Pas du tout bidon, Il bidone de Fellini

Pas du tout bidon, Il bidone de Fellini

Pas de quoi non plus se bidonner avec ce drame existentiel, sous un ciel chargé d’arnaques pas folichonnes attentées par les héros de ce film. Quand des escrocs mènent par le bout du nez des plus paumés qu’eux, il n’y a que Fellini pour nous donner des vibrations à cette intrigue, par son art de l’image en noir et blanc qui fait ressortir la nature humaine dans on élément le plus crû. Le miroir grossissant de la crise sociale et l’élément poétique malgré tout dans la narration du grand géni Fellini nous emplit de joie.

L’histoire : trois bidonneurs sous de faux habits d’hommes d’église arnaquent à la campagne des gens en leur faisant croire qu’un trésor est caché dans leur champ et qu’ils peuvent en disposer à la seule condition de reverser une part charitable à l’Eglise. En fait, au préalable un des compères a enterré quelques breloques en toc et les autres embobinent les hères naïfs. Au départ, amateur d’artiche, il y Augusto, personnage principal, cinquantenaire, le plus vieux et le plus sérieux (Broderick Crawford) / Picasso (Richard Basehart) un peintre raté père d’une petite fille qui planque sa double vie à Iris (Guiletta Masina), sa femme et Roberto (Franco Fabrizi), un homme qui se croit beau auprès des créatures féminines.

D’autres magouilles voient le jour : l’arnaque des maisons populaires en banlieue. Ca roule pour nos héros sur le dos des plus pouilleux qu’eux. Jusqu’au jour où invité pour le nouvel an chez un baron de la pègre, Roberto chaparde un briquet à une rombière et discrédite ses acolytes. Iris présente commence à piger la provenance de l’argent de son peintre à la noix.
« Jamais rien que des mensonges, tu pars, tu reviens, on sait pas où tu trouves l’argent, ce que tu trafiques partout. Chaque fois qu’on frappe à la porte, mon cœur se serre. J’en peux plus ».

Par hasard, Augusto revoit sa fille en âge d’être étudiante et décide de financer ses études. L’un de ses escroqués le reconnaît et Augusto fini au placard complètement désabusé et écoeuré. Il écume les campagnes avec de nouveaux compères toujours à l’œuvre avec le trésor caché. Une fois dans une ferme, il rencontre une jeune fille paralytique. « Moi, j’ai une fille. Je n’ai pas pu. Et ma conscience ? » argue-t-il devant ses complices qui le houspillent et le pillent en retrouvant le larcin planqué dans ses chaussures. Ils le laissent très mal en poing sur le bas côté de la route et continuent leur chemin. Augusto a toute la nuit devant lui pour agoniser et appeler de l’aide en vain. « Je suis sûr qu’ils vont revenir. Je savais que je finirai comme ça ».

Fellini qui fut le premier assistant de Rossellini tient le point de vue de son maître à toujours mettre en avant la perception de la réalité de l’existence de ses personnages sans jamais s’en arranger. De ce décalage, l’intrigue tient en haleine. Fellini ne juge pas ses héros. Ils se débattent pour survivre avec leur époque.

Nino Rota déjoue le spleen et la mélancolie des héros qui sont plus pauvres en sentiments que les gens qu’ils arnaquent allègrement. Sa musique avec entrain swingue des scènes que l’on garde en tête et il nous arrive de fredonner ses airs en se remémorant les images. C’est tout le géni de ce compositeur en osmose avec le créateur en images de l’univers fellinien. L’un sans l’autre, jamais rien !

Vraiment bath de chez bath et courageux Fellini ! Comme il nous manque actuellement des cinéastes de cette verve ritale du réalisme poétique. Si Fellini n’avait jamais existé, on n’aurait jamais pu l’inventer tant il était unique.

Il Bidone de Federico Fellini avec Broderick Crawford, Richard Basehart, Franco Fabrizi, Guilietta Masina / 1955, noir et blanc, 108 minutes, distribué par Carlotta Films, 2009, 9,99 euros