CESARE BATTISTI... QUOI DE NEUF sous le soleil du Brésil ?

CESARE BATTISTI... QUOI DE NEUF sous le soleil du Brésil ?

Nous ne nous ferons pas juges de l’affaire Battisti ni ne prétendrons partager ici ses vues, mais il est juste de remarquer l’étrangeté innaceptable de sa situation : jugé par contumace en Italie dans le cadre de lois d’exceptions (continuellement dénoncées par Amnesty International), réfugié en France sous les auspices Mitterrandiennes, obligé de fuir malgré la parole de l’Etat français face à la charge du ministre Perben - quant à lui déjà retombé aux oubliettes de l’histoire - et aujourd’hui dans les geoles brésiliennes, à son corps défendant hôte d’un président Lula fort embarrassé d’un prétendu terroriste dont la jeunesse batailleuse lui ressemble pourtant tellement... Mais Lula et ses pouilleux ont gagné, ils sont aujourd’hui au pouvoir, tandis que "les années de plomb" ont donné tort à Battisti et aux siens : aux yeux de l’Histoire, malheur aux perdants ! On ne fête le bicentenaire que des révolutions qui ont
gagné...

Battisti, lui, prétend n’avoir jamais été que l’intellectuel de la bande... et puisque personne n’a jamais pu prouver le contraire, le doute devrait lui bénéficier. Ce n’est pas le cas, car tout le monde s’en fout !

Cependant pas le Mague : voici l’intégralité de la lettre adressée à Lula par Cesare Battisti, ainsi qu’une photo récente qui a le mérite détestable d’être tout aussi parlante, pour qui a connu plus joufflu cet auteur de polars prolifique et talentueux qui avait refait sa vie en France fort de la parole donnée, et y avait femme et enfant...
Voilà ce que je tenais à vous dire.

« LETTRE OUVERTE »

À MONSIEUR LUÍS INÁCIO LULA DA SILVA

PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE DU BRÉSIL

MAGISTRAT SUPRÊME DE LA NATION BRÉSILIENNE

AU PEUPLE BRÉSILIEN,

« Trente ans changent beaucoup de choses

dans la vie de hommes, et parfois

fazem uma vida toda ».

(L’homme revolté – Abert Camus)

Si on jette le moindre regard sur notre passé depuis un point de vue historique, combien d’entre nous peuvent sincèrement dire ne jamais avoir souhaité affirmer sa propre humanité, la développer dans tous ses aspects dans un contexte de liberté ample. Peu. Très peu ce sont les hommes et les femmes de ma génération que n’ont rêver d’un monde différent, de juste.

Cependant, ce n’est pas rare que, par force de curiosité ou de circonstances, seul quelques-uns décidèrent s’élancer dans la lutte, au sacrifice de sa propre vie.

Mon histoire personnelle est clairement assez connue pour que je revienne à nouveau aux réactions du choix qui m’a emmené vers la lutte armé. Je ne sais que dire qu’on était des milliers, et que quelques-uns sont décédés, d’autres sont en prison, et beaucoup exilés.

On savait que tout pourrait finir d’une telle manière. Combien ne furent les exemples de révolution qui ont fait faillite et que l’histoire l’avait déjá dévoilé ? Malgré cela, nous recommençâmes, fûmes des erreurs et voire perdâmes. Pas tout ! Les rêvent continuent !

Maintes conquêtes sociales dont jouissent aujourd’hui les italiens ont été conquises au grand dam du sang versé par ces camarades de l’utopie. Quant à moi, je suis le fruit de ces annés 70, comme beaucoup d’autres ici au Brésil, y compris beaucoup de camarades qui de nos jours sont les responsables du sort de la gent brésilienne. Moi, à vrai dire, je n’ai rien perdu, luttant pour quelque chose que je ne pouvais pas porter sur moi. Mais maintenant, détenu ici au Brésil, je ne peut point accepter l’humiliation d’être traité de criminel commun.

Et c’est pourquoi, face à la surprennante obstination de certains ministres de la Cour Suprême brésilienne qui ne veulent pas voir ce qui c’était vraiment l’Italie des annés 70, des ministres qui me dénient l’intention de mes actes ; des ministres qui fermèrent les yeux devant l’absence accablant de preuves techniques de ma culpabilité en ce qui concerne les quatre meurtres qui me sont attribués ; des ministres qui ne reconnaissent pas la contumace de mon jugement ; la prescription. Et comment ne pas songer à d’autres empêchements à l’extradition.

En outre, il est étonnant et absurde que l’Italie m’ait comdamné pour l’ativisme politique et que au Brésil une petite partie, d’un coup d’entêtement, insiste de m’extrader sur la base de ma participation à des crimes communs. Il s’agit d’une absurdité, puisque j’ai reçu du Gouvernement Brésilien la condition de refugié dont je serai toujours reconnaissant.

Face aux dificultés qui ne permettent pas gagner la bataille contre la puissance du gouvernement italien, le quel a fait usage de tous les arguments, outils et armes, il ne me reste quant moi que d’entamer une « GRÈVE DE LA FAIM TOTALE », pour qu’on m’octroient les droits établis dans le statut du refugié et du prisonnier politique. Ce faisant, j’espère empêcher, par le biais d’un dernier acte de désespoir, cette extradition, qui pour moi équivaut à une peine de mort.

J’ai toujours lutté pour la vie, si malgré cela il faut mourir, je suis prêt, mais jamais par la main de mes bourreaux. Dans ce pays, le Brésil, je vais continuer ma lutte jusqu’à la fin, et malgré la fatique, jamais je ne jetterai l’éponge dans la lutte pour la vérité. Cette vérité que quelques-uns insistent à ne pas vouloir voir. Et voilà, si le pire des sourds est celui qui ne veut pas entendre, le pire des aveugles c’est celui qui ne veut point voir.

À guise de conclusion, je veux remercier aux camarades qui depuis le début de ma lutte ne m’ont jamais abandonné. Je remercie aussi ceux qui sont arrivés les derniers moments, mais qui ont la même importance de ceux qui sont de mes côtés dès le début de tout cela. À vous mes plus sincères remerciements. Je vous recommande comme dernière suggestion que vous continuiez la lutte pour vos idéaux, pour vos convictions. Ça vaut la peine !

J’espère que le l’héritage de ceux et celles qui sont tombés au front de la battaille ne soit pas vain. Même si on perd la bataille, je garde la conviction que la victoire dans cette guerre est réservée à ceux qui luttent pour la généreuse cause de la justice et de la liberté.

Je vous livre ma vie, monsieur le Président, et au peuple brésilien.

Brasilia, le 13 novembro 2009