Aminatou Haïdar, la « Gandhi sahraouie » en grève de la faim

Aminatou Haïdar, la « Gandhi sahraouie » en grève de la faim

Après avoir été arrêtée à El Ayoun le 13 novembre puis expulsée de son propre pays par les forces d’occupation marocaines, Aminatou Haïdar, militante sahraouie des droits humains est en grève de la faim illimitée dans l’aéroport de Lanzarote (Canaries - Espagne).

Ce n’est pas la première fois qu’Aminatou Haïdar, 42 ans, éprouve la brutalité des autorités marocaines. En 1987, lors de la visite d’une commission chargée d’enquêter sur la tenue du référendum d’autodétermination préconisé par les Nations Unies, elle fut arrêtée avec plus de 600 manifestants pacifiques et détenue dans une prison secrète. Cette fois-là, dix-sept femmes disparurent sans laisser de traces. « Ma famille me comptait parmi les morts », nous expliquait la militante sahraouie en 2006 sur Le Mague.

Aminatou et ses camarades ont connu toutes sortes de supplices dans les bagnes d’Hassan II. « J’ai connu trois semaines d’interrogatoires ponctués de tortures. J’ai eu les yeux bandés pendant trois années et sept mois. On a enlevé mon bandeau seulement quatre jours avant ma remise en liberté. Depuis, mes yeux ne supportent plus le soleil. »

Une autre arrestation est survenue le 17 juin 2005, toujours pendant une manifestation pacifique à El Ayoun. Gravement blessée par la police marocaine, Aminatou fut conduite à l’hôpital Hassan Belmehdi par des amis. Douze points de suture à la tête. Malgré ça, la police la kidnappa aux urgences et, sur la base d’un procès-verbal truqué, la militante fut accusée d’avoir constitué une bande criminelle... La présence d’observateurs étrangers à son « procès » lui a permis d’éviter une peine trop longue. Aminatou sera libérée le 17 janvier 2006 après tout de même sept mois d’enfermement dans la tristement célèbre Prison noire.

Mais de quel pays parle-t-on ? Aminatou Haïdar est née en 1967 à El Ayoun, au Sahara occidental. En toute illégalité, ce pays est occupé militairement depuis 1975 par le Maroc après que l’ancienne puissance colonisatrice, l’Espagne de Franco, se soit retirée. Comme l’ont confirmé la Cour internationale de justice, les Nations Unies et l’Union africaine, aucun pays au monde ne reconnaît la souveraineté du Maroc sur le Sahara Occidental. Sous l’égide de l’ONU, le Maroc a dû accepter des négociations avec le Front Polisario, seul représentant légitime du peuple sahraoui. Aucun résultat positif n’apparaît à ce jour car le Maroc continue à bafouer le droit international grâce à l’inertie de la communauté internationale et à la complicité de certains pays, dont la France.

Pendant ce temps, le Maroc, au mépris une nouvelle fois du droit international, pille les ressources naturelles (pêche, phosphates) du Sahara Occidental et intensifie la répression contre la population sahraouie dans les territoires occupés (arrestations, enlèvements, disparitions, tortures...) ou contre les étudiants sahraouis présents dans les universités marocaines. La liberté d’expression est réduite à néant. « Nous sommes privés des droits d’association, de réunion ou de manifestation. Les Marocains pratiquent l’intimidation, le harcèlement, la provocation. Ils saccagent les maisons, menacent les familles. Ils n’ont pas hésité à faire subir un interrogatoire à ma fille de onze ans. Même les enfants ne sont pas épargnés... », nous soutenait Aminatou Haïdar qui a été adoptée par Amnesty International. Pour son action en faveur de la liberté et de la dignité humaine, pour sa résistance pacifique au Sahara Occidental, elle a reçu le prix Juan-Maria Bandres 2006 (Espagne), le prix Silver Rose 2007 (Autriche) et le prix Robert F. Kennedy 2008 tout en étant lauréate du prix Andrei Sakarov du Parlement européen en 2005 et du prix Ginetta Sagan d’Amnesty International (section des Etats-Unis).

Le 13 novembre dernier, Aminatou Haïdar revenait de New York où elle a reçu le prix du Courage civil 2009 décerné par la John Train Fondation. Attendue de pied ferme à l’aéroport d’El Ayoun par plusieurs cordons de diverses forces de sécurité marocaines, la militante était accompagnée par deux journalistes espagnols qui ont été retenus pendant sept heures. Pour avoir revendiqué sa nationalité sahraouie, Aminatou Haïdar est accusée d’avoir « offensé l’intégralité territoriale du Maroc »... Les autorités marocaines l’ont ensuite expulsée vers les îles Canaries (Espagne) où elle a commencé une grève de la faim illimitée. De nombreuses voix s’élèvent dans le monde pour la soutenir.

Hassan II n’est plus, mais la question sahraouie demeure. Des tabous ont sauté dans la société marocaine, mais pas celui du Sahara Occidental. La pensée dans ce domaine est comme fossilisée. Pour les trente-quatre ans de la Marche Verte, Mohamed VI a soufflé sur les braises en soulignant que « l’intelligence avec l’ennemi relève de la haute trahison. Ou on est patriote ou on est traître ». Des paroles qui expliquent l’escalade répressive que subissent les Sahraouis. Le sort d’Aminatou Haïdar est notamment à rapprocher de l’arrestation, le 8 octobre, de sept Sahraouis qui revenaient des camps de Tindouf où survivent toujours sommairement plus de 165 000 réfugiés abandonnés dans le rude désert algérien.

À l’heure où l’on commémore la chute du mur de Berlin, où l’on combat le mur monstrueux érigé par l’État d’Israël, n’oublions pas de militer contre le mur de 2 720 kilomètres construit par les autorités marocaines dans les années 80 pour couper en deux le peuple sahraoui. Gardé par 180000 soldats marocains, équipé de radars, de chars et de dizaines de batteries d’artillerie lourde, bordé par un no man’s land qui dissimule des millions de mines anti personnel interdites par les conventions internationales, ce mur est une très longue blessure ouverte.

La résistance du peuple sahraoui est pacifique, mais il ne faudrait pas trop tirer sur la corde. La colère monte dans les territoires occupés et, de l’autre côté du mur de la honte, dans les camps de réfugiés. Aminatou Haïdar, la voix des sans-voix sahraouis, a besoin de nous pour dénoncer le terrorisme de l’État marocain contre le peuple sahraoui, pour faire gagner la justice, la liberté et la paix dans son pays, le Sahara Occidental.

En France, les courtisans de « notre ami le roi » sont nombreux dans les médias, chez les politiciens et dans la jet set. Que le soleil marocain ne les aveugle pas trop longtemps… Pour notre part, militons ardemment pour l’arrêt de la répression coloniale et le droit à l’autodétermination du peuple sahraoui.

Plus d’infos :

L’association des amis de la République arabe sahraouie démocratique

L’association des familles des prisonniers et disparus sahraouis

Le Comité pour le respect des libertés et droits humains au Sahara Occidental

Pour signer la pétition Stop à la pêche européenne au Sahara Occidental

Le blog Diaspora sahraouie