Lettre ouverte à M. Herbert Nery , président des Lettres à l’université de

Cher Herbert Nery, cher Rédempteur, Monsieur le Président,

L’heure n’a pas encore sonné mais la providence est déjà en marche, quoique
vous fassiez, quoique vous ne fassiez pas ou plus, que vous le vouliez ou
non, vous voilà désormais, inéluctablement, inexorablement, face à votre
destin.

Cour d’élu ne saurait mentir, vous êtes un symbole. Cela fait plusieurs
semaines déjà que l’idée se forge en vous. N’a-t-elle pas d’ailleurs
toujours affleuré votre esprit, depuis le début de cette sombre affaire que
le ciel vous a envoyée à seules fins de vous permettre d’exécuter ce pour
quoi vous êtes vivant ?

Car il était écrit que votre mission sur terre est
de celles qui vous feront entrer au Panthéon universel des humanistes à qui
le monde doit ses plus grands pas vers le progrès. Votre nom sera dans les
manuels d’Histoire, cité à travers les siècles par toutes les bouches avides
de justice, fédèrera un travail de mémoire toujours plus impérieux, en ces
temps de débauche meurtrière comme en ceux qui leur succèderont. Le sang
appelle le sang.

Et le temps est un maître qui en appelle à ses pères pour
calmer les jeux dangereux de ses enfants dissipés.

L’Homme est encore bien jeune. Personne mieux que vous ne sait cela. L’Homme
a plus que jamais besoin d’être cadré, éduqué, éveillé aux valeurs vraies de
la vie. Dieu châtie d’une main et apaise de l’autre. Ce que, à Son Image,
vous avez déjà commencé de faire. Parce qu’il faut bien se résoudre à
reconnaître aujourd’hui combien la première étape de votre démarche fut
censée, intelligente et sensible. D’abord, vous vous êtes mis à la portée
des petits rigolos entarteurs, sans faire de vagues, avec toute la modestie
qui vous caractérise, vous avez sans rechigner accepté de vous abaisser à
leur niveau qui n’est rien moins celui de ce vieux gag ancestral et surfait
de la tarte à la crème, tant prisé en leur temps par des Laurel et autres
Hardy (lesquels, avouons-le au passage, manquaient singulièrement d’
imagination) en les menaçant de les faire jeter en prison et en leur sommant
de vous payer une addition que, de toute évidence, ils n’ont pas les moyens
de posséder.

Votre peine est honorable, sans doute, eussent-ils mérité pire,
car l’on ne se moque pas impunément d’une personnalité telle que la vôtre.

Chapeau bas monsieur le Président, si vous me permettez cette expression
familière. Cependant, je dois vous dire que c’est avec impatience que nous
guettons la seconde phase de votre réplique. Pourquoi attendre davantage ?

A
présent que certains ont cru qu’ils allaient se retrouver mêlés via la
cellule à de vrais délinquants, de vrais meurtriers peut-être, puisqu’il est
connu que dans les prisons, il n’est généralement pas fait dans le détail,
que, par exemple, les novices encore peu sûrs d’eux qui ont mal choisi leur
jour pour tenter un petit casse (lequel, le plus souvent, les a tellement
effrayés qu’on ne les y aurait pas repris) sont enfermés avec les assassins,
que c’est en prison que la plupart des adolescences en mal d’identité
prennent le chemin de la corruption, pour ne donner que ces aperçus-là.

Monsieur Néry, maintenant que vous avez laissé croire que vous alliez
envoyer les tartes à la crème fricoter avec les gros dealers de blanche
dure, les rebus de la mafia (enfermés là pour leur propre sécurité), les
trafiquants de femmes et d’enfants, les voleurs, les violeurs, les camisolés
et j’en passe ; maintenant, monsieur Néry, que vous avez laissé croire que
par l’arrêt prononcé de votre sanction, cette jeune maison talentueuse que
sont les éditions Hermaphrodite, qui avance depuis sa conception avec
courage, détermination, et bien sûr avec prudence, car c’est le lot de tout
jeune fondateur, que de se battre à la seule force de la passion et du désir
d’apporter sa pierre au lourd édifice de l’histoire de l’Art et des Lettres,
de se battre aussi pour garder le nez hors de l’eau boueuse d’un ordre par
trop établi et qui aura tôt fait de les y renfoncer à la moindre faute de
calcul, au mépris d’un public pourtant grandissant.

Monsieur le Président, lorsque vous aurez retirée votre plainte, vous
deviendrez celui qui aura sauvé une maison d’édition du déclin probable du à
une interruption forcée de ses activités (interruption survenue alors qu’
elle se trouve en plein essor) pour cause d’incarcération et d’amende qu’
elle ne pourra pas, matériellement, payer. Vous serez celui qui aura sauvé
les auteurs de leur catalogue, car la carrière d’un écrivain se joue pour
beaucoup à son démarrage, ainsi que toute l’équipe qui y travaille d’
arrache-pied. Vous aurez empêché deux hommes sains (quoiqu’à l’humour certes
d’un goût douteux, c’est le seul point noir), fédérateurs et étudiants de
sombrer dans la décadence, et avec eux leurs familles fondées ou en cours de
fondation, et avec eux encore l’honneur de leurs aïeux, qui aujourd’hui
certainement se tordent les mains de douleur, d’incompréhension, et goûtent
le jus amer de leurs doigts, eux qui se sont saignés aux quatre veines pour
en faire des hommes des vrais.

Monsieur Herbert Néry, ce que vous vous apprêtez à faire, en l’action du
retrait de votre plainte, est la clé de voûte de toute votre entreprise. Nul
doute qu’après cela, la Jeunesse aura compris le message de tolérance et de
modération en toute chose qui est le vôtre comme celui de la Raison. Vous m’
excuserez de dévoiler ainsi à l’avance votre projet, mais il y a que des
bruits courent dans certaines rédactions de la presse gauchiste à votre
encontre et cela, je ne puis le supporter. Aussi, je vous en prie, pressez
le pas.

Vous n’êtes pas né pour rester dans l’ombre, Herbert Néry. Même si vous avez
du mal à le croire aujourd’hui, souvenez-vous comme Moïse, alors jeune
prince d’Egypte, était loin d’imaginer ce que les voies du Seigneur avaient
prévues pour lui. Aussi, je vends la mèche, malgré vous, et vous demande de
ne plus patienter davantage avant de passer à la phase suivante de votre
intervention, en réponse à l’agression subie lors de l’ouverture du Colloque
international pluridisciplinaire sur la provocation en décembre 2003 à la
Fac de droit de Nancy.

La réaction normale et tristement légitime d’un homme ordinaire aurait été
celle-ci : « les petits sagouins, ils le paieront, ah ça oui, ils ne l’
emporteront pas au paradis ! Ils vont voir de quel bois je me chauffe, tant
pis pour leur entreprise mais ils se souviendront de cela ! ».

Aussi, Monsieur le président, il est temps, aujourd’hui, de montrer à tous
qui vous êtes vraiment. Nous au Mague, nous l’avons compris mais la plupart
des petites têtes qui font notre lectorat et plus encore, l’Opinion et
au-delà, eux, l’ignorent encore.

Certaine que vous serez sensible à cette missive que je vous adresse devant
tous afin de calmer au plus vite le vent mauvais qui tourne sur votre
réputation, je vous prie de croire, monsieur Herbert Néry, cher Rédempteur,
Monsieur le Président, à l’assurance de ma considération la plus distinguée.

Voir l’Affaire NERY sur le site des Hermaphrodites

Voir l’Affaire NERY sur le site des Hermaphrodites