Quand la gendarmerie écrit aux clowns insurgés

Quand la gendarmerie écrit aux clowns insurgés

Nos amis de Bellaciao publient un bien curieux échange de mails entre une journaliste de la Revue de la Gendarmerie Nationale et mes petits camarades activistes clowns. Mort de rire.

Selon ce que nous pouvons lire sur Bellaciao, une journaliste travaillant pour la très austère Revue de la Gendarmerie Nationale a fait une étrange demande aux clowns rebelles qui ne ratent jamais une occasion pour chahuter les défilés militaires avec des lance-croquettes et autres bains moussants pour guerres propres.

« Dans le cadre du prochain dossier de la Revue (à paraître en septembre) traitant des mouvements contestataires, nous avons un article mentionnant votre association, explique une Barbara en Rangers. C’est pourquoi j’aurais souhaité savoir s’il était possible d’exploiter certaines de vos photos afin d’illustrer au mieux cet article et en même temps de donner davantage de visibilité à votre mouvement. Pour ce faire, vous pouvez très bien nous soumettre une série de photos de haute définition (à partir de 2MO par contre c’est le seul souci technique) avec les crédits photos à mentionner. En attendant des nouvelles de votre part, je vous souhaite une bonne journée. Bien cordialement. » Suit l’adresse électronique de la gendarmette, barbara....@gendarmerie.interieur.gouv.fr

Lors des manifestations anti-militaristes, anti-nucléaires, anti-antiterrorisme..., clowns radicaux hirsutes et gendarmes bien rasés entretiennent des rapports pour le moins tendus. À Strasbourg, à Paris, sur la presqu’île atomique de Crozon et ailleurs, les RG (Réprimons gaiement), les CRS (Clowns à responsabilité sociale), les GIGN-OL (Groupe d’intervention des gros nez - oups Lyon), les BAC (Brigade activiste des clowns), les BCA (Bureau des clowns affranchis) et quelques autres ont pu sentir de près l’haleine virile des valeureux gardiens de l’ordre capitaliste.

Que faire devant une demande aussi incongrue ? Les gros nez ne se sont pas dégonflés et ont répondu avec un humour désarmant. « Nous côtoyons la gendarmerie régulièrement lors des actions de désobéissance de l’armée des clowns, que ce soit les gendarmeries locales ou les gardes mobiles, rappelle un clown sans grade. Dans notre stratégie d’action directe non-violente, il nous semble important de ne jamais confondre les êtres humains et les fonctions qu’ils occupent. Nous avons donc un rapport cordial avec les hommes et les femmes gendarmes qui se trouvent face à nous, sans jamais oublier qu’ils sont aussi une « force » de maintien de l’ordre, une force armée et une force ayant le monopole légal de la violence. »

Ce préalable poli fait, notre clown prend soin de rappeler quelques vérités. « Les dérives sécuritaires actuelles ne nous font pas non plus oublier que ce sont ces forces armées qui sont amenées à obéir à des ordres de plus en plus injustes, de plus en plus arbitraires. Nos actions ironiques peuvent certes vous paraître « marrantes », « rigolotes », « gentillettes », mais elles sont avant tout politiques et subversives et cherchent à questionner tout le monde : l’opinion publique et ceux qui semblent l’analyser (ou la manipuler) en permanence, les matraqueurs et les matraqués, les exploiteurs et les exploités, les violents et les non-violents... »

La demande de la gendarmerie nationale peut surprendre à plus d’un titre. Notamment quand on sait à quel point des photographes appointés par la maison Poulaga mitraillent les actions et les manifestations. « Nous savons que nous sommes bien « suivis », doux euphémisme lucide sur notre fichage et notre flicage quasi-permament, poursuit le clown rebelle. Aussi, nous prenons avec humour votre demande d’autorisation d’exploiter nos photographies de l’armée des clowns. Vous en avez sûrement plus que nous. Mais peut-être que le cloisonnement entre services faits que vous n’avez pas accès à l’iconographie de la DCRI ou autres services de votre ministère de la Défense. » Question subsidiaire : « Demandez-vous l’autorisation aux black-blocs quand vous illustrez un article sur Comment provoquer l’escalade de la violence grâce à des policiers en civil ? »

À ce stade, on sent qu’une pointe d’énervement commence à chatouiller les grosses narines rouges de l’anti-soldat d’une armée sans dieu ni maître, sans héros ni victimes. « Sachez que nous ne cherchons pas une visibilité coûte que coûte, d’autant moins si elle doit passer par une connivence avec la revue de la gendarmerie. L’armée mondiale des clowns est insurgée, rebelle et les clowns eux-mêmes sont... clandestins. Clandestins comme ceux qu’on n’autorise pas à rester dans nos pays occidentaux, clandestins comme les sans-voix que l’État opprime de plus en plus. Contre tous ces drames quotidiens, nous avons pris le parti d’en rire, le parti de se moquer de ce sérieux, de cette rationalité qui aimerait nous rendre triste, le parti de repousser les lignes de jeux derrière les bottes de vos soldats, de franchir les grillages protégeant vos pires secrets d’État. » C’est dit.

Bon. Revenons à la question initiale. Les clowns insurgés vont-ils envoyer leur album de famille à la Barbara de la revue des souliers à clous ? Rien n’est moins sûr. Fidèles à leur stratégie diabolique, les traîtres tentent plutôt de démoraliser l’ennemi, de le submerger d’amour, bref de l’inviter à déserter. « Oh, Barbara, quelle connerie la guerre », disait déjà Jacques Prévert. « Au lieu de vouloir mettre de belles images dans votre revue sérieuse, venez faire des actions avec nous, vous verrez que l’armée des clowns a davantage d’humanité que votre ministère de la guerre. Et peut-être que l’illustre inconnu que vous croisez en allant faire vos courses ou en marchant dans la rue est un clown en civil », termine l’Auguste ultra-autonome en envoyant un « Gros Bisous » à son interlocutrice qui n’en demande peut-être pas tant.

Smile is not dead... Je ne suis pas abonné à la Revue de la Gendarmerie Nationale, mais j’aimerais bien feuilleter le numéro de septembre. La situation est grave, mais pas désespérée. Clowns de tous les pays, unissez-vous !

Pour visiter la folle planète des clowns insurgés et leurs unités d’anti-élites, allez par exemple sur le site des Anglais de la CIRCA (Clandestine Insurgent Rebel Clown Army), des Clolonels hollandais, du Bataillon Brouhaha du Québec et, bien sûr, de la Brigade Activiste des Clowns (BAC)

(photo empruntée à la BAC)