Brothers

Brothers

Inspiré du film danois Brodre (Brothers) - coécrit et réalisé par Susanne Bier -, le nouveau film de Jim Sheridan frappe d’emblée par la psychologie tourmentée de ses personnages et leur violence latente…

Jim Sheridan, avec un synopsis a priori banal et un peu mélodramatique, nous propose en fait avec Brothers une histoire très bien ficelée, lui permettant d’évoquer deux thèmes fréquents dans sa filmographie : la guerre et les rapports familiaux. Une guerre – ici le conflit afghan - qui permet l’accès au récit et qui plonge les trois comédiens principaux dans un tortueux labyrinthe sentimental.

Le personnage de Sam (Tobey Maguire) apparaît dès le début de Brothers comme un pur produit de l’Amérique profonde. Accueilli comme un héros dans sa famille lors d’une permission de trois mois, le revenant d’Afghanistan est coincé entre Hank Cahill (Sam Shepard) - père peu loquace et ex du Vietnam ayant appartenu à l’US Air Force - et un frère sorti de prison, Tommy (Jake Gyllenhaal) jouant le rôle du vilain canard. (Tobey Maguire s’est préparé à son rôle en visitant le Camp Pendleton en Californie et celui de la Garde nationale du Nouveau-Mexique.)

Quant à Natalie Portman, qui joue Grace, l’épouse de Sam, elle commente ainsi son rôle :

« Il y a de nombreux défis à surmonter lorsqu’on est séparé de son époux durant toute une année et qu’on ne le voit rentrer à la maison que pour une période de trois mois. Les femmes doivent à la fois tenir la maison et s’occuper des enfants qui réagissent en se demandant pourquoi leur père est parti et ce qu’il fait et pourquoi il le fait. Et ensuite elles doivent s’occuper de leurs maris lorsqu’ils rentrent et encaisser tout ce qu’ils ont vécu. »

La tension dramatique du film s’accentue de façon paroxystique avec la capture de Sam par les Talibans, porté disparu et considéré comme mort par sa famille. Certaines scènes s’avèrent particulièrement cruelles, comme celle où Toby est obligé de tuer avec un bâton son compagnon prisonnier… Pour évoquer les paysages de l’aride Afghanistan et ceux d’une Amérique provinciale, Sheridan a choisi de tourner principalement au Nouveau-Mexique.

La dernière partie de Brothers, la plus intéressante, est centrée sur le retour du militaire, sorte de Martin Guerre, colérique et paranoïaque. Sheridan commente ainsi l’errance du personnage de Sam :

« Un événement se produit et Sam perd les sens d’autopréservation, de compassion, d’estime de soi. La question est de savoir s’il peut encore retrouver son âme, représentée par sa femme et sa famille, ou l’a-t-il définitivement perdue à cause de son acte ? »

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Dans une mise en scène à la fois sobre et nerveuse, dénuée de sentimentalisme, Sheridan filme l’errance d’un homme, étranger à lui-même, rejeté par ses enfants, craint par sa femme et ses propres parents, retrouvant en la personne de son frère à la fois un rival et un libérateur de ses angoisses.

Pour ce film très sombre, Sheridan a néanmoins choisi une fin optimiste, désirant offrir à son personnage une chance de rédemption. Brothers, œuvre réaliste dont l’intrigue est semblable à une pièce de théâtre grec antique, doit beaucoup à l’excellent trio d’acteurs Maguire/Gyllenhaal/Portman. En outre, la crédibilité du film s’appuie sur l’histoire contemporaine américaine (Viêt Nam, Irak, Afghanistan..), rappelant le fardeau de tous ceux, revenus de guerre, qui ont été confrontés à l’impossibilité de communiquer leur mal-être.

Durée : 1 h 45
Genre : drame
(USA)

Brothers
Un film de Jim Sheridan, avec Natalie Portman, Tobey Maguire, Jake Gyllenhaal

Sortie le 3 février 2010

www.brotherslefilm.com