42 ans après, jamais à l’Ouest Sergio Leone !

42 ans après, jamais à l'Ouest Sergio Leone !

Il était une fois dans l’Ouest demeure un film précurseur tourné en 1968 ! Il révolutionne tous les potins du western et régale en cinémascope un pan de l’histoire des Etats-Unis qui raconte les débordements du chemin de fer. Serti par Claudia Cardinale, le seul personnage qui garde un peu d’humanité et par des gueules d’atmosphère à la Bronson, Robards, Fonda… La magie de la musique de Morricone nous époumone. Ce film décolle et nous scotche à le voir ou le revoir. Il était une fois un chef d’œuvre par la bande à Leone, une bande originale pas du tout banale.

Après la trilogie du dollar, Leone entreprend le triptyque américain Il était une fois. En 1968 il réalise Il était une fois dans l’Ouest. Il bouleverse le carcan des conventions du western ricain devenu un peu terne depuis que John Ford tourna L’homme qui tua Liberty Valance en 1962. Ouvrant la voie aux Sam Peckinpah et Arthur Penn qui excelleront eux aussi à leur manière. Un des raisons du mauvais accueil de ce film, de l’autre côté de l’Atlantique dont plusieurs scènes furent amputées, provient du fait que le héros Henri Fonda, âgé de 63 ans lors du tournage ne faisait pas du tout son âge. Il était habitué aux rôles du type bien sympathique. A contre emploi chez Leone il dépeignait un certain Frank crapule notoire qui n’hésite pas à massacrer femmes enfants et adultes pour son propre profit. Quel désordre dans les esprits ! D’autant que Sergio écumait hors de leurs tombes des personnages immuables dans le mythe du western. Harmonica (Charles Bronson) qui joue tout faux l’air de ses poumons est le vengeur froid et pas du tout bavard. Le Cheyenne (Jason Robards) est un bandit au grand cœur déconnecté de la réalité bête et méchante. Moton (Gabriele Ferzetti), est le capitalo corrompu et gangrené par le virus du fric. Claudia Cardinale alias Jill McBain, putain recyclée est le seul personnage qui épouse son époque de transformation malgré ses nombreux déboires avec les hommes sans loi.

Je voulais faire un ballet de mort en prenant comme matériau tous les mythes ordinaires du western traditionnel : le vengeur, le bandit romantique, le riche propriétaire, le criminel homme d’affaires, la putain… A partir de cinq symboles, je comptais montrer la naissance d’une nation. (Sergio Leone)

Nation déjà corrompu qui s’asseyait avec aisance sur ses premiers habitants surnommés avec dédain les peaux rouges et traitait ses noirs importés d’Afrique comme des esclaves, par des colonisateurs qui avaient fui pour la plupart la famine et la misère du continent européen.

Pari difficile d’écrire et réaliser un tel film avec toutes les barrières en vigueur du cinéma américain qui se croyait le seul détenteur de son histoire métissée Pourtant pari réussi qui érige Il était une fois dans l’Ouest au Parthénon du film de genre. Je n’utilise pas à bon escient le terme de film culte, que je déteste et qui empeste la naphtaline et le cul-cul la praline pour les médias qui ont fenêtre sur cour.

Avec Il était une fois dans l’Ouest, c’est comme si Leone nous disait : Voici votre western américain, je vais le subvertir. Je vais prendre votre héros préféré, Henri Fonda, et je vais en faire un méchant. (Quentin Tarantino)

D’après une histoire entre autre d’Argento, monsieur gore du cinoche rital qui a une fille qui détonne les canons de la beauté méditerranéenne, et le grand Bertolucci, Sergio savait s’entourer !

L’histoire : trois malfrats ont un contrat de Frank à honorer. Ils attendent à la gare Harmonica pour le trucider. Dans la scène d’introduction, d’anthologie du western, avec son générique du silence qui dure trois plombes et nous plombe les nerfs car tellement grandiose, on entre dans le grand art du cinéma qui s’achève en apothéose. Car c’est bien la première fois que dans un film de Leone, un héros blessé se relève d’une fusillade. Dans le même temps, Frank en personne aux ordres de Morton, trucide un père et tous ses enfants pour mettre la main sur la propriété des McBain (La source fraîche), en prenant soin de laisser des indices qui accuseront le bandit Cheyenne et sa bande. En effet tout se déroule autour d’une ville fictive Flagstone et autour d’une lutte sans merci avec l’arrivée du cheval de fer qui recule les territoires des Indiens jusqu’à leur extermination et leur déportation dans des réserves. Jill, la putain respectueuse parvient par le train en ville pour épouser McBain. Pas la peine, Frank lorgne déjà sur son héritage, car son fada de presque mari irlandais avait une idée pas du tout con, il voulait construire une gare et abreuver de sa précieuse eau fraîche les locomotives et même les gosiers pas encore rouillés par tout l’alcool qu’ils auraient ingurgité.

Même si Leone définit son film comme une ballet de mort. La partoche en revient une fois de plus à Ennio Morriconne, le faune génial. Chacun des quatre personnages principaux a droit à un thème musical qui introduit son entrée à l’écran. La musique précède l’image et lui concertise les prises. Le montage se coule dans les notes et accorde ses violons avec la partition.

Les très gros plans en scope. Les yeux de Harmonica qui crèvent l’écran. Tourné d’avril à juillet 1968, à Monument Valley en Arizona, dans la région de Moab en Utah ainsi qu’en Andalousie à La Calahorra et à Tabernas les studios à ciel ouvert qu’affectionnait tant Leone. Sans parler du travail faramineux des décorateurs sur le plateau de cette belle équipe de tournage !

Leone avait le regard grand ouvert sur Lee Van Cleef, Eli Wallach et Clint Eastwood, les trois héros du Bon la brute et le truand, qu’il voulait réengager pour la première scène du film des trois bandits qui attendent Harmonica pour le zigouiller. Seulement Eastwood en pleine ascension voyait d’un mauvais œil de jouer un rôle si court et de crever au début du film.

Leone reprend à son compte une trame qui avait déjà bien fonctionné pour un personnage de Et pour quelques dollars de plus : la vengeance. La toquante qui égrène les flash-back des dollars aide à comprendre le sentiment de vengeance Dans Il était une fois dans l’Ouest, le thème à l’harmonica, montera crescendo jusqu’à la scène finale du film qui expliquera les motifs du héros qui veut tuer Henry Fonda.

Ce film est d’une richesse cinématographique incroyable, chaque scène, chaque plan mériterait que l’on s’y arrête et je ne me lasse jamais de le revoir. Alors, quand les écrans géants des salles obscures vous ouvrent de nouveaux horizons, pourquoi bouder votre plaisir de voir Il était une fois dans l’Ouest, chef d’œuvre incontesté du père Leone et de toute son équipe, appuyée par des comédiens hors pair et Claudia Cardinale qui joue toutes les femmes à elle toute seule ! Chapeau !

Il était une fois dans l’Ouest de Sergio Leone, avec Claudia Cardinale, Henry Fonda, Charles Bronson, Jason Robards… / copies neuves restaurées, scénario de Sergio Leone et Sergio Donati d’après une histoire de Dario Argento, Bernardo Bertolucci et Sergio Leone / image Tonino Delli Colli / montage Nino Barragli / décors Carlo Simi / costumes de Carlo Simi & Antonella Pompei / musique Ennio Morricone / 1968 / Italie / Etats-Unis / 170 minutes, Technicolor, distribué par Carlotta Films, 21 juillet 2010 au cinéma