« Toutes en moto » : 250 motardes ont roulé sur Paname

« Toutes en moto » : 250 motardes ont roulé sur Paname

Dimanche 7 mars 2010 à Paris, plus de 250 équipages montés par de fières amazones sur des motos ont défié les lois de la gravitation machiste sur route, au nom de l’égalité entre les femmes et les hommes qui ont un moteur entre les cuisses. Anne la présidente de « Toutes en moto » a bien voulu répondre à mes questions par courriel. Je l’en remercie. Longue vie fraternelle à ce mouvement initié par des femmes libres et autonomes. Rendez-vous l’année prochaine à Paname et j’espère aussi en province pour fêter ces femmes magnifiques et rebelles dans la richesse de leurs diversités et par delà leurs cylindrées.

Le Mague : Pouvez-vous nous donner vos premières impressions à chaud, après cette première manif organisée par « Toutes en moto » à Paris ce dimanche 7 mars ?

« Toutes en moto » : Nous sommes ravies d’avoir rassemblé 250 motardes, et près de 400 participants. Cela fait chaud au cœur.

Le Mague : Comment les médias vous ont regardé et couvert la manif, avec toutes ces motardes autonomes, libres, indépendantes et fières de l’être ?

« Toutes en moto » : Les médias moto ont tous répondu présent et nous les en remercions. Par contre, tous les médias féminins et d’information nous ont largement ignorées, et ce malgré de nombreux communiqués de presse.

Le Mague : Sur quel constat est né votre volonté de créer cette association ?

« Toutes en moto » : Nous avons constaté que l’égalité homme/femme trouve tout son sens dans le monde de la moto. Nous avons voulu le montrer et l’afficher.

Le Mague : A qui s’adresse-t-elle ?

« Toutes en moto » : Toutes les femmes qui pilotent une moto, quelle que soit la marque.

Le Mague : Dans votre topo de présentation, à l’occasion de la Journée internationale des femmes, vous citez le nom de Clara Zetkin. Vous pouvez nous dire quelques mots de ses combats et de son parcours.

« Toutes en moto » : C’était une enseignante, une journaliste et une femme politique allemande qui a milité sans relâche pour les droits des femmes. Le 8 mars 1910, lors de la deuxième conférence internationale des femmes socialistes à Copenhague, (la première conférence avait eu lieu en 1907) elle proposait la création de la « Journée internationale des femmes », une journée de manifestation annuelle afin de militer pour le droit de vote et l’égalité entre les sexes. Cette initiative est à l’origine de la journée internationale des droits des femmes, manifestation qui se déroule tous les ans le 8 mars. Ses convictions lui ont survécu. Elle a défendu une conception du couple au sein duquel les partenaires devaient être égaux en droits. Elle était favorable au divorce par consentement mutuel et pensait que les garçons, comme les filles devaient prendre part aux soins du ménage. Mère de deux garçons, elle a vécu elle-même en union libre, et s’est toujours montrée une ardente partisane du travail des femmes, seul moyen pour elles d’accéder à l’autonomie.

Le Mague : Comment vous situez-vous entre les premiers mouvements féministes émergeants et l’histoire du mouvement des femmes jusqu’à nos jours ?

« Toutes en moto » : Nous remercions toutes ces femmes qui ont marqué l’histoire et qui ont fait qu’aujourd’hui les femmes peuvent voter, avoir un compte en banque et disposer de leur corps. Nous avons constaté que pour les jeunes générations la conscience du combat qu’elles ont du mener est inexistante. C’est notre façon de leur rendre hommage et de continuer ce qu’elles ont initié.

Le Mague : En quoi justement la moto vous semble être idéale pour souligner l’égalité entre les femmes et les hommes ?

« Toutes en moto » : Il n’existe pas de moto pour les hommes ou pour les femmes. Il y a des motos et des pilotes. D’ailleurs dans ce milieu, nous rencontrons plutôt de l’admiration.

Le Mague : Dans mon article je vous ai gentiment égratigné au sujet de votre affiche qui annonçait votre manifestation, montrant une jeune femme roulant à moto sans casque ni aucune autre protection (gants, blouson, bottes). Entre temps vous m’avez justement indiqué que vous aviez changé de cap. La première affiche a-t-elle un rapport avec le fait que Anne comme Annie, vous roulez en Harley-Davidson et que vous ne craignez jamais personne sur votre monture, pour reprendre les propos de la chanson de Serge Gainsbourg pour Brigitte Bardot ?

« Toutes en moto » : Notre affiche voulait donner l’image d’une femme libre et heureuse. Nous n’avions pas pensé à lui faire porter un casque : péché de jeunesse ! Bien sûr que la sécurité est importante surtout pour les mères de famille que nous sommes. L’affiche n’a rien à voir avec la chanson de Gainsbourg.

Le Mague : Quelle relations entretenez-vous avec les divers mouvements de motard(e)s souvent très masculins et machistes ? Et comment vous perçoivent-ils ?

« Toutes en moto » : Nous n’avons pas à nous plaindre de machisme. Les hommes sont plutôt ravis de partager leur passion. Et puis cela leur permet (enfin) de parler d’autre chose que de cylindrées et performances, quoique…

Le Mague : Etiez-vous présentes lors de la grande manif nationale du 13 mars pour la reconnaissance de la moto organisée par la FFMC (fédération française des motard(e)s en colère) ? Et si oui, que pensez-vous des revendications qui sont émises ?

« Toutes en moto » : Annie a participé à cette manif. Moi non : une fracture de la clavicule lors d’un accident moto en février m’empêche temporairement de conduire. Nous approuvons les revendications, sinon pourquoi manifester ?

Le Mague : Quelles sont les conseils pratiques que vous donneriez à une femme qui désire passer son permis moto et rejoindre la cohorte des motardes pilotes, j’espère toujours plus nombreuse sur les routes de l’hexagone et du globe terrestre ?

« Toutes en moto » : En premier lieu ne pas avoir peur. C’est tellement grisant de rouler en moto. Le poids de la machine n’est pas un problème, là où les hommes passeront en force, les femmes le feront souplement et tout aussi bien (ma moto pèse 340 kgs ). Avoir confiance en soi et ne pas écouter les personnes qui parlent de danger : les assureurs font de meilleurs tarifs pour les femmes car elles ont moins d’accident que les hommes….

Le Mague : Dans mon article, j’ai aussi pointé un doigt interrogateur concernant vos partenaires et sponsors qui pouvaient vous affubler de leur logo et aussi retirer toute votre indépendance et votre liberté d’agir et de penser librement. Qu’en pensez-vous ?

« Toutes en moto » : il est évident qu’un tel évènement ne peut avoir lieu sans soutien financier ni logistique. Nous souhaitons préserver notre liberté d’agir et de penser. Nous n’irons pas à l’encontre de nos valeurs pour des raisons financières, un consensus est toujours possible.

Le Mague : Après cette première manifestation, quels sont vos prochains objectifs et pensez-vous fédérer votre association en direction des villes de la province ?

« Toutes en moto » : Prochain objectif : recommencer l’année prochaine ! Nous avons déjà eu des demandes pour organiser la même chose en province. Cela ne nous est pas possible pour l’instant. Si des volontaires souhaitent le faire dans leur région, qu’elles nous contactent, nous étudierons le projet ensemble.

Le Mague : Si vous avez quelques chose à rajouter, surtout ne vous gênez pas.

« Toutes en moto » : Merci à toutes celles qui ont contribué au succès de ce premier rendez-vous. Merci à nos sponsors et partenaires qui nous ont soutenues et ont compris le message que nous voulions transmettre : liberté, indépendance, plaisir. Et tant pis pour ceux qui nous ont considérées comme des illuminées en refusant de nous soutenir en invoquant une cause stérile et inutile.

Le Mague : Par avance, je lance un appel de phare aux femmes motardes qui rejoindront votre mouvement et à toutes les femmes qui se revendiquent libres, mes chères frangines !