« Hi, Mom ! », Brian de Palma révolté, mais déjà si désespéré !

« Hi, Mom ! », Brian de Palma révolté, mais déjà si désespéré !

Brian de Palma planta le décor de Hi Mom ! en 1970, avec son regard aiguisé qui aguichait les censeurs à classer son film X par la bande à Nixon. En ces temps là, les blancs se prenaient pour des noirs. Ces derniers frustrés s’adonnaient à la guérilla urbaine sous le regard halluciné du jeune Robert de Niro. C’est vrai, il en fait presque un peu trop pour percer avec sa caméra super 8, en voyeur sarcastique, un New York qui se cramait les quinquets au napalm made in Vietnam.

On reconnaît tous les stigmates d’une révolution avortée dans l’œuf du serpent de ces gens qui se vivaient en sursis d’être appelés sous les drapeaux. C’était déjà le choc des titans qui accusaient le pouvoir de tout posséder pour se croire exister et fêter la société de consommation à son apogée. D’un côté les prolos se magnaient le ferry pour parvenir à l’heure à leur taule. Ils croisaient des activistes de la cause en révolte afro-américaine qui revendiquaient ses bons droits.
A sa façon et toujours avec son regard décalé avec la foutu réalité, de Palma se réclamait des courants de la contre culture d’un cinéma qui gerbait la scène hollywoodienne.

On est loin des navetons qui affichent l’adaptation terne du Dahlia noir ou de ses autres bourdes dans l’ineptie d’une Mission impossible et autres Les Incorruptibles, cinéma pour gogos qui affichent les biffetons bien dans le thon ! Hi, Mom ! arrive dans le prolongement de Grettings (1968) qui remporta un franc succès dans le réseau des universités en ébullition.
Brian de Palma adore travailler avec de fortes personnalités. Il est servi par un de Niro jeunot épatant qui se surpasse. Il a l’étoffe du héros à la veste militaire d’un Taxi driver. Il s’appelle John Rubin et répond à la spontanéité de l’art de filmer d’un de Palma qui livre les dialogues à ses personnages seulement quelques heures avant les prises, ce qui laisse deviner quelques perles rares.
De Niro crèche dans un appartement à la masse situé à Manhattan et se prend les tatanes à vouloir créer un nouvel art voyeur. Il filme la vie intime mode d’emploi de ses voisines et voisins en contre point dans l’immeuble d’en face. Il mène un stratagème pour séduire sa ravissante voisine un peu cruche et fleur bleu, Jennifer Salt épatante et crédible en pucelle effarouchée qui devient folle de son corps au moment d’expier tous ses plaisirs frustrés et prendre enfin son pied. Fort de son échouage à marée basse, il tourne son objectif du côté des happenings militants, tel le Be Black Baby, qui consiste à maquiller de pâles intellos blancs de gôche en noir pour se jouer la bonne conscience de se vivre en noir, quitte à se faire brutaliser comme en vérité par les blancs. Le noir et blanc du reportage allume les écrans lactescents, comme c’est charmant. Le cinéma filme 24 images par seconde le mensonge du travestissement, fort investissement pour démasquer les injustices criantes. De Palma s’en donne à cœur joie dans le plus pur style jouissif des happenings des années 68, à l’aube du théâtre de la révolte.

La guérilla urbaine des blacks est vouée au carnage. La cellule blanche confortable résiste sans ambages. L’image triomphe ! La machine cinéma s’ouvre de nouveaux horizons en super 8 et devient un parfait objet de consommation. La télévision en écho digère déjà les cerveaux disponibles. Les gentils yankees qui se vautrent dans une vie austère pépère et au bonheur-du-jour n’ont plus guère le choix, que de sauter sur le Vietnam pour rétablir l’ordre du bien et de la morale à grands faits d’armes.

Près de 40 ans plus tard, Redacted marque avec beaucoup plus de violence le discours désespéré de de Palma dans le contexte de la guerre en Irak. A la fin de Hi, Mom !, de Niro en brave soldat salvateur est trop content de passer à la télé pour saluer sa mère.

J’allais oublier, la zizique de Eric Kaz, funk bien déjanté digne des Meters, un ravissement pour les esgourdes sensibles !

Hi, Mom ! de Brian de Palma, 1970, 83 minutes, couleur et noir et blanc, version originale sous-titrée, DVD 9, nouveau master restauré, distribué par Carlotta Films, mai 2010, prix 19,99 euros

Suppléments :
Préface de Samuel Blumenfeld (7 minutes)
Percevoir / décevoir, une analyse de jean Douchet (22 minutes)
Bande-annonce
Inclus : un bonus caché !