Des gestes fous ou désespérés qui, selon l’auteur sont des oeuvres d’art qui ne laissent pas place au hasard mais qui sont signifiés, qui font partie d’une histoire personnelle. Des gestes "parfaits" en quelque sorte si on les décode avec les bons outils.
Un parti pris audacieux et rondement mené par un auteur qui est passé maitre dans cet exercice analytique et érudit.
"Eloge du mauvais geste" est d’une grande double actualité (Cf la Coupe du monde et l’intérêt grandissant pour la Philosphie) et pourtant il est proprement intemporel. Cet "éloge" donne du sens, disserte en profondeur sur des instants qu’on croit connaître par cœur mais dont finalement on n’a qu’une connaissance superficielle.
L’auteur nous donne des pistes de lecture de ces gestes devenus phénomènes de société, buzz, polémiques ou grands moments Humains.
Il est des gestes qui dépassent le cadre du Sport car ils nous interrogent de manières beaucoup plus universelles. En décryptant ces moments symboliques, Ollivier Pourriol va bien au-delà du jugement moral, de la transgression ou non des règles, il réfléchit sur les notions de punition, de faute, de destinée, de limites, de choix personnels, de désirs intimes.
Six gestes qui ont marqué l’histoire moderne et télévisuelle du football français et international.
Le coup de tête de Zidane en finale de la Coupe du monde 2006 ? Un geste prémédité qui confisque la victoire aux Italiens et permet au capitaine des bleus de reprendre son destin en main.
Le but de la main de Maradona lors de la coupe du monde 1986 ? Le premier acte d un doublé où l argentin montre au monde qu il est un dieu du foot, mais un dieu à visage humain.
La main de Thierry Henry face à l’Irlande en qualification du mondial 2010 ? Un lapsus qui trouve sa source dans l inconscient collectif de l’équipe de France, et qui la plonge dans une crise de mauvaise foi.
Éric Cantona répondant à l’insulte d un supporter en lui sautant dessus pied droit en avant ? Un geste surréaliste au sens artistique du terme.
L’agression de Harald Schumacher sur Battiston lors du France Allemagne de 1982 ? Une faute qui permet à la France de connaître sa défaite la plus parfaite, et de naître en tant qu équipe.
La folle joie de Platini courant bras levés après un penalty malgré les trente-neuf personnes du stade du Heysel ? Jour de gloire et de honte, le moment où il est devenu un homme confia-t-il un jour à Marguerite Duras.
Examinant successivement ces six cas, Ollivier Pourriol essaye d’ approcher au plus près la vérité première (dénuée d’affect ou de mauvaise passion) de ces gestes qui appartiennent désormais à notre mémoire, comme un tableau, une chanson ou un souvenir personnel.
Et si le mauvais geste c’était peut-être d’abord cela que viennent chercher les milliards de téléspectateurs. La coupe du monde de football : les jeux du cirque en mondovision. Est-ce que le dérapage n’est pas la cerise sur le gâteau d’un spectacle qui se nourrit d’une transgression qui dans tous les cas est vendeuse au sein de tout un système ?
Un livre passionnant qui se lit et se relit, qui nous interroge, un livre nostalgique et référentiel qui se lit comme un livre d’histoire, comme un voyage dans un mythe ancien et moderne à la fois. Un livre qu’aurait conseillé Pierre de Courbertin.
ELOGE DU MAUVAIS GESTE, Ollivier Pourriol, Editions NIL