Un Volcan érotique show show show

Un Volcan érotique show show show

Sous le label Un Volcan érotique, la Scène nationale du Havre a vécu, du 27 au 28 avril, des soirées très hot.

Si certaines installations méritent l’épithète de « sensationnel », celle qui a pris place dans le bar du Volcan se distinguait aussi pour son bon goût. Le public était invité à se glisser, sur le dos, la tête séparée du corps, dans une structure toute rose déconseillée aux claustrophobes. Les yeux, la bouche, les oreilles et le nez étaient alors sollicités, caressés, titillés, intrigués, charmés par un défilé de saveurs, d’odeurs et de compositions d’un kitch délicieux. Un bouquet de menthe qu’un bras anonyme venait agiter sous vos narines. Une crevette grillée que vous deviez saisir avec vos dents. Une suspension de lys parfumé. Un Manneken-Pis en pleine action. Un chou à la crème qui vient fondre sur votre langue. Un cocktail coloré que l’on vous versait dans la bouche avec une pipette. Barbie et Ken que l’on surprenait dans une posture que la morale réprouve. Une chaleur de four étouffante. Un air frais qui vous remettait sur pied. Quel étonnant festin des sens. Une carte de visite comestible, en hostie, signait le talent de l’artiste qui officiait dans Undeuxdouce : Peter de Bie.

Après cet amuse-gueule délicat, deux charmantes ouvreuses, Mercedes et Micheline, vous accueillaient dans le magnifique cabaret qui avait pris possession du Grand Volcan. Un malabar coiffé d’un chapeau melon vérifiait si vous ne possédiez ni armes ni drogues dures. Une pulpeuse personne, cousine de la Cicciolina, vous offrait son postérieur en guise de panorama. Deux acrobates peu vêtues répétaient sur la scène qui servait aussi de loges. Et puis démarrait un show délirant et débridé. Les spectateurs/trices étaient invité-e-s à mettre leur téléphone sur le mode vibreur...

Philippe Decoufflé s’amuse bien avec l’univers du strip-tease. Il y avait, évidemment, de l’érotisme dans les tableaux. Il y avait aussi beaucoup de situations burlesques. Cela donnait du rythme, de la folie (une chorégraphie avec des légumes !), des costumes improbables, une parodie de vaudou ou même l’un des slams le plus drôle de l’histoire du spectacle vivant. Marcel et son orchestre ont du souci à se faire. Cela donnait aussi de grands moments de cabaret avec pluie scintillante, costumes pailletés, paradis artificiel. Un numéro « équestre » a fait pâlir les dames. Des solos et des duos ont laissé planer des anges. Magie du nu intégral.

Cœurs croisés est un bric-à-brac bouillonnant, un kaléidoscope poétique. La danse, le cirque, la comédie, la musique (avec un orchestre à la hauteur de la situation) et l’esprit du music-hall s’y mêlent avec jubilation. Les corps des artistes, hommes et femmes, se dénudent dans des numéros langoureux, décalés ou pas. Comique de répétition, une femme n’avait qu’une envie : montrer fébrilement les jolis pompons fixés à ses tétons. Les corps se croisent sur une vaste palette anatomique et le dernier effeuillage offert simultanément par la dizaine d’artistes alignée en bordure de scène a été un salut marquant.

Sans souffler, deux danseuses de Cœurs croisés, Alice Roland et Marianne Chargois, ont vite rejoint la chorégraphe Gaëlle Bourges dans le Petit Volcan pour Je baise les yeux, une conférence décapante sur le strip-tease et le peep-show. Les trois artistes ont pratiqué le strip-tease dans des théâtres érotiques parisiens. Leur expérience nourrit cette performance comprenant jeu théâtral, chorégraphie et analyses loufoques ou franchement politiques. Certains propos subversifs seraient soutenus par les travailleur/euses du sexe syndiqué-e-s au STRASS qui refusent d’être estampillé-e-s « victimes » par les censeurs hypocrites du Vatican ou de la gauche molle.

Le trio était interviewé par un incomparable modérateur, Gaspard Delanoë. De manière caustique et crue, nues derrière une table, elles nous ont dévoilé leurs secrets. Comment exciter les hommes (pour qui l’ignorerait, le profil type de la clientèle est constitué de VMBH - Vieux mâle blanc hétérosexuel) ? Le duo lesbien étant très demandé, l’art de « lécher les chattes » fut abordé. Gaëlle Bourges (qui arborait une barbe noire), extra en intello pince sans rire, parla aussi des musiques inattendues qui accompagnaient ses prestations : La Mémoire et la mer de Léo Ferré, Le Balcon, poème de Baudelaire lu par Denis Lavant, L’air du froid de Purcell... tout en avouant son trouble pour John Travolta dans La Fièvre du samedi soir !

Après les interventions où il était question d’une vision inattendue de L’Origine du monde de Gustave Courbet, des barres des cabarets (qui ne servent pas à tenir les plafonds), du comment faire pendant les règles ou du meilleur moment pour une épilation intégrale, les danseuses ont joint le geste à la parole en pratiquant quelques exercices édifiants. Mademoiselle X et Mademoiselle Blaise ont montré avec quelle maîtrise et souplesse elles peuvent jouer avec leur corps. Gaëlle Bourges fit une démonstration convaincante sur la masturbation génitale et anale. Sujet profond s’il en est, le sexe met en branle pas mal de fantasmes et de situations renversantes. Le strip-tease livré à cette occasion n’a pas échappé à ce bouleversement puisque les trois conférencières sont reparties… habillées.

Que l’on se rassure. L’éruption du Volcan havrais n’entraînera pas de bouleversements dans le ciel européen, mais il aura sans doute provoqué quelques séismes intimes. Sinon, elle aura au moins eu le mérite d’éclipser pendant quelques soirées la vulgarité de ce monde qui nous ratiboise.