Les Femmes savantes s’avère une des surprises automnales de ce théâtre classique.

durée : 2 heures

Photos © Katell Itani

La compagnie La Fabrique à Théâtre, 
en coréalisation avec le Théâtre de l’Epée-de-Bois,
présente :

Les Femmes Savantes
 de Molière
Mise en scène de Jean-Denis Monory


Les mercredis 24novembre et 1, 8 et 15 décembre à 21 h 
Les jeudis 18, 25 novembre et 2 et 16 décembre à 21 h 
Les vendredis 19, 26 novembre et 3, 10 et 17 décembre à 21 h 
Les samedis 20, 27 novembre et 4, 11 et 18 décembre à 21 h


Théâtre de l’Epée-de-Bois
Cartoucherie - Route du Champ de Manoeuvre - 75012 Paris
Métro : ligne 1 arrêt Château de Vincennes puis Bus 112

A signaler : critique des Femmes savantes de Sylvie Beurtheret dans Les Trois Coups.com (www.lestroiscoups.com)

Du 18 novembre au 18 décembre 2010
Programme complet du festival Eclats baroques sur
www.fabriqueatheatre.com et www.epeedebois.com