Un squat en remplace un autre à Montreuil

Un squat en remplace un autre à Montreuil

Après la violente expulsion de la Clinique de Montreuil, les squatteurs viennent d’investir un nouveau lieu de vie, de solidarités et de luttes.
L’été a été brutal pour les squatteurs de Montreuil. On se souvient de l’expulsion de la « Clinique » (ancienne clinique désaffectée) qui s’est déroulée le 8 juillet.

À six heures du matin, plus de 200 policiers accompagnés par le RAID et un huissier délogeaient des habitants désemparés. En réaction, un rassemblement prenait aussitôt forme sur place, dans la rue. Des banderoles, des tracts et des milliers de gnocchis étaient préparés pour ouvrir une belle cantine populaire.

À la surprise générale, la police s’est subitement invitée. En guise de dessert, les cognes ont distribué des balles de Flash-Ball. Cinq personnes pacifiques ont été blessées. Joachim Gatti, acteur et réalisateur, fils de Stéphane Gatti et petit-fils d’Armand Gatti, s’est relevé avec trois fractures au visage, une paupière arrachée, un globe oculaire fendu en deux. Son œil ne reverra jamais.

Depuis cette époque, les squatteurs se débrouillaient en allant chez des amis qui acceptaient de leur faire une petite place. Solutions provisoires. Que faire quand les loyers sont trop chers, les apparts minuscules ou délabrés ? Après quelques repérages, des visites au cadastre, des échanges de bons plans, ça y est, ils ont trouvé un point de chute. « Aujourd’hui, nous sommes contents de vous annoncer que nous avons une nouvelle maison, nous disent les squatteurs de Montreuil dans un communiqué. Une maison pour habiter à plusieurs, un espace assez grand pour inviter, un jardin à cultiver, un toit sous lequel dormir, manger, palabrer, conspirer, aimer, crier, projeter et tutti quanti, le plus longtemps possible. Une maison pour habiter le monde. »

La maison, vide depuis longtemps, fermée, murée, morte, appartient à Quartz Properties, une société immobilière qui possède une entreprise à proximité et des dizaines des terrains à Montreuil, notamment le long des Murs-à-Pêches dont elle a contribué largement à la destruction. « Quartz Properties appartient à Proudreed, fonds d’investissement spécialisé dans l’immobilier d’entreprise. Proudreed possède des dizaines d’entreprises comme Quartz Properties, elles-mêmes propriétaires de centaines de terrains et bâtiments en France », expliquent nos ami-e-s fouineurs.

Crée en 1999, Proudreed est en effet un fonds d’investissement privé d’origine britannique. Dotée d’une équipe de près de 100 personnes, Proudreed a construit en neuf ans un patrimoine de plus de deux milliards d’euros, représentant au total 2,872 millions de m². « 2007 reste une année record pour Proudreed en terme de hausse des revenus locatifs, de valeur de patrimoine, de cashflow et de baisse du taux de vacance, et ce malgré un contexte mondial en crise », affiche insolemment la page d’accueil du site Internet de Proudreed qui n’hésite pas à détourner le dadaïste Francis Picabia pour faire adhérer son cadavre au libéralisme.

Tout cela a le don d’énerver celles et ceux qui en ont ras-le-bol des logiques financières qui ratatinent le monde, qui installent les plus pauvres toujours plus dans la précarité. Pour les squatteurs, l’individualisme et la solitude face à la crise ne sont pas des fatalités. Au « chacun pour soi », ils opposent des pratiques d’entraide et de solidarité. « L’entraide, c’est des grandes choses et des petites choses, un désir de commun qui habite le quotidien. C’est mon voisin qui me prête sa voiture et une île en grève qui trouve à se nourrir tout en bloquant les flux. C’est se regrouper pour veiller sur les enfants quand les crèches sont pleines et c’est abriter un homme sans papiers poursuivi par les flics. Ce sont des ouvriers qui arrêtent le travail pour soutenir leurs collègues licenciés et des habitants qui font du pain pour tout le quartier. C’est se défendre à nombreux contre les institutions de contrôle social ou faire une grande manifestation contre l’occupation policière de la rue. » Tout un programme.

Une nouvelle expérience voit le jour à Montreuil. Compte tenu de la violence policière ambiante, il faudra être vigilant. « Ouvrir une maison dont les propriétaires n’ont aucun usage est un acte simple, modeste, expliquent encore les nouveaux occupants. Mais ce que cela implique : l’organisation collective, la solidarité des voisins, le partage des savoirs manuels et juridiques, l’autodéfense face aux polices, ce sont autant de gestes de solidarités qui font rupture avec les logiques de gestion qui isolent, enferment, écrasent. C’est une attention au commun parfois fatigante, mais toujours vitale. Alors on continue… »

Bonne continuation.