R.E.R.

R.E.R.

Depuis sa première pièce Villa Luco, qui évoquait les ambiguïtés de l’après-guerre, Jean-Marie Besset poursuit une œuvre où s’entrelacent Histoire et histoires : après le désir de réussite et les compromissions de la politique, R.E.R. révèle, par rencontres inattendues et collisions sidérantes, les dissonances sociales…

R.E.R., comme son nom à métaphore labyrinthique le suggère, est un drame proposant un voyage sinueux aux tonalités mélancoliques et humoristiques. Mais il ne s’agit nullement d’une entrée à sens unique dans le grand tunnel de la solitude et autres petits problèmes quotidiens, thème déjà ultrarabâché au théâtre et ailleurs. L’ambitieuse pièce de Jean-Marie Besset, mise en scène par Gilbert Désveaux, possède une saveur particulière, rappelant parfois celle du récent Cercles/Fictions de Joël Pommerat. L’on y raconte une fable sociale, à la fois prenante et réaliste, quelque part subtilement irrévencieuse et un brin humaniste…

Dans R.E.R, l’auteur de Villa Luco et de Perthus traite avec une légèreté malicieuse de sujets sérieux : le rôle ambigu des médias, la mise en scène permanente de l’individu lambda – bonjour Christopher Lasch et David Riesman ! -, l’antisémitisme subtil ou encore le regard posé sur les homosexuels. En outre, l’emploi d’une langue élégante et simple permet au texte de Besset de s’aventurer dans les contours complexes de la fracture sociale et des replis identitaires/communautaires.

En fait, l’intrigue de R.E.R. repose sur la mythomanie de Jeanne, pauvre fille qui met en scène une agression dans un R.E.R. pour prouver au monde qu’elle existe. L’histoire de Marie-Léonie Leblanc, véritable feuilleton politico-médiatique de l’été 2004, a été une des sources d’inspiration de Besset. Heureusement, le propos théâtral de l’auteur, riche, va au-delà du seul cas de Jeanne la mythomane, s’attachant en permanence à comprendre chaque personnage, pris entre les maillons de la mesquinerie et de l’empathie. Les motivations de chacun y sont analysées avec beaucoup de finesse. Et R.E.R. offre là une belle réflexion sur bon nombre de sujets, qu’ils soient d’actualité ou concernant la sphère privée.

La mise en scène de Gilbert Désveaux, fidèle au texte de Besset, met à contribution des comédiens chevronnés – le subtil Didier Sandre et la redoutable Andréa Ferréol - et de jeunes acteurs convaincants, comme Marc Arnaud, Chloé Olivères, Mathilde Bisson et Lahcen Razzougui.
Il y a Herman, avocat parisien, esthète brillant et homme influent ; Jo, travailleur occasionnel dans une société de gardiennage, emporté et amoureux ; Onyx, jolie intellectuelle du Quartier latin, à la fois étudiante et ouvreuse de cinéma  ; A.J., ingénieur amoureux, exilé à Pékin ; Jeanne, jeune femme mythomane et paumée ; Madame Argense, femme simple et amère…

En une progression narrative au rythme jubilatoire, Désveaux nous fait pénétrer dans le quotidien de tous ces personnages disparates amenés à se rencontrer, à se tester, à se fuir pour mieux s’apprécier ou ne plus se voir. Un décor stylé et original, un environnement sonore insolite et, surtout, la variété de l’espace scénique – appartement, cabinet d’avocat, hall de cinéma, aéroport, marché aux puces – contribuent à donner à la pièce ce climat fort de suspense psychologique.

La plus grande réussite de R.E.R. réside peut-être dans cette continuelle investigation sociétale, en toute légèreté, de ce que l’on pourrait appeler - faute de mieux « le style de vie » des personnages. Une certaine façon d’appréhender le monde, à travers un tempérament particulier – la référence à Barthes, rappelée par Onyx, la conception littéraire wildienne de la vie propre à Herman. Les personnages de R.E.R sont dotés de multiples tics/codes/références. Chacun attire, séduit, agace, ou simplement ennuie l’autre, le martelant - par hasard, par pur plaisir... - d’éclats identitaires… Pour parler du social, Besset a privilégié l’angle de l’intimité, et donc de l’insoutenable légèreté de l’être chère à Kundera.

Pauvre ou riche, moche ou beau, chacun en soi porte des œillères mais aussi une capacité à sublimer… A l’écart des recettes faciles du cynisme et des messages politiques ou philosophiques conventionnels, le théâtre de Jean-Marie Besset avec R.E.R. prend une tournure résolument humaniste.

Durée : 2 heures

R.E.R.
De Jean-Marie Besset [L’avant-scène théâtre]

mise en scène de Gilbert Désveaux

Du 11 mars au 18 avril 2010

Mardi, mercredi, vendredi, samedi 20 h 30, jeudi 19 h 30, dimanche 16 h
Supplémentaire samedi 27 mars à 17 h
Relâche mardi 30 mars

A signaler : Rencontre-débat avec l’équipe de création, mardi 16 mars après la représentation

Théâtre de la Tempête
Cartoucherie
Route du Champ-de-Manœuvre
75012 Paris

www.la-tempete.fr