La Collection "Lu sur Facebook" donne un Statut littéraire aux petites phrases du Net

La Collection "Lu sur Facebook" donne un Statut littéraire aux petites phrases du Net

En littérature, la maxime est un genre littéraire qui se caractérise par sa visée moraliste. L’auteur jette un regard critique sur le monde sans prétendre pouvoir le changer. Cette forme littéraire privilégie la concision et exploite une esthétique du fragment et de la discontinuité.

Aujourd’hui, le genre a évolué et s’est modernisé grâce à la communication sur Internet et dans les réseaux sociaux. De nouvelles formes d’écritures sont apparues à travers ce que l’on appelle maintenant les “statuts” notamment sur Facebook, Twitter et MSN.

Les Editions belges Biliki lancent la première collection littéraire au monde composée de recueils de ces Statuts, 300 par auteur.

Les trois premiers livres publiés sont "Frédéric Vignale trouve que Louis XIV était vraiment un bon Président de la République", "Arnaldinho Gaucho part en polygamie" et "Patrick Lowie est pour l’interdiction de la raclette suisse en Belgique". Interview croisée des auteurs.

1. Pouvez-vous vous présenter pour celles et ceux qui n’ont pas la chance de vous connaître encore, et qui sont chaque jour moins nombreux ?

Patrick Lowie : Je ne suis pas présentable. Vous auriez pu me prévenir... je suis encore en pyjama. Et d’ailleurs je ne sais plus comment me présenter. Dès que je me présente, le doute me prend. Suis-je écrivain, éditeur, metteur en scène, réalisateur... ? Là je travaille sur une pièce et sur mon long métrage... alors je sais de quoi vous allez me parler.... ces statuts... je n’en dors plus.

Arnaldinho Gaucho : Un trentenaire très beau nourri au cinéma, la télévision et internet, auteur qui s’est jeté à l’eau depuis peu en publiant une série hebdomadaire intitulée « la (c)haine » sur legrandbazart.com. Plusieurs projets d’écriture en cours permettront aux gens de me découvrir dans les mois à venir.

Frédéric Vignale : Je suis avant tout un auteur à moustache. Cet attribut viril a une grande importance dans ma production littéraire et artistique. On ne voit pas le monde de la même manière si on est bien caché derrière une petite bacchante parfaitement taillée, croyez moi.
Mis à part ça j’essaye depuis plus de 15 ans d’être là où l’on ne m’attend pas et de créer, en phase avec mon époque, que ce soit avec des images ou avec des mots, plus ou moins heureux.

2. Facebook est devenu incontournable, mais a souvent mauvaise presse, comment jugez-vous personnellement ce réseau social ? Quelle expérience en avez-vous ?

Arnaldinho Gaucho Facebook est un medium comme un autre : il est ce qu’on en fait. Au même titre que la télévision ou internet en général, c’est un outil formidable, si l’on s’en sert intelligemment. Pour moi c’est, et j’ai mis un peu de temps à le comprendre, une façon de montrer aux autres ce dont j’étais capable, une forme de vitrine pour mon écriture. J’y ai lié des amitiés sincères. J’ai une liste de contacts très limités, il n’y a donc pas de mauvaises surprises.

Patrick Lowie comme dans la vie, il suffit de bien choisir ses amis. Et de s’inscrire dans de bons groupes. Et alors le réseau marche vraiment. Il devient stimulant intellectuellement, provoque des sensations intéressantes vous permet de retrouver des amitiés ou des amours perdus. Et vous fait découvrir des gens biens. Maintenant, je me demande s’il n’y a pas un ou deux terroristes parmi mes amis ou un assassin. Tous ces visages souriants. Tous ces visages mis en valeur... sans double menton.

Frédéric Vignale : Facebook est un excellent moyen pour rencontrer la femme de sa vie mais aussi un terrain d’expérimentations socio-artistiques prodigieux. Pour ma part, le principe même du "Statut" m’a redonné envie d’écrire. Ecrire chaque jour sur ce Medium donne un rythme, est une vraie émulation interactive car on est confronté directement aux retours de ses "amis" de Facebook ou Twitter.

3. Un bon statut Facebook répond à quelques règles... lesquelles selon vous ?

Frédéric Vignale : La seule règle est le plaisir, qu’on écrive sur du papier, dans les réseaux sociaux, ou sur les murs de sa ville. Après c’est le public qui décide si l’auteur a du talent ou pas. J’estime que chacun a une légitimité pour écrire des statuts, parfois des mauvais ou des maladroits me touchent plus que des bons.

Arnaldinho Gaucho Je crois qu’il faut juste se faire marrer, faire marrer ses potes, j’ai les amis les plus drôles du monde, s’ils aiment, je sais que c’est bon. Je suis moins drôle que la plupart de mes amis pour tout vous avouer. mais ils sont tous très polis, ils vous diraient sûrement que je les fais hurler de rire.

Patrick Lowie Je ne pense pas qu’un bon statut Facebook réponde à des règles. Au contaire peut-être même. En tous les cas, comme dans mes écrits j’essaye toujours de repousser les limites. Un mot ou une longue phrase, avec ou sans repère,... même le silence est un bon statut.

4. Comment trouvez-vous les recueils des autres dans la collection "Lu sur facebook" ?

Arnaldinho Gaucho Il y a une réelle unité entre les trois livres, Patrick Lowie est très politique dans ses statuts, pour tout vous avouer il est souvent source d’information pour moi, et puis Fred Vignale mêle politique, poésie et absurde, il est souvent plus proche de ce que je peux écrire : un brin mégalo (un bon brin). J’ai plaisir à les lire, pour des raisons différentes. Ils sont tous les deux bien plus engagés que moi, je n’ai pas encore leur conscience politique.

Frédéric Vignale : J’adore me lire, je suis mon premier fan mais j’avoue que mes deux camarades de collection m’ont donné beaucoup de plaisir textuel. Nous sommes tous les trois complémentaires, il m’est arrivé de les détester, de les envier et de les jalouser non seulement pour leurs physiques de rêve, mais aussi pour la qualité de certains de leurs écrits. Je pense qu’ils ne l’emporteront pas au Paradis. "Les premiers seront les derniers..." comme dit la chanson de la sublime Amina que je salue au passage.

Patrick Lowie Ils sont de meilleurs qualités que les miens. Je l’ai déjà écrit en préambule de mon dernier roman, j’écris de mauvais romans. J’écris des mauvais statuts. C’est ma spécialité. Je me suis rendu compte avec le temps que c’était plus facile pour moi d’écrire de mauvais textes que de tenter d’être meilleur. Tout est beaucoup plus simple. Je suis moins déçu et je connais les commentaires des critiques d’avance. Moins ils aiment plus je me sens heureux. Pour revenir aux recueils de mes deux confrères, je les trouve tous les deux drôles, humains, justes, ils ont clairement plus de talent.

5. Finalement le statut Facebook remet à la mode les célèbres maximes des écrivains, quels sont vos modèles en la matière ?

Arnaldinho Gaucho La rue, la vie, parfois il n’y a qu’à tendre l’oreille pour entendre des choses que personne n’oserait mettre dans un spectacle, les documentaires aussi, les gens. Des auteurs comme Audiard ou Desproges auraient eu des pages Facebook vraiment cool je crois aussi, ça aurait eu de la gueule en tout cas : « Pierre Desproges souhaite devenir votre ami ». Je n’ai pas vraiment de références littéraires en la matière à vrai dire.

Patrick Lowie Gandhi, Brel, Pasolini, Marc Aurèle, Sénèque, Fernando Pessoa, André Gide et Noël Mamère....qui a quand même écrit « L’homme moderne perd son temps à essayer d’en gagner... »

Frédéric Vignale : Je suis très ami avec Sacha Guitry que je visite régulièrement au cimetière de montmartre, il m’encourage depuis des années, je crois qu’il a compris que j’étais ce fils spirituel que le monde moderne attendait. De nombreux observateurs ne vont pas manquer de faire la comparaison entre nous en lisant mon recueil, je me suis préparé à cela. Je suis prêt à affronter mon destin.

6. Ces recueils ont une unité de pensée, une conscience se dégage, et on arrive à une sorte d’autofiction en temps réel non ?

Arnaldinho Gaucho Les gens m’ont déjà dit : « on vient sur ta page comme à un spectacle, on attend de voir ce que tu vas proposer, et puis en fonction, chacun trouve sa place, s’attribue un rôle »
Les évènements d’actualité ou du quotidien rythment souvent les statuts, un peu comme une série oui. Mais souvent la « vraie » vie fait moins réagir, du coup j’évite de m’étaler, je préfère fantasmer, et puis la vraie vie, c’est la vraie vie, ce n’est pas Facebook.

Frédéric Vignale : Parcourir mon livre c’est comme lire en moi, comme si j’étais un livre ouvert. Je serais curieux de voir le constat d’un psy suite à l’analyse de "Frédéric Vignale trouve que Louis XIV était vraiment un bon président de la République". Ce bouquin se lit comme un roman.

Patrick Lowie Oui, clairement, et en tous les cas dans quelques années nous pourrons tranquillement retrouver un état d’esprit dans ces statuts, l’état d’esprit du moment. Ceux qui pensent que l’Internet ne procure qu’une créativité immédiate dans le temps présent sont en retard de plusieurs générations web. Je suis dessus depuis 1996 et je vois des gros beaufs arrivés sur le tard avec leurs sabots et qui veulent faire la loi. En ce sens, le monde est désespérant. Pour cette collection, j’aurais quand même préféré qu’une inconscience s’y dégage.

7. Quel est votre pire statut du livre ?

Arnaldinho Gaucho Arnaldinho Prépare une comédie musicale sur France - RFA 82 … ah ben non, il me fait marrer aussi. Je crois hélas que ce livre n’a pas de pire statut. Peut être un auteur de mauvaise foi à la rigueur. Et encore.

Frédéric Vignale : En me relisant, j’ai trouvé que mon livre parlait beaucoup de Sexe et de Politique. Je ne suis pas fier de "Ne se souvient pas de sa dernière cigarette mais n’a pas oublié sa dernière pipe", en ces temps de loi sur le tabac, je pense que c’est un statut qui devrait être interdit par l’Etat.

Patrick Lowie Celui qui est repris en couverture. J’adore la raclette suisse. Je vous conseille d’ailleurs vivement ce site http://www.raclette-suisse.ch - Je ne sais pas ce qui m’a pris d’écrire ça sur mon statut. Je n’ai pas beaucoup d’amis suisse et je comprend tout à fait le tollé que ça a créé. Nous sommes tout de même dans une société ouverte sur le monde. La mondialisation n’a pas été faite que pour les mangeurs de raclette mais elle y a contribué. Heureusement qu’il n’y a pas de referendum en Belgique, les résultats seraient probablement serrés et même si cela ne fait pas partie de notre culture, nous avons le sens de l’hospitalité pour toutes les recettes non-indigènes. Je me demande souvent si les Suisses mangent le stoemp ou les moules frites dans le Valais ?

8. Vous participez à une aventure collective unique, ce sont les premiers recueils du genre... vous entrez dans l’histoire du Net... Heureux ?

Arnaldinho Gaucho Tout est allé très vite en fait, Fred Vignale m’a mis en contact avec Patrick Lowie notre éditeur, puis les choses se sont accélérées, l’idée était bonne, nous avions la matière, la réactivité de chacun a fait naitre ces ouvrages en un temps vraiment record. Grâce au travail de graphisme d’Hassan Charach, les livres sont très beaux en plus. Ces livres vont rendre les gens heureux et embellir leurs bibliothèques. Et puis bien sûr il y a une réelle satisfaction à être les premiers, ça donnera sûrement des idées aux autres mais c’est trop tard, les premiers, c’est nous.

Patrick Lowie Oui.

Frédéric Vignale : Peut-être bien que oui, peut-être bien que non (désolé je suis normand, chaque fois que je vais à Honfleur).

9. Pour finir comment définiriez-vous un statut réussi ?

Arnaldinho Gaucho travaille en ce moment sur la création d’un module universitaire en collaboration avec la Sorbonne sur le pouvoir sociologique et économique d’un statut réussi, vous comprendrez aisément que je ne peux pas vous dévoiler le contenu de cet enseignement.

Patrick LowieLe meilleur statut est un statut mort.

Frédéric Vignale : Le meilleur statut, c’est celui qu’on n’a pas encore écrit.

10. Je vous laisse le mot de la fin.

Arnaldinho Gaucho. Enrichi. Ce mot me fait rire.

Patrick Lowie Si vous permettez, je vais me rhabiller. (je me retourne, et vous parle de dos tout en allant dans ma chambre, je crie :) J’espère qu’on lira encore mes romans après ça.

Frédéric Vignale : Vivement les trois prochains recueils de la collection "Lu sur Facebook", car l’aventure ne fait que commencer !!

http://www.biliki.com