Ca balance pas mal pour Jean-Louis Murat

Ca balance pas mal pour Jean-Louis Murat

Ce qui est agréable quand on rencontre Jean-Louis Murat pour la promotion de son nouvel album « A Bird On a Poire » (sortie le 31 Août), disque qui est une véritable bombe de bonnes chansons françaises, c’est qu’il est tout l’inverse de ce que les gens peuvent s’imaginer. Loin de la fierté hautaine qu’il dégage télévisuellement, c’est un homme sincère, cultivé, plaisant et drôle qui se prête volontier au jeu des questions dans la poire.

PIERRE DERENSY :Moi qui vous prenais pour le Luis Ocana (célèbre champion cycliste) de la chanson française, c’est à dire un artiste somptueux mais porté sur le côté ombrageux de la chose, voilà que vous allez piquer le maillot jaune de la variété avec de la qualité en plus ?

Jean-Louis Murat : « Je n’espère juste pas finir suicidé comme lui (rire). En tout cas avec ce disque, je souhaite bien changer de catégorie de coureur. C’est surtout du à mon compère Fred Jimenez puisque, sur ce disque là, ce sont toutes des mélodies de lui. Je n’avais jamais travaillé en petit comité de trois, quatre personnes. J’ai toujours eu l’habitude d’être responsable à 100 % de ce que je créais. Il y a un côté agréable à se retrouver uniquement dans le rôle de l’auteur et du chanteur. »

Le Dragon à cent visages (titre de son livre de portraits) ne vieilli donc jamais...Il rajeuni même avec ce « Bird on a Poire » ?

Jean-Louis Murat : « Petit à petit j’essaye d’aller, de monter vers la lumière. Faire les choses simplement en décantant pour être efficace. Pour revenir au vélo, je voudrais être dans le style d’un coureur cycliste, avoir un bon CX... »

[Ce dernier disque est la continuité de ’Lilith’ et du ’Moujik et sa femme’ sortis il y a un an ?

Jean-Louis Murat : « avant ce ’Moujik’ disons que j’avais un peu de surcharge pondérale. Dorénavant j’allège pour arriver à la substantifique moelle. »

En allant toujours de plus en plus vite ?

Jean-Louis Murat : « Je ne mets pas ça dans mes qualités. On sous-entend dans ma rapidité un bâclage qui m’énerve. J’aime l’idée de réfléchir beaucoup avant et sortir rapidement le son en studio. Pas parce que j’ai le feu au fesse mais uniquement car j’ai bien préparé mon coup avant. Je ne veux pas être le mec ultra rapide qui tire plus vite que son ombre ! »

Vous n’êtes donc pas l’éjaculateur précoce de la chanson française ?

Jean-Louis Murat : « Non ! non ! non ! pas du tout ! J’éjacule au bon moment avec toute une préparation avant. (rire) »

Comme vous faites des concours de disques avec votre compère Fred, je voulais savoir si la poire a un jus de pomme de la pochette de RAM célèbre disque de Paul Mac Cartney ?

Jean-Louis Murat : « En tout cas une saveur des produits frais à croquer immédiatement. Avec le naturel qui était très présent dans les années 60. une sorte de naïveté, de spontanéité. Je pense qu’à l’époque, les produits n’étaient pas lyophilisés ou congelés ou recuits. On a essayé d’enregistrer le disque dans cet esprit du fruit nouveau directement du producteur au consommateur. A la main, sans machine : à l’ancienne. Une sorte de confiture avec le minimum d’adjuvant chimique. »

Dans l’album, Vous avez le teint frais et l’œil vermeille pour tenir tête à cette jeune américaine ingénue ?

Jean-Louis Murat : « En ayant travaillé avec elle auparavant sur ’Mustango’, en sachant qu’elle était très coté à New-York comme la plus belle voix de la ville, en ayant une amitié forte avec elle, c’était logique de l’appeler sur ce projet qui peut se résumer comme « une américaine à Paris ». »

Jennifer Charles avait déjà participé à un disque de « sentiment » avec Dan The Automator et son ’Lovage’. Est-ce dû au côté sensuel et charnel de son timbre vocal ?

Jean-Louis Murat : « Il n’y a pas que dans sa voix, c’est une fille sensuelle en action 24 heures sur 24. »

Finalement vous n’avez plus besoin d’aller fantasmer sur PJ Harvey, vous avez le bel écrin d’Elysian Fields (nom du groupe de Jennifer Charles) ?

Jean-Louis Murat : « C’est marrant, elles se connaissent.... Mais Jenny est autrement plus sexy que PJ Harvey. »

Par contre PJ Harvey vous ressemble dans sa façon de travailler ?

Jean-Louis Murat : « Elle aime bien ce qui est brut comme moi mais elle doit être plus intello depuis qu’elle a quitté son royaume pourri d’Angleterre pour aller frayer au milieu des intellectuels new-yorkais. Là-bas il a beaucoup de poses et d’attitudes. En plus elle est en ménage avec Vincent Gallo qui est l’archétype de l’intello qui ne veut surtout pas être pris pour un intello mais qui en est quand même un à fond ! Mais bon : pourvu qu’elle s’amuse et fasse de bons disques, sa vie privée nous regarde assez peu finalement (rire) »

Jennifer Charles comprenait-elle toujours tout ce que vous lui faisiez chanter ?

Jean-Louis Murat : « Je lui ai tout expliqué (rire). « Monsieur prend à la sauvette » par exemple. Elle voulait absolument une explication. Je lui ai donné parfaitement tout l’éclaircissement. Lui expliquant aussi la « Levrette ». Elle est très dégourdie. Très cultivée. Elle a de très bonnes bases de latin, d’espagnol, d’italien. Elle prend des cours d’étymologie et devient une très fine mouche en langue. »

Comment avez vous fait pour mijoter une dualité homme-femme si souvent usitée en matière musicale sans tomber dans le convenu ?

Jean-Louis Murat : « Le meilleur moyen c’est de ne pas y penser. J’avais en ligne de mire Jenny qui n’est pas conventionnelle du tout. Je n’aime pas trop les clichés. En sachant qu’éviter les clichés est une façon de tomber dans un cliché aussi... »

Viens ensuite ce « Mashpotétisés » ou comment régler certains comptes avec la culture musicale des yé-yé ?

Jean-Louis Murat : « Je les appelle « Les Machins », toute la culture de l’ersatz français. Le peuple français est le conglomérat qui reprend le plus des choses américaines avec des chanteurs aux noms débiles comme Dick Rivers, Eddy Mitchell ou Johnny Halliday. La moitié des français pensent qu’Elvis Presley a tout piqué à Johnny. Ce qui explique la misère de la variété ici. On confond le vrai et le faux. On prend Claude François pour James Brown. »

Sacha Distel a tué Burth Baccarach ?

Jean-Louis Murat : « Par exemple. Je me souviens que le jour où j’ai écouté un vieux Phil Spector avec ’Da Do Run Run’ en version originale, ma mère rentrant chez moi m’a demandé qui avait repris la chanson de Sylvie Vartan. La culture de l’ersatz a complètement faussé le jugement de beaucoup de gens. C’est le terreau où pousse encore, de nos jours, la variété française. Ils sont tous dingues et l’arrogance de ces gens qui n’ont pas de culture musicale est très comique. Mes amis anglo-saxons rigolent bien en tout cas. »

Heureusement il reste des irréductibles gaulois dans votre trempe ou plus récemment Cali ?

Jean-Louis Murat : « Oui. C’est sur la durée que la différence se fait. Le plus difficile c’est qu’au deuxième... cinquième... dixième album il ne faille pas baisser les armes. »

En évoquant les armes en berne, est ce que les histoires d’amour se terminent comme dans l’album, par l’anéantissement d’un cœur ?

Jean-Louis Murat : « Les histoires d’amour finissent mal en général. »

Quand j’écoute votre album j’ai l’impression que ce disque est votre « Paris au mois d’Août » à vous ?

Jean-Louis Murat : « L’idée c’était de comparer la différence de comportement entre la culture française et américaine. Comment l’on peut se parler d’amour. Au niveau romanesque c’est toujours stimulant l’exotisme que peut amener la présence de quelqu’un d’étranger. C’est bien dommage que les français soient aussi anti-américains. »

Vous partez pour une tournée en trio avec vos drôles d’oiseaux ?

Jean-Louis Murat : « Jenny viendra faire quelques dates mais sinon personnellement je repars avec mes deux musiciens. »

La dernière fois que je vous ai parlé vous regrettiez d’être le parent pauvre de la chanson française

Jean-Louis Murat : « C’est ma petite coquetterie de plaintif. »

Avec le succès de ’Lilith’ et du tube ’Le Cri du Papillon’ vous avez touché un public plus large ?

Jean-Louis Murat : « Pensez-vous. J’ai toujours les mêmes ventes. Je reste toujours dans les mêmes eaux. C’est d’ailleurs ce qui me désespère un peu... mais enfin bon je ne vais pas recommencer la même coquetterie si je vous ai fait le coup l’autre fois c’est bon ! (rire) »

’Parfum d’Acacia au Jardin’, votre dernier projet musical en date, sorti uniquement en DVD était une performance étonnante, à la réflexion vous en êtes satisfait ?

Jean-Louis Murat : « C’était un gros pari. Faire un enregistrement en une journée avec uniquement des chansons nouvelles. J’aime vraiment le danger. J’ai l’attirance du risque. »

Vous changez constamment de rôle, en passant d’un jour sur l’autre du chanteur, au peintre, au photographe ?

Jean-Louis Murat : « J’aime passer d’un support à l’autre sans m’arrêter. Il ne faut jamais mettre ses œufs dans le même panier. J’ai toujours plusieurs gamelles sur le feu. »

D’où ce livre sorti aussi sur vos auto-portraits ?

Jean-Louis Murat : « J’ai déjà deux autres bouquins qui j’espère sortiront avant la fin de l’année. J’ai enregistré un autre DVD qui devrait sortir l’année prochaine. »

Le support DVD vous a plu ?

Jean-Louis Murat : « Comme je suis grand je ne me pose plus de morale sur le support. Je dis aussitôt ok pour l’utiliser... car pour moi le principal souci c’est d’être en forme et de donner le meilleur de moi, que ce soit en disque, en dessin, en chansons, en poésie ou encore en photo. Ce qui m’importe c’est de faire les trucs. »

Pouvez-vous me dire où se trouve ce disque que vous avez réalisé en compagnie d’une poétesse inconnue du temps de Madame Deshoulières ?

Jean-Louis Murat : « Je l’ai mis sur le net donc les fans doivent l’avoir. J’ai déjà beaucoup de problème avec ma maison de disque, par exemple j’ai deux autres disques de prêts et je ne peux même pas en sortir au moins un en décembre comme je l’avais prévu. »

Vous êtes déjà prêt à partir pour Nashville afin d’enregistrer ce fameux disque américain ?

Jean-Louis Murat : « C’est ce que je voulais faire en Décembre... mais ils ne veulent pas les chameaux.... Je pense que je vais démarrer un nouveau bras de fer. »

Que pensez-vous de la crise du disque ?

Jean-Louis Murat : « Tout état de crise à quelque chose de bénéfique. Cela va faire tomber les artistes les moins bon. Cela fera de la place. Ceux qui n’ont pas d’abnégation, d’énergie suffisante pour passer au dessus de cette crise seront éliminés. Mais vous savez il y a tellement de médiocrité dans notre job. Je ne vais pas pleurer sur leur sort, de toute façon passer toute sa vie à sortir des disques à coup de subvention ce n’est pas agréable. »

Mais n’avez vous pas peur que les artistes sans talent passent au travers des gouttes et que ce ne sont que des gars dans votre genre qui passeront à la guillotine ?

Jean-Louis Murat : « La règle c’est de ramasser du pognon. Le public si on leur présente une vedette de télé qui fait un disque pourri ils vont tous l’acheter... c’est le mauvais goût du public qui fout la zone ! »

Avec votre très bon album qui va sortir, qui est plus accessible ou tout du moins plus enclin à se faire aimer, allez vous justement faire un effort pour passer dans les médias ?

Jean-Louis Murat : « NON ! Par exemple je ne veux plus faire de télé. J’aime bien avoir mon franc parlé. A chaque fois que je fais une intervention à la télévision j’en ai pour trois semaines à être emmerdé par les gens. A mon sens, la télévision on y va et on fait le robinet d’eau tiède (ce que font tous les artistes), là on peut vendre des disques. Moi si j’y vais c’est plutôt pour foutre le souk et là la foule est du côté de l’animateur et de la chaîne. A ma grande surprise d’ailleurs. Si je veux préserver ma tranquillité quand je vais acheter mon pain et mon journal il ne faut pas que j’y aille. Il y a un prix très fort à payer à la franchise, j’ai plein de gens qui me traitent comme un chien parce que j’ai été désagréable avec Ardisson. »

Mais c’est aussi parce que vous êtes plutôt le genre de garçon à rappeler au peuple le dopage de Richard Virenque plutôt que d’évoquer ses victoires ?

Jean-Louis Murat : « Certainement pas ! vous aviez fait un sans faute jusque là mais là je tiens à vous recadrer : Richard Virenque je l’aime, je le soutiens, je l’ai défendu même au plus mauvais moments. Je déteste les gens qui présentent les sportifs comme des tricheurs. La société veut que le sportif porte à lui seul la pureté. Qu’ils soient des anges tout ça pendant que les gens se bourrent de médicaments et d’anti-dépresseurs continuellement. »

Ils sont plutôt victimes que coupables alors ?

Jean-Louis Murat : « Bien sûr. Ils sont victimes des pulsions de sainteté de la société. Vous imaginez si on faisait pisser tous les mecs qui vont bosser le matin. »

Paradoxalement, le chanteur lui est adulé bien souvent pour son côté subversif ?

Jean-Louis Murat : « C’est de la subversion à trois balles oui ! Mick Jagger est l’icône subversive pour finir lord dans un manoir du XVIIème siècle..
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Daniel Darc serait plus enclin à endosser le costume ?

Jean-Louis Murat : « Mais non ! ou alors le maire de paris est subversif. Je pense que c’est une sorte de nostalgie de la défonce. Ce ne sont que des types qui ont mal lu Burrough. On n’a jamais vu la lumière au bout d’un shoot d’héroïne. Je ne suis pas plus fasciné par la dope que par le ricard. C’est un peu de la pose ces trucs là. La posture n’a qu’une syllabe pour basculer dans l’imposture. »

Alors je vous laisse partir avec l’honneur de la vraie French-Touch : j’ai nommé le baiser français ?

Jean-Louis Murat : « C’est peut être le seul lègue que nous pourrons laisser à l’humanité ! »