Un nom pour naître

Un nom pour naître

« Je suis entrée dans la vie par la petite porte, à Paris, le jeudi 17 mars 1960, à l’hôpital la Pitié-Salpêtrière : ces renseignements succincts sur ma naissance sont les seuls qui soient vrais. Tout le reste n’est que mensonges et mystifications. »

(Rozenn Monereau)

Dès la première page de son livre témoignage, Un nom pour naître, Rozenn Monereau exorcise un début de vie qui l’a visiblement longtemps hantée : celle d’une petite fille, victime d’une fausse déclaration de naissance. En effet, peu après l’accouchement de sa mère, profitant du fait qu’elle devait se rendre au sanatorium pour y soigner une tuberculose, une religieuse, sans en avertir la mère, déclare cette venue comme une naissance sous x.

La perversité de l’histoire de Rozenn Monereau s’avère d’autant plus redoutable que le nourrisson a été réellement « volé » à sa mère biologique par le biais d’une fausse déclaration de naissance sous x, fraude qui ne sera reconnue que beaucoup plus tard au cours de plusieurs procédures. Après quatre ans d’un âpre combat juridique, l’auteure retrouvera son vrai nom.

D’emblée, Rozenn Monereau dans ce document brut intitulé Un nom pour naître nous avertit :

« Le drame de ma vie fut de me trouver au mauvais endroit, dans les mains de mauvaises fées, au cœur d’une incroyable et effroyable imposture qui a ruiné plus de la moitié de mon existence. »

L’auteure - à la fois révoltée et pudique - règle ses comptes avec la mère, femme mythomane d’une grande dureté, s’improvisant « marraine » dupant son entourage sous des dehors altruistes et le père, homme violent et complice - a posteriori – de la mère reconnaissant le nourrisson comme sa propre fille.

« Avec la naissance de Marielle [fille des Le Herwann, nom du père et de la mère], les violences s’amplifièrent. Je récoltais des paires de claques pour un oui ou pour un non. Le père se réservait plutôt les coups, la mère préférant les insultes et les humiliations, mais les rôles pouvaient être inversés. » (p. 31)

Avec une sincérité parfois brutale – qui donne consistance à ses propos - l’auteure, proche aujourd’hui de la cinquantaine, raconte tout : ses périodes de dépression, ses révoltes continuelles avec cette famille imposée, son expérience de jeune mère à 15 ans, avec comme fil conducteur une intuition qui se révélera juste : elle ne peut être la fille des Le Herwann !

En 2001, Rozenn Monnereau, grâce à une généalogiste retrouvera sa mère. Dans Un nom pour naître, elle évoque, bouleversée, ce premier entretien téléphonique avec sa vraie mère :

« Entendre ma mère avait été un bonheur et une tragédie. Je ne pouvais plus me mentir à moi-même. Quarante ans de ma vie avaient été volés, mon destin déporté. J’en avais la nausée même si maintenant je savais qui j’étais : Rozenn, Rozenn Monereau, depuis le premier jour. » (p. 203)

Une rencontre en tout cas décisive où elle découvre que sa vraie mère, ne l’ayant jamais oubliée, a bien essayé de la récupérer en tentant d’établir sa filiation, malgré la fraude de sœur Annette et les falsifications des registres d’hôpital.

Finalement, ce n’est qu’après de longues démarches judiciaires et après la mort de sa mère biologique – six mois après leur rencontre -, que l’auteure retrouvera ses vrais nom et prénom, se libérant ainsi du lien quasi maléfique d’une famille usurpatrice.

Riche document humain, Un nom pour naître, entendant dénoncer la loi sur l’accouchement sous x, est aussi un vibrant appel à tous ceux qui souffrent de ne pouvoir connaître leur filiation.

Un nom pour naître, Rozenn Monereau, éditions le cherche midi, collection « Documents », 360 pages, 2009
Prix : 18 euros