DOLORES, PUIS CLEMENT par Gilles Ascaride

DOLORES, PUIS CLEMENT par Gilles Ascaride

Comédien intérimaire et écrivain prolifique, Gilles Ascaride dit de lui qu’il est né à Marseille contre sa volonté, universitaire par imposture et Roi de l’Overlittérature par la bénédiction de Sa Sainteté le Pape Henri-Frédéric Ier (autrement dit Henri-Frédéric Blanc, son éternel compère de plume... et avec lui tout aussi injustement méprisé des Belles Lettres françaises, à mon avis) ! Vous pouvez avec avidité vous jeter sur n’importe lequel des ouvrages iconoclastes des deux lascars, vous me remercierez dans tous les cas de vous en avoir fait découvrir l’auteur... Mais d’ici-là je vous parlerai plus particulièrement aujourd’hui de "Dolores, puis Clément", le petit dernier de mon ami Gilles, le plus méconnu mais pas le moins doué des Ascaride.

Ma critique n’a rien de vraiment objectif, je suis un inconditionnel d’Ascaride, dont je crois avoir tout lu : je peux vous dire que chaque fois j’ai été étonné et jamais déçu, ce que je ne dirai pas de nombreux auteurs. Pourtant son style, impeccable et pince-sans-rire, n’évolue guère et ses obsessions sont récurrentes, que l’on retrouve ici... mais l’esprit de l’auteur est en ébullition permanente, qui bouscule même ses propres codes pour toujours se renouveler.

Imaginez un sociologue un peu fou et égaré avec talent dans la littérature, doté d’une grande acuité et d’un juste courroux, et vous aurez un premier portrait, tracé à grands traits, de Gilles Ascaride. Passionné par les petites choses, les amours modernes que l’on voue aux objets les plus stupides, la mesquinerie des sentiments et l’ampleur de son nombril...

Ascaride écrit plus fréquemment des histoires courtes, des monologues enlevés ou du théâtre : il s’agit ici d’un long roman, tout à fait polymorphe. La trame, qui tient lieu d’histoire, est comme toujours simple et intimiste... Jean, le narrateur, est un enseignant cynique, dont les points de vue définitifs rejoignent étrangement l’actualité récente... et nous aide à réfléchir autrement le sort des profs. Au delà de ce qui pourrait passer pour des digressions en guise d’un essai dissimulé sur les affres de l’Education Nationale, se tisse une saga familiale : celle d’une dynastie qui s’est inventée par la fantaisie d’un ancêtre qui un soir de beuverie se proclama Roi... de lui-même ! Qu’est-ce qu’un homme libre, sinon celui qui se proclame roi de lui-même ? Mais quel esclavage en héritage !... Jean a d’ailleurs renoncé au titre, simple régent d’Adrien V, son fils de 8 ans. Veuf inconsolable, il se contente d’avoir arrêté de

vivre et croit avoir touché le fond. Il finit par accepter sa douleur et s’occuper de son fils.. lorsque apparait dans leur vie dérangée le petit Clément, que Jean prend d’abord pour l’ami imaginaire de son précieux rejeton. Mais Clément s’installe peu à peu dans leur vie et tout bascule dans le fantastique, le roman y compris !

Et voilà une fois encore la surprise au rendez-vous au détour des pages ! Sans compter qu’il est exceptionnel de lire une bonne scène de cul dans un roman français... et que celui-ci en est merveilleusement garni ! Au point que si je ne savais pas Ascaride capable de fiction, comme seuls en sont capables les vrais écrivains, je soupçonnerais mon ami Gilles d’avoir une vie sexuelle plus débridée que ce qu’il voudrait nous faire croire avec sa tronche de pantoufle !

Un roman qui réconcilie Sade et Peter Pan, Barbara Cartland et les Monthy Python, drôle et tourmentant, dépaysant et mauvais genre à souhait, qui vous changera un peu des grosses daubes qu’on vous donne à lire en général !

DOLORES, PUIS CLEMENT par Gilles Ascaride
aux éditions Gramond