Les « socialistes » lorrains n’aiment pas Éric Mie

Les « socialistes » lorrains n'aiment pas Éric Mie

Les socialistes sont bien mal en point. Leurs chastes oreilles ne semblent même plus supporter les paroles aigrelettes d’Éric Mie, chansonnier « anarcomicotragik ». L’affaire se déroulait sur le site de Chambley Planet’Air, en Lorraine, le samedi 5 septembre.

En passant par la Lorraine avec leurs gros sabots, les socialistes auraient voulu couper la chique à Éric Mie, chanteur bien sympathique qui a fait de l’humour noir son carburant. Censuré, un bien grand mot. Non ? « Oui, oui censuré, affirme le saltimbanque. Le mot n’est pas trop fort. Pour une fois je n’exagère pas et c’est le bon mot. Et puis attention hein ! Pas de la censure de petite gnognotte à la noix. Non, non, de la bonne grosse censure avec coupage de micro pendant une chanson et tout le tsoin-tsoin. J’allais presque dire une censure stalinienne, mais là je retombe dans la satire, vu que c’était une bonne vieille censure de socialiste. Remarquez, n’est pas le plus stalinien qui l’on croit… »

Diable, l’affaire mérite quelques explications. « Nous étions donc, Olivier Herrmann, mon guitariste, et moi-même sur une grande scène, en extérieur, (une sorte de Woodstock du pauvre) embauchés par une association, elle-même embauchée par le Conseil régional de Lorraine, afin « d’animer » (Je déteste ce terme. Je suis chansonnier pas animateur.) la clôture de la première journée du Rendez-vous des associations de Lorraine sur le site de Chambley. En gros, pendant que certains élus, dont le président du Conseil régional de Lorraine et ses sous-lieutenants, discutaient avec les différents acteurs du monde associatif, tout en sirotant des kirs, nous, on faisait notre concert. Du coup, c’est vrai, peu de gens ne se souciaient de nous et de nos chansons, mais on a chopé, quand même, au bout de deux chansons, quelques oreilles attentives afin de se faire un petit public et vogue la galère. Bref, pour un artiste de chanson française qui aime les vrais théâtres avec un vrai public, ce n’était pas le super plan. D’ailleurs, je dois avouer, que, dans les deux premières chansons, j’ai eu des trous affreux. Mais bon, on était engagés pour faire un concert, donc on faisait notre concert et comme le disait jadis Jacques Tati à propos de ses films : « Si dans le public il n’y a qu’une personne qui me regarde, et qui apprécie mon art, j’aurais fait au moins ça pour lui. »

La suite vaut son pesant de quiche. Au beau milieu de la cinquième chanson, le technicien fait un signe aux artistes pour stopper le concert. Comme nos deux amis continuent dans leur élan, le sonorisateur se déplace pour apostropher le musicien en plein solo de guitare. « Arrêtez le concert certains hommes politiques sont furieux du propos des chansons ! » Jolie délicatesse. Joignant le geste à la parole, le régisseur coupe le son de la guitare, puis le micro du chanteur et balance dans les enceintes une musique d’ascenseur genre Richard Clayderman qui s’essaye au jazz. « J’avoue qu’au début je croyais que c’était une blague, explique Éric Mie. Que c’était juste qu’un petit problème technique et que le spectacle allait reprendre après, alors d’un air amusé et débonnaire j’ai crié : « Censuuuure ! Censuuure ! ». J’étais loin de savoir à quel point j’avais raison. »

Entre deux eaux, les deux compères sont descendus de scène. On leur explique alors qu’ils ont été censurés parce que certains politiques étaient choqués par les sujets des chansons. Ah ! En toute logique, Éric Mie veut savoir qui est responsable de cette sinistre farce. Un feu furax, il tombe sur un responsable qui n’a rien vu, rien entendu parce qu’il taillait une bavette avec Jean-Pierre Masseret, le président socialiste du Conseil régional de Lorraine. Ce responsable se dit choqué, assure qu’il va se renseigner et puis, plus rien. Re-ah ! Selon d’autres sources, une dame chargée de l’organisation aurait pris la décision toute seule car elle pensait que les chansons pouvaient perturber Jean-Pierre Masseret… Re-re-ah ! En fait, ce serait la chanson Le Con qui aurait réveillé Anastasie. « Il n’y a que deux sortes de gens / Je suis un con heureusement / Il y a les cons et les salauds / Je suis un con, j’ai eu du pot… »

Éric Grandemange alias Éric Mie, ex-ouvrier chez Seb, en a la cocotte coupée. « Je fais ce métier depuis 1992, je travaille notamment au Caveau de la République à Paris assez régulièrement depuis 2003 et c’est la première fois dans ma carrière qu’on me coupe dans un concert et qu’on me demande d’arrêter de chanter parce que, soi-disant, mes petites chansons dérangent certains politiques dans le public. En dix-sept ans de carrière j’en ai vu des choses étranges et saugrenues, mais jamais on ne m’a censuré de la sorte ! »

Qui donnera une explication à Éric Mie, fan de Jean Richepin, disciple de Gaston Couté, amateur de Guinness ? Personne sans doute. Si vous voulez entendre la chanson maudite, il va falloir attendre un peu. Elle sera sur son prochain album, Le Choléra, qui est attendu en octobre. Treize titres cousus main dont un poème de Louise Michel mis en musique. La souscription est toujours ouverte.

Informations au 06 47 98 50 24 ou sur le site d’Éric Mie