Quand Carmen Maria Vega s’embrase la gouaille et la voix !

Quand Carmen Maria Vega s'embrase la gouaille et la voix !

Sur la photo de la pochette de son tout premier album, on ne se rend pas trop compte de la taille de sa gouaille à la jolie môme Carmen. Fond blanc style papier dépoussiéré, elle vous fixe de ses grands yeux noirs même si les scribouillas dessus sa dégaine … je sais, je sais, c’est très travaillé façon marketing, elle est autre chose qu’une icône quand même !

Carmen, celle de la bande dessinée très Cru par Lelong, je ne la voyais pas issue de ce jus et d’une jeunesse virevoltante. L’autre Carmen des espagnolades et du taureau manchot qui ne perce jamais le macho assassin matador, rien à voir avec sa bouille à elle que j’adore. Plus proche de ses origines des Amériques latines, j’ai cherché une filiation avec Diego de la Vega, ou un autre Zorro pas non plus concluant.

J’ai alors ouvert mes esgourdes du côté des chanteuses franchouilles. La Piaf, mouais, parfois les pioupious ! Magali Noël, comédienne et interprète de l’ami Boris Vian très jazz hot et haut les couleurs textuelles, éditée chez Jacques Canetti tout comme le Higelin de ses débuts prometteurs ; la ressemblance s’arrête sur le la. Sauf que, mais oui c’est bien sûr, (« Les lésions dangereuses ») de Boris Vian et J. Walter, Carmen a elle aussi interprétée du Boris (« Bourrée de complexe »). Pléonasme vivant d’une diva qui a de la gueule et du coffre. Autre bouille, autre chevelure brune aux senteurs sensuelles haute comme trois pomme, quand elle se prend à chanter en douce entre deux râlantes vibrantes, « Dessous les toits », avec ses intonations de clarinette yiddish, j’ai cru entendre à m’y m’éprendre une autre sacrée nana : la Rachel des Bois. Celle-là même qui hantait Paname des années 90 dans le sillage de Michel Korb, le fils de Francis Lemarque. Sauf qui peut, Rachel avec son humour bien à elle et sa sensualité débridée d’incendiaire volontaire écrivait ses textes toute seule comme une grande.

Carmen, c’est une feignasse de sévice. Elle repose sur l’épaule légère de Max Lavegie, vigie vivante à l’écriture et à la composition de toutes ses chansons sur mesure. Elle s’en explique : « L’écriture est un art et je ne souffre pas de ne pas le pratiquer ». Qu’on se le dise et fin du couplet.

Il faut dire, elle sait poser la voix et nous conter ses chansons réalistes façon nouvelle littéraire et attention la chute. Ses thématiques moderne style du quotient quotidien s’articulent autour des cœurs en déroute, l’alcool à la colle, les scènes de la haine ordinaire, la mythomanie comme manie, les médocs qui te décontractent un semblant de bien-être, la tragédie des apparences et j’en passe Garance !

Humour noir, pas vraiment sombre. Humour de caractère plutôt second degré.

Question en avant la zizique, ça swingue bath de chez bath un joyeux tohu-bohu parfois rock énervé, guitares manouches, jazz habité de l’intérieur et fausses pudeurs, à l’instar des corbillards de la Nouvelle Orléans qui se marrent pas mal de la camarde quand elle trépasse.

Alors, Carmen c’est qui ? Elle ne ressemble personne, c’est une bande de jeunes à elle toute seule et c’est ce qui crêt tout le charme à son écoute. Il parait même que sur les planches, elle touche du bois rien qu’avec la voix entourée de ses trois musicos : Max Lavegie à la guitare / Alain Arnaudet à la contrebasse et Toma Milteau à la batterie.

C’est tout bon, sauf qu’on l’attend au tournant la donzelle après ce premier album très réussi. Elle aime entendre Ella Fitzgerald, c’est elle qui le dit, même si elle ne pige que dalle à l’angliche. Tant mieux ma vieille, garde ta gouaille gourmande intacte et fête avec tes chansons l’univers réinventé de monsieur Rabelais.

Grande petite dame de la chanson française de qualité, continue ton chemin de traverse et dégomme toutes les écoles. Tu as su déjà trouer ta voie et une tonalité toujours à récidiver. Tu exprimes la hâbleuse comme une marqueuse. A suivre tes nouvelles aventures sur scène et sur disque. Avanti encore ta vindicative grande et belle gueule d’atmosphère, j’espère……

Album : Carmen Maria Vega