Joseph d’Anvers auteur, t’es rock coco !

Joseph d'Anvers auteur, t'es rock coco !

Que d’eau, que d’eau dans ce roman qui débute à Paname dans le 9 ème arrondissement, un 19 décembre 2024 à 3 h 50 et s’achève au chapitre 29, même lieu mais à 4 h 36. Entre ce laps de temps très court, on va suivre l’existence de Ian, célèbre chanteur angliche d’un groupe de rock à son heure de gloire et remonter treize ans au derche, lors de sa rencontre avec Mona Cabriole à la colle avec le zigue. La mort y roucoule un couteau dans le dos des concerts….Beaucoup d’eau a coulé et le Ian sans âge surnage jusqu’au moment de son carnage frontal.

Comme dans un riff agressif de guitare éclectique sur un tic rock, les pages se tournent au rythme soutenu, en accord brillant avec l’auteur Joseph d’Anvers. Il ne laisse jamais refroidir son lectorat entre deux scories incandescentes et descente aux enfers de son héros.

La Cigale ayant chanté tout son saoul se mue en salle de concert. Ian sur scène tombe en pamoison pour une certaine donzelle qui ne nous est pas du tout inconnu. « Ian ne peut détacher ses yeux des siens. Elle est immobile au milieu de tous, la peau un peu humide, les cheveux tombant sur un tee-shirt trop grand au col en V suggestif et un léger, très léger sourire entendu ». (page 14). Le type, il devait penser comme le Gabin « T’as de beaux yeux tu sais ? » En fait, selon les envolées lyriques de Joseph d’Anvers et dans le cinoche de sa caboche, ça donnerait plutôt dans un style à phrases courtes et relevées : «  Ses yeux sont un puits sans fond. Ses yeux sont l’autonome, l’été et même le reste. Ses yeux sont le sucré, l’amer et l’acide. Ses yeux ont un goût de mer d’horizon.
Ils sont la soif étanchée et la chaleur des nuits d’hiver. Ses yeux ont le fruit mûr de la tombée de la nuit quand la fraîcheur arrive enfin. Ses yeux sont un poème ». (page 15). C’est du torché mon gag ! Le premier singe qui me jacte pareil, j’en trombe raide dingue, les grandes eaux et tout le bastringue ……

Coup de foudre infini ! Mona Cabriole c’est de la braise et il s’affole le Ian ! Il « est en train de tomber amoureux de ces yeux, de ce puit abyssal vers l’inconnue » (page 31). Chapeau le style, il y a bien longtemps qu’un polar ne m’avait pas défoncé les pupilles à lire pareils mots articulés qui mènent l’action dans un livre vachtement bien écrit. De plus mes puces, c’est un premier roman avec comme de bien entendu les défauts insignifiants des premiers romans….

On suit le Ian. Il chauffe la cuillère et son speed à la peau callipyge de la môme Mona, qui rédige en direct un article et suit la tournée du groupe. Le Jojo d’Anvers, il connaît la zizique. Il a le rock chevillé au corps. Tout, tout, vous saurez tout de la scène dessus/dessous, avant / après, tous les secrets les mieux gardés, pour que le show engrange le blé dans la grange et roucoule le cher ange les attendus des médias. D’autant, quand des mouflets de 20 piges se font occire au couteau. Ca fait un peu crade dans le décor. Les flics soupçonnent les plus accrocs au fric, les marchands de pub pour que les ventes du dernier album dégomme la ferraille et que le groupe joue à guichet fermé.

Dans le temps, y’avait un taré de la chansonnette qui piaffait, qu’une meuf pouvait avoir des yeux revolver. Pas vénère pépère, à vouloir exploser le chanteur d’une bastos dans sa sale gueule de prétenciard. Ian ne joue pas au poker menteur, dans cette ambiance chargée de morgue : « Tes yeux sont un pousse-au-crime ». (page 52). A qui profite le crime ? Justement pas à Mona qui se désespère que son amant préfère sa shooteuse à ses tripes à elle, parfumées et tellement frustrées. D’accord, on n’est pas dans un roman de Hunter S.Thomson quand sonnent les images d’un Terry Gilliam inspiré, à l’humour raide, speed et trip ! C’est plutôt ambiance du bar de la rue des Martyres chanté par Pigalle, cette affaire ! Notre Dame de la Levrette pointe sa quéquette vérolée. Je me garderai de vos raconter toutes les péripéties, n’empêche le Ian, lâché de toute part, file à l’anglaise. Il ne se terre pas en Angleterre mais à Paris, treize ans durant. « Treize années d’attente, treize ans à oublier les siens pour ne pas sombrer dans la folie pure, à se terrer, dans les recoins les plus sombres, les plus humides de la capitale, treize ans de malheurs, de souffrances, de manque, une descente aux enfers assumée, treize années de sévices à soi-même, d’alcool, de drogues, de déchéance ordonnée, treize ans à y penser ». (page 148)

Et le clash pas du tout punk, l’explication en impact déjà annoncé en amont comme un pacte ! Franchement, je n’ai pas été surprise par la fin du roman et c’est ma plus grosse déception. Aucune fausse piste à suivre, mais une filiation d’antan qui bat le plein des rappels et bon vent. La pluie efface l’ardoise de Ian et basta. FIN !

Autant Joseph d’Anvers a un style à lui seul reconnaissable, et pour un premier roman, c’est déjà un évènement fort rare pour être rapporté. Il y’a tellement de raves qui charrient des merdes au rayon librairie. Que nenni pour lui, il sait écrire, il connaît son sujet, il partage le labeur d’un Céline qui griffonnait cinquante pages pour ne garder qu’un maigre feuillet. Le beau Jojo d’Anvers a du répondant, il compose, il indispose les puristes, il poétise, dessine, piétine les plates bandes rectilignes de la littérature convenue, il est rock coco ! Seulement et c’est mon seul reproche, il ne tient pas la distance. Tout en sachant que mon propos n’engage que moi d’autant que le Bartos qui a lu le bouquin derrière mon dos n’est pas de mon avis. Je suis d’ailleurs certaine que la plupart des lectrices et lecteurs n’y verront rien à redire. Alors oublions. Lisez ce roman entrez dans la dimension de Mona Cabriole, la Monalisa klaxonne qui n’a pas du tout le cafard quand le Jacques Higelin avait encore toute la pèche de sa jeunesse et n’encombrait pas tous les médias avec sa tronche en parchemin. Fêtez le premier roman de Joseph d’Anvers et entrez dans son univers rock à Paname. Suivez le Ian la came à la manque. Tournez à fond le bouton de la bande son du premier roman pour le moins original, la cavale entre les pages. Quel pied ! Bon trip !

La nuit ne viendra jamais de Joseph d’Anvers, éditions la Tengo, collection Mona Cabriole, 9 ème arrondissement, 16 mars 2010, 8, 50 euros

Jeudi 18 mars, 19h à la Fnac Montparnasse : Carte blanche à Joseph d’Anvers à l’occasion de la parution de son roman La Nuit ne viendra jamais. Au programme : une performance avec l’acteur Denis Lavant, le musicien Villeneuve et le bédéaste Stéphane Perger, suivie d’un rencontre-cocktail avec Joseph d’Anvers et d’un set des 2miniDJS.
Toujours accompagné selon le même dispositif, Joseph d’Anvers et compagnie : 26 mars à 17 h 30 Fnac Strasbourg / 27 mars à 16 h Fnac Tours / 31 mars à 17 h 30 Fnac Marseille / 30 avril à 17 h 30 Aix en Provence