Le scandale des singes alcooliques

Le scandale des singes alcooliques

Avec l’afflux des touristes dans les Caraïbes, les singes de Saint-Christophe-et-Niévès sont devenus complètement dépendants de l’alcool. Le Pr Maurice Dongier a mené des études à leur sujet, qui ont conduit la télévision britannique à réaliser un reportage édifiant sur l’alcoolisme chez ces primates.

Auteur de 5 ouvrages et de plus de 200 articles, le Pr Maurice Dongier en est venu à étudier l’alcoolisme des singes de l’île de Saint-Christophe après de nombreuses recherches sur le sujet chez les populations humaines à l’université McGill de Montréal. L’alcool est un fléau dont tout le monde a estimé qu’il ne pouvait toucher que l’homme, avant de s’apercevoir tout récemment, que les animaux sont également susceptibles de développer une addiction à l’alcool. Les singes de Saint-Christophe ont fourni un champ d’expériences in vivo.

Saint-Christophe est découverte au cours du second voyage de Christophe Colomb aux Antilles, et fait l’objet d’une colonisation comme d’autres îles, où la culture de la canne à sucre prend son essor. Son produit en est d’ailleurs le principal revenu jusque dans les années soixante-dix. Depuis, l’État de Saint-Christophe-et-Niévès est inscrit sur la liste grise des paradis fiscaux de l’OCDE. Mais le tourisme est également une grande ressource en devises étrangères. C’est au XVIIIème siècle que les singes verts y font leur apparition, importés d’Afrique par des colons et sans doute, des négriers effectuant la traite.

Les vervets, ou singes verts, se sont développés à Saint-Christophe au point d’égaler la population humaine, quelque 40.000 habitants. L’île dispose de peu de ressources naturelles et doit sa renommée au sprinter Kim Collins, qui remporta le 100 mètres lors des Championnats du Monde d’athlétisme de 2003 à Saint-Denis. Les singes ont pillé les champs de canne à sucre et ont fait l’objet de massacres, mais à l’heure actuelle, le tourisme est la principale préoccupation des habitants, qui se désintéressent désormais du sort des primates. Et c’est aujourd’hui aux touristes qu’il revient le triste privilège de donner aux singes leur dose d’alcool, sans doute bien involontairement !

Le Pr Maurice Dongier a noté le même type de comportement asocial chez les singes alcooliques et chez les humains atteints de la même addiction. Les pauvres singes pris de boisson battent leurs congénères et développent des comportements agressifs. Les barrières sociales explosent sous l’effet de l’alcool, ainsi que toute inhibition. D’autre part, leurs progénitures manifestent les symptômes de l’alcoolisme observés chez les humains. La seule différence est que les singes verts ne sont pas raisonnables, et se livrent à leur intoxication sans limites à cause de la mansuétude des touristes. Ils volent dans les verres, commettent des dégradations et se chamaillent.

Le problème est que l’alcool n’est pas mauvais comme base alimentaire. Issu de la fermentation de fruits, il contient beaucoup de calories, mais 70% de ses composés chimiques dégradent le cerveau, ce qui ne permet pas de retenir l’alcool comme source d’alimentation privilégiée. Ce qui a passionné le Pr Maurice Dongier est la faculté identique à l’homme des singes verts à devenir alcoolique. Une des pistes retenue serait une anomalie génétique, mais d’un autre côté, l’alcool favorise la production de dopamine, un élément essentiel du vivant.

Il n’en reste pas moins que la transplantation des singes verts sur l’île de Saint-Christophe au XVIIIème siècle est devenue un désastre écologique et social à cause du développement de leur population. Sans prédateur, ils ont prospéré sans limites en apportant des germes infectieux et des troubles que la télévision britannique a trouvé intéressants d’observer en janvier 2009, pour l’édification d’un public indulgent.