La justice s’intéresse aux affaires de la CIA

La justice s'intéresse aux affaires de la CIA

Les services du département de la Justice des États-Unis ont invité les procureurs à rouvrir les dossiers des prisonniers faits par la CIA où il est question de torture, ouvrant un second front dans la communication de Barack Obama, aux prises avec sa réforme de la couverture santé américaine.

D’après un porte-parole du gouvernement, les chiens de garde de l’éthique au département de la Justice ont recommandé aux procureurs de considérer les agissements des agents ou des collaborateurs de la CIA à l’encontre des suspects de terrorisme, en prenant en compte les abus des méthodes d’interrogatoire qui ont dépassé les limites acceptables. L’administration a confirmé lundi qu’un nouveau groupe était constitué pour interroger les prisonniers selon des règles établies.

Ce rebondissement est le fait de la publication prochaine par le département de la Justice du rapport d’un inspecteur général de la CIA, apportant des détails nouveaux de torture par l’administration précédente, aux mains des républicains. En cause, la coercition réalisée sur les suspects de terrorisme pour obtenir des aveux, même sous la menace et en dépit des conséquences physiques. Eric Holder, Attorney General, pourrait prochainement un procureur spécial pour examiner les allégations de torture et de menaces de mort.

Ces décisions viennent en plus des documents iconographiques traitant des pratiques en matière d’interrogatoire. Les images de tortures dans les prisons sous administration de l’armée américaine à Guantanamo et un peu partout dans le monde, en Afghanistan, au Pakistan ou au Maroc, devaient faire l’objet d’une diffusion publique, mais elles ont été classées par Barack Obama au printemps dernier. De nouvelles révélations pourraient mettre le feu aux poudres dans une classe politique soupçonnée d’avoir couvert de tels actes, au moment où l’administration démocrate est à la peine pour réformer le système d’assurance santé.

Barack Obama n’a pas caché son souhait d’aller de l’avant plutôt que de s’arrêter sur les turpitudes de l’administration Bush après le 11 septembre 2001, date de l’attaque sur les deux tours du World Trade Center à New York, et sur le Pentagone. Pour autant, la Maison-Blanche a seulement consenti à un report des actions judiciaires. "Le président pense que Eric Holder, qu’il a nommé pour être un attorney general en toute indépendance, devrait prendre ces décisions", rapporte le porte-parole de la Maison-Blanche Bill Burton à Martha’s Vineyard, Massachusetts, où Barack Obama passe une semaine de vacances.

Les républicains devraient accuser Barack Obama d’être complaisant envers la menace terroriste, alors que ses soutiens libéraux seraient bouleversés si les procédures s’arrêtaient aux agents qui ont commis les actes présumés de torture, tout en excluant les politiques ayant approuvé de tels agissements. Barack Obama tente de se concentrer sur sa première priorité législative qui concerne la réforme des 2,5 milliards de milliards de dollars en jeu dans le système de santé américain. Mais les parlementaires pourraient en être distraits par des auditions et des débats sur les techniques d’interrogatoire en usage à la CIA dans le passé.

Le premier rapport de l’inspecteur général de la CIA n’a pas déclenché de procédure par le département de la Justice pendant l’administration Bush. Ses conclusions n’ont donné lieu à aucune suite. L’association American Civil Liberties Union a réclamé sans succès la publication de ce précédent rapport. Le directeur de la CIA, Leon Panetta, a envoyé une note à ses agents pour leur demander de regarder vers l’avenir, et non vers l’"histoire ancienne" afin que celles-ci n’entachent pas la cohésion et la réputation de l’agence. "Pour la CIA maintenant, le défi n’est pas dans les batailles d’hier, mais dans celles d’aujourd’hui et de demain", a-t-il fait valoir dans ce document interne.

Un collaborateur de la CIA a été accusé de torture sur un prisonnier avant d’être condamné en 2006 en Caroline du Nord pour avoir maltraité un suspect afghan de terrorisme, qui est mort par la suite. Quand Barack Obama a pris ses fonctions, il a demandé aux agents américains de se conformer aux instructions du manuel de campagne de l’armée américaine, qui ne fait pas mention de simulation de noyade, sous le nom de "waterboarding". Les membres de l’administration Bush, de même que le vice-président Dick Cheney, ont nié avoir recommandé la torture, mais ils ont défendu leurs techniques d’interrogatoire, comprenant la privation de nourriture et de sommeil aussi bien que le waterboarding sur quelques suspects.

Le nouveau groupe d’experts en charge des interrogatoires de suspects de terrorisme devront selon toute vraisemblance se limiter aux instructions du manuel de campagne de l’armée américaine. Il devrait appartenir au Federal Bureau of Investigation (FBI), mais être responsable devant le National Security Council, qui reçoit directement ses ordres de la Maison-Blanche. Ce groupe "empruntera aux examinateurs les plus expérimentés des différents départements, y compris la communauté des services secrets et de la police", a déclaré un porte-parole. "Leur objectif sera la collecte du renseignement".