LE CŒUR EN BERNE, par Renaud Santa Maria

LE CŒUR EN BERNE, par Renaud Santa Maria

Le train et le livre vont ensemble comme vin et fromage ! J’avais emporté cette fois un petit livre étrange, dont la couverture obscure et le titre pessimiste suffiront malheureusement à repousser certains : Le cœur en Berne, de Renaud santa Maria, aux méritantes éditions Stéphane Million.

Eh bien ne nous fions pas aux apparences, c’est un ouvrage bizarrement optimiste, aux morceaux de vie entiers, qui se cache derrière l’humeur, voire l’humour (entre les lignes) volontiers morbide de l’auteur. Comme si le noir devenait une couleur, un miroir paradoxal, réfléchissant lumineusement la condition humaine… Un désenchantement enchanteur que ce recueil de nouvelles, un genre actuellement méprisé par l’édition pour de mauvaises raisons commerciales !... Le livre se compose de quatre nouvelles précédemment publiées par le même Stéphane Million dans sa revue Bordel au nom joyeux, ainsi que deux inédits pour faire du neuf avec du vieux… et « Calicots lunaires » qui s’en suit, une manière de journal de bord poétique écrit par fragments entre 1989 et aujourd’hui : un vrac organisé, donc, comme le sac d’une femme où certainement la vie de l’auteur, qui semble y avoir mis de ses écrits tout ce qu’il ne voudrait pas voir oublié ou perdu.

Un recueil apparemment improbable, mais qui trouve savamment et en beauté son unité, par la justesse du regard baroque de Santa Maria nous livrant cette part de son univers : entre vaines espérances et quête d’absolu, tiraillé par ce qui semble inéluctable aux autres, l’auteur cherche, au travers de ce qu’il y nomme « les néants en vacations », à trouver ce qui peut encore faire tenir debout cet homme, créature blessée par nature… Et ce qui fait la force du récit, autant que sa profondeur, c’est l’exactitude imagée d’un style précis qui est pour moi la marque des grands auteurs : cette facilité d’évidence qui surpasse la réflexion par la description et l’histoire, tels de petits dessins, des sortes de portraits, qui valent bien de longs discours… Il faut dire que Renaud Santa Maria me parait clairement affecté par cette rare maladie mentale qui manque à tant d’écrivaillons et rend un auteur indispensable face à des montagnes de livres inutiles : lucidité, ça s’appelle…

Dans ses pages vous croiserez indifféremment cet esprit de collaboration qui fait la chair rose de notre beau pays de France, quelques figures de l’art contemporains, de jeunes philosophes alcoolisés, le corps des femmes et la beauté d’un cadavre, qui sais-je encore… ? Ainsi qu’une chatte noire nommée Pandora, qui traverse ces textes d’un trottoir à l’autre dans la lumière des phares.

C’est une courte lecture, idéale pour le TGV, et que je vous conseille sincèrement, car pour changer le monde il existe deux solutions : descendre dans la rue pour crier « Sarkozy salaud le peuple aura ta peau »… ou lire de bons livres, ce qui me parait plus sage et plus réaliste, bien que peut-être plus difficile.