Quand la femme battue devient une cause caricaturale et sexiste

Quand la femme battue devient une cause caricaturale et sexiste

La dernière campagne nationale de pub commanditée par le ministère de la Santé et chargée de lutter contre la violence faite aux femmes, nous dépeint une scène où deux enfants jouent à prendre le thé comme le feraient leurs parents. Alors, nous voyons une petite fille gênée du fait de « mal faire » et un petit garçon sûr de lui, odieux, agressif et violent jouant le rôle caricatural du « mâle dominant ». A cela s’ajoute un plan fixe sur les pieds des protagonistes de cette scénette, avec une belle paire de Richelieu pour le petit garçon et une sublime paire de talons hauts pour sa petite victime.

Le petit garçon, reprochant à la petite fille sa maladresse dans l’art du thé… semble se mettre à l’injurier pour finir par la frapper. A aucun moment, la caméra ne nous montre ce qui se passe au-dessus de la table, aussi comprenons-nous que le petit garçon finit par tuer la petite fille.
Tout cela avec l’argent des contribuables, femmes comme hommes.
Très joli ! Seulement, étant contribuable homme, je n’ai absolument pas envie de cautionner ce genre de clichés malsains qui tend à ramener :

– L’homme dans une position d’agresseur,
– La femme dans une position de victime.

Mais, si nous passons outre ce manichéisme arboré de manière outrancière, une deuxième lecture, non moins symbolique s’impose, à savoir :

– Le petit garçon incarné par des chaussures bien viriles est forcément un mâle blanc beauf et bourgeois,

– La petite fille incarnée par des escarpins très « féminins » (empruntés à sa mère dont toute l’existence est bâtie sur l’idéal des 30 Glorieuses) est forcément une victime d’un système qui la fait vivre,

Nous ramène à l’image d’une femme qui ne peut être que, dans le meilleur des cas, secrétaire, dans le pire, pute.

Aussi, je voudrais demander aux concepteurs de cette campagne si, non seulement ils ont réellement compris les symboles antagonistes qu’ils véhiculent insidieusement à travers ce spot, et si, d’autre part, le budget qui leur a été alloué fût si conséquent pour se permettre d’en minimiser autant la forme que le fond.

Car, à travers ce genre de raccourci, vous entretenez non seulement les clichés les plus redondants du « genre ». En effet, aujourd’hui, la féminité comme la masculinité sont des notions complexes qui ne se résument pas à une simple paire de chaussures.

A travers ce spot , vous réduisez l’image des femmes à celle des ménagères qui n’ont pas d’autre réalité sociale que celle de la victimisation autant que celle des hommes qui n’ont d’autre but que de rapporter l’argent au foyer tout en se satisfaisant du rôle de la première.
En cela, à défaut de combattre le sexisme, vous contribuez à son développement dans l’esprit des plus jeunes. Sur ce point, nous persistons à penser que la mise en scène et l’utilisation d’enfants dans ce spot participe à l’utilisation de l’affect dans une corde populaire que vous ne maîtrisez pas.

Il me semble qu’il s’agit d’une très mauvaise idée d’utiliser ce que peuvent ressentir les enfants dans les drames de leur vie quotidienne parentale. Vous risquez de créer un miroir déformant de leur réalité.
Il me semble tout aussi absurde de réduire les violences conjugales à une seule classe sociale, alors que nous savons forcément que les crises familiales naissent des crises économiques.

En cela, concepteurs (publicitaires à 2 euros) comme commanditaires (élus incompétents), je voudrais que vous sachiez que votre campagne prône l’opposé de ce qu’elle tente de dénoncer, que les genres ne se résument plus à l’homme patronal et à la femme pute-ménagère, et qu’étant un homme, 1. je ne suis pas l’homme de votre publicité, 2. ma compagne n’est pas la femme de votre publicité, et enfin : 3. je ne la frappe pas tous les jours (qui plus est devant mes enfants) même si elle le mérite…