La Noce

La Noce

D’emblée avec La Noce (1926), le féroce Bertolt Brecht (1898-1956) se moque de la fête en carton-pâte, de la paix sociale et du bonheur pépère promis par l’institution du mariage. Ridiculisant la noce bourgeoise, l’auteur dramatique allemand signe là une pièce à la fois drôle et décapante…

Dans une mise en scène à l’ironie glacée, Patrick Pineau saisit la substantielle moelle poil à gratter d’une pièce de jeunesse qu’il range ainsi dans l’historiographie théâtrale de Brecht :

« C’est le Brecht de Baal, de Tambours dans la nuit, de Dans la jungle des villes. C’est celui qui est plus proche de Verlaine et de Rimbaud que de Marx. »

Rien ne manque à cette journée de noces : les personnages pittoresques –mère possessive, invités grivois, anciens combattants ravagés par l’alcool, - défilent sur une scène/Cène encombrée d’habits de fête, d’alcool fort, de danse. Le mobilier, amoureusement réuni par les jeunes mariés, sert de décor principal. Il semble incarner le cadre symbolique majeur de La Noce.

Visiblement, l’auteur de l’Opéra de quat’sous n’a aucune empathie pour ses personnages à la psychologie réduite à des archétypes : l’ami du marié, le père de la mariée, le mari de l’amie de la mariée, la mère de la mariée, l’amie de la mariée…

Brecht - qui a été brancardier dans l’armée allemande, comme bon nombre d’écrivains et d’artistes de cette époque - a des comptes à régler dans cette Noce avec la génération qui précède, celle notamment issue de cette classe de la petite bourgeoisie des années 20, rapidement séduite par le nazisme…

Tout le nerf de la comédie semble reposer sur une équivoque : tous les invités de La Noce sont là sans être vraiment présents. Aucun n’adhère au contrat implicite de joie sociale, sous-entendu par la cérémonie. La rancœur, l’agacement et l’agressivité dominent entièrement cette noce. Et la violence des rapports humains s’exprime dès le début de La Noce, instaurant ce climat oppressant aux effets comiques, principal moteur de la pièce.

Patrick Pineau – et ses excellents comédiens – fait de cette Noce un spectacle total, un feu d’artifice pétaradant entre cabaret, cinéma et théâtre. Une Noce, en quelque sorte, qui ne manque guère de sel !

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durée : 1 h 10

La Noce
Texte : Bertolt Brecht
Mise en scène : Patrick Pineau

Théâtre MC93 Bobigny (salle Christian Bourgeois)
Du 9 janvier au 2 février 2010

Du lundi au samedi à 20 h 30 – dimanche à 15 h 30
horaires exceptionnels : vendredi 29 et samedi 30 janvier à 19 h – dimanche 31 janvier à 17 h 30
relâche les mercredis et jeudis

1 boulevard Lénine 93000 Bobigny
métro (Bobigny – Pablo Picasso)

A lire : Bertolt Brecht, La Noce, traduction de Magali Rigaill, L’Arche, 2009

Rencontre : Brecht, La Noce, une nouvelle traduction suivie d’un Cabaret avec Patrick Pineau, Magali Rigaill puis avec Nicolas Bonnefoy, Hervé Briaux et Sylvie Orcier. En partenariat avec L’Arche, samedi 23 janvier à 16 h à la MC93

www.mc93.com