Des élus normands unis contre Gaz de Normandie

Des élus normands unis contre Gaz de Normandie

Étretat, station balnéaire de renom international avec sa plage, ses falaises monumentales, sa mystérieuse aiguille creuse et… son port méthanier. Cherchez l’erreur. Pour éviter de voir une verrue pousser sur la côte d’Albâtre, un collectif d’élus se mobilise contre les projets de Poweo-Gaz de Normandie à Saint-Jouin-Bruneval.

Saint-Jouin-Bruneval (Seine-Maritime) est situé à un jet de galet d’Étretat. Depuis plusieurs années, les habitants du petit village s’opposent à la construction d’un port méthanier sur leur plage déjà pas mal amochée par un terminal pétrolier. Au fil des mois, la contestation s’amplifie. Après avoir reçu de nombreux soutiens allant du dessinateur Cabu à Allain Bougrain-Dubourd, président de la Ligue de protection des oiseaux, en passant par Stephan Hessen, co-rédacteur de la Déclaration universelle des Droits de l’Homme, la municipalité dirigée par François Auber est à présent épaulée par plus de 200 élus normands. Il faut dire qu’au-delà des habitants de Saint-Jouin-Bruneval, c’est une grande partie de la région qui serait concernée par le passage du gazoduc que Poweo envisage de construire.

Les maires d’Étretat, d’Heuqueville, de Gonneville-la-Mallet, de Beaurepaire, de La Poterie, de Saint-Martin-du-Bec et, bien sûr, de Saint-Jouin-Bruneval sont à l’origine du Collectif d’élus contre le projet de terminal aux portes d’Étretat qui compte barrer la route à Poweo-Gaz de Normandie. Ils ont été rejoints par des élus de tous horizons politiques, maires, conseillers municipaux, généraux et régionaux, parlementaires nationaux et européens, députés, sénateurs, de Fécamp, de Gonfreville l’Orcher, du Havre, d’Harfleur, de Montivilliers… Leur revendication ? Décider eux-mêmes de leur avenir ! Ce qui semble un minimum. Et pourtant… « Les porteurs du terminal méthanier méprisent la responsabilité fondamentale des élus en matière d’aménagement du territoire. Et pourtant qui mieux que nous connaît la force et la richesse de notre territoire », tonnent les élus en colère.

La bataille s’annonce rude. À la surprise générale, depuis mai 2009, l’État soutient ce projet totalement incompatible avec le Grenelle de l’Environnement. Dans un premier temps, les élus demandent que l’État retire ce cochon de PIG (Projet d’intérêt général) accordé à Gaz de Normandie. Le collectif exige également que la digue d’Antifer, un site ornithologique d’une grande richesse, soit réintroduite dans la zone Natura 2000. Sans aucune concertation là encore avec les municipalités et les scientifiques concernés, pour favoriser le terminal méthanier, l’État a modifié le périmètre de la zone protégée. « C’est une aberration écologique, un non-sens environnemental, une destruction programmée de la biodiversité », assure François Auber.

« Les élus servent à porter la parole des citoyens. La démocratie est bafouée quand un projet est imposé par la force à des gens qui n’en veulent pas », explique Didier Marie, président du Département de Seine-Maritime et membre du collectif. D’une même voix, les élus normands rejettent les projets à énergies fossiles qui « appartiennent au passé ». Ils font des propositions alternatives en misant sur la création d’un pôle de développement des énergies marines. Un projet qui serait porteur d’emplois pérennes et de richesses tout en confortant la vocation touristique de la région. « Le site maritime est l’un des mieux adaptés sur le littoral français pour y développer des installations d’essais grandeur nature exploitant les énergies de l’océan qui sont considérées par les spécialistes comme l’une des principales voies d’énergie du futur, assure le collectif d’élus. Le terminal méthanier va à l’encontre de ce projet exceptionnel qui est une opportunité rare pour la région et le pays. C’est pour ces raisons que le collectif a décidé de donner de l’ampleur à son mouvement et renforcera son action dans les mois à venir. »

En attendant, la municipalité de Saint-Jouin-Bruneval a déposé des recours contre le chef de cabinet du ministre de l’Environnement. L’un au tribunal administratif de Paris au motif que le chef de cabinet n’avait pas le pouvoir de signer au nom de l’État un arrêté de classement en Projet d’intérêt général. Un autre recours concerne l’arrêté lui-même. La commune estime que l’intérêt général n’est pas avéré puisque la France est, selon une déclaration du ministère de l’Économie, en surcapacité de gaz. La commune proteste aussi contre le fait que le projet industriel ne prenne pas en compte « l’excellence environnementale du site d’Antifer ». Ces recours s’ajoutent à celui déposé au niveau européen avec la Ligue de protection des oiseaux contre l’amputation de la zone Natura 2000.

Si l’agitation des opposants au port méthanier ne passe pas inaperçue sur le littoral cauchois, le sympathique petit monde animal sait aussi attirer l’attention. Depuis 1981, Péli le pélican blanc est la mascotte du port. Il est l’emblème de l’association Saint-Jouin-Bruneval Développement Durable. Depuis quelques mois, la famille de Farceur le dauphin s’est installée dans les eaux locales. Ces jours-ci, nous apprenons que Doudou le phoque vient se reposer sur la plage… Autant d’espèces protégées qui donnent des arguments et du tonus aux écologistes en lutte contre les voraces qui ratiboisent la nature.

Plus d’informations sur les actions de la municipalité de Saint-Jouin-Bruneval et sur ses propositions alternatives ici