« Il est temps d’exploser » avec Little Bob

« Il est temps d'exploser » avec Little Bob

Time to blast. « Il est temps d’exploser », tonne le dernier album de Little Bob, LA légende vivante du rock « français ». Rencontre avec un taureau en colère.

Italien et Havrais ne chantant qu’en anglais, Roberto Piazza, alias Little Bob, serait un bon sujet pour disserter sur cette très glauque notion « d’identité nationale »... Après The Gift, Bob nous livre onze nouveaux titres sur un plateau brûlant. Au menu, du blues, de la soul et, bien sûr, du rock‘n’roll 100% nitroglycérine. Gonflé à bloc comme le taureau noir qui orne l’album, l’ancien salarié de Tréfimétaux joint sa voix à celles des esclaves qui grondent dans l’arène. Une tradition familiale héritée d’un grand-père anar.

« Oui, je suis en colère, fulmine le rockeur révolté. Je voudrais que ça s’arrête cette connerie où l’argent a plus de valeur que les hommes. C’est inadmissible. Je me demande comment on peut supporter ça, toute cette esbroufe, toutes ces promesses non tenues, tous ces mensonges. Et toujours le pognon, le pognon, le pognon... Dans mes concerts, quand je dis Sarkozy casse-toi, quand je traduis les paroles de mes chansons qui parlent de boîtes qui ferment, de licenciements, des guerres, c’est un tollé général. Les gens en ont marre. Comment veux-tu qu’ils vivent ? Ça serait le moment d’exploser et de distribuer des coups de pied au cul. Je ne veux pas d’une révolution dans le sang, mais il faut que ça s’arrête. »

Avec vingt-deux albums dans la cartouchière, Bob le Généreux met le feu aux scènes depuis près de 35 ans. Sa musique n’a pas pris une ride et, à vol de décibels, il n’est finalement pas si loin l’époque de High Time, des concerts avec Éric Burdon, les Damned ou Dr Feelgood. Pas si loin le temps où les Clash, les Sex Pistols, les Inmates ou les Pretenders étaient au premier rang des concerts londoniens de la Story qui partageait les planches du Marquis avec ACDC et Motörhead. Saint-Rock veille sur les survivants des seventies. On l’a vu lors du concert historique qui marquait, en 2005, les trente ans d’une carrière unique. Les « vieux » Phil May et Dick Taylor (des Pretty Things) étaient venus donner la réplique à leur pote en compagnie de la bombe Beverly Jo Scott.

Si vous avez les oreilles fragiles, n’oubliez pas vos protections auditives. Time to Blast, mitonné entre Le Havre et Bruxelles, démarre fort avec The Phone call, un titre où Mister Rock en personne se permet de téléphoner à minuit tapante pour rappeler au bull qui il est. « Reviens. As-tu oublié ce pour quoi tu as été fait ? » La suite fuse comme une réponse affûtée. Les titres s’enchaînent, ou plutôt se déchaînent, avec un gang qui va tout de suite à l’essentiel, sans fioriture. Chaud devant. Gilles Mallet (guitare), Nico Garotin (batterie), Bertrand Couloume (contrebasse) et Nicolas Noël (claviers) disposent d’une force de frappe impressionnante. Leur arsenal fait des merveilles dans le rock qui fait boum dans les tripes comme dans la ballade qui fait boum-boum dans la poitrine. Le titre If you gotta go donnera des frissons aux amateurs d’orgue Hammond, un instrument qui distille ses notes sur la plupart des morceaux.

L’album se termine par deux superbes reprises. Il y a Guilt, interprété en 1979 par Marianne Faithfull sur le mémorable Broken English. « Nous sommes tous coupables, assure Bob. Nous sommes moins coupables que d’autres, c’est sûr, mais, dès qu’on allume une lumière, dès qu’on prend la voiture, on devient coupable de quelque chose. » Il y a aussi le très roots Devil got my woman (I’d rather be the devil) de Skip James. Le genre de truc qui vous pince jusqu’à l’os. Citoyen du monde, Bob nous offre en prime Shamad, cosigné avec son ami malgache Jean-Claude Vinson. « Madagascar est un pays que j’adore…, même s’il y a aussi des trucs qui ne tournent pas rond là-bas. On dirait que les pourris se passent le mot ! » L’Afrique a également inspiré Long was the road. Ce titre plaide pour les immigrés qui quittent leur pays en espérant trouver une terre d’asile en Europe. À 64 ans, la voix sonne et tape toujours juste.

« Je deviens vieux, mais je ne suis pas un vieux con, reprend Little Bob. On lutte à notre façon pour un monde meilleur. J’aime bien faire réfléchir les gens, mais j’aime aussi leur faire plaisir. Dans la tournée Time to Blast, je reprends des titres de la Story, High Time, Riot in Toulouse... J’ai toujours écrit les chansons dont j’ai besoin, avec la rage qui sort. Aujourd’hui, je n’ai pas moins d’énergie qu’il y a trente ans. Elle est seulement mieux canalisée. I’m alive ! »

Comme dirait Neil Young, « Keep on rockin’ in the free world... »

Little Bob, Time to Blast (Dixiefrog/Harmonia Mundi), 2009.

Les prochains rendez-vous avec Little Bob :

Jeudi 19 novembre à l’Omnibus à Saint-Malo.

Vendredi 20 novembre, à l’espace Vauban, à Brest.

Samedi 21 novembre, au Café français, à Chinon.

Mercredi 25 novembre, à la Coopérative de Mai, à Clermont-Ferrand.

Samedi 28 novembre, au Cabaret Électric, au Havre.

Plus d’infos sur le site de Little Bob.