Travailler gratuitement pour réduire le déficit public

Travailler gratuitement pour réduire le déficit public

Le déficit budgétaire explose sous l’effet de la crise économique et la dette publique devrait culminer d’ici 2010 et atteindre les 86% du PIB. Une solution pour y remédier sans forcément songer à rééquilibrer les comptes publics serait de travailler gratuitement.

Au bord de la faillite et contraint par le FMI de réduire son déficit public, le gouvernement roumain espère récupérer 360 millions d’euros en imposant 10 jours de congés sans solde à ses fonctionnaires. Nicolas Sarkozy, qui aime bien prendre en exemple ce qui fonctionne dans les pays étrangers, pourrait bien s’en inspirer pour dynamiser l’abnégation des agents publics en France.

La semaine dernière, Philippe Bas, ancien ministre de la Santé et des Solidarités du gouvernement Villepin, a lancé un pavé dans la mare en considérant que la journée de solidarité instituée par Jean-Pierre Raffarin après la canicule de 2003 qui a fait 15.000 morts en France, n’a pas atteint ses objectifs, et qu’il convenait d’en créer une deuxième — au moins ! Pourquoi ? Selon le Conseiller d’État, "il vaut mieux financer la solidarité par le travail, qui enrichit la France, que par l’impôt, qui l’appauvrit".

La journée de solidarité, qui consiste en une journée de travail supplémentaire, est destinée au financement d’actions en faveur de l’autonomie des personnes âgées ou handicapées. Cette journée ne donne en principe pas lieu à rémunération supplémentaire, des dispositions étant toutefois prévues pour que les salariés changeant d’employeur en cours d’année n’aient pas à effectuer plusieurs journées de solidarité dans l’année. Cette initiative, qui s’est mise en place dans un grand désordre sur plusieurs années, devait permettre de trouver les 20 milliards d’euros requis pour la prise en charge des personnes âgées et dépendantes.

Tout d’abord fixée le jour de la Pentecôte, elle s’effectue soit un jour férié, soit au lieu d’un jour de repos ou de toute autre disposition permettant 7 heures de travail en application de dispositions conventionnelles sur l’aménagement du temps de travail. Elle ne va générer que 2,24 milliards de recettes en 2009, soit une baisse de 2% par rapport à l’année dernière. Nous sommes en effet très loin du compte ! Pour atteindre l’objectif fixé par nos technocrates, ce n’est pas pendant une journée qu’il conviendrait de travailler gratuitement, ni pendant 2, mais 8.

Le gouvernement roumain est acculé à des mesures similaires, mais pour d’autres raisons. La Roumanie s’est engagée auprès du Fonds Monétaire International (FMI) à réduire d’un milliard d’euro les dépenses publiques d’ici la fin de l’année, et de 3 milliards supplémentaires en 2010. Le FMI, qui a annoncé lundi être parvenu à un accord sur le déboursement d’une 2ème tranche de 1,9 milliard d’euros de son prêt de 12,95 milliards, a notamment accepté un déficit de 7,3%, contre un taux initialement prévu de 4,6%. Il a néanmoins appelé le gouvernement à réduire la masse salariale, soit en supprimant des emplois, soit en éliminant les primes et bonus qui aboutissent souvent à un doublement des salaires.

C’est pourquoi les fonctionnaires roumains devront prendre 10 jours de congés sans solde entre septembre et novembre afin de permettre au gouvernement de réduire ses dépenses, a déclaré mardi 11 août le ministre des Finances Gheorghe Pogea. "Cette mesure aboutira à des économies d’environ 360 millions d’euros, soit une réduction du déficit public représentant 0,3% du produit intérieur brut", a-t-il précisé. Parallèlement à cette mesure d’austérité qui ne devrait pas beaucoup changer les citoyens d’anciennes démocraties populaires, le FMI a conseillé aux pays développés de se préparer à réduire leur déficit une fois la reprise économique assurée.

Le FMI prévoit que la dette publique des pays développés devrait atteindre en moyenne 120% du PIB en 2014, soit 40 points de plus qu’avant la crise économique, et 95,5% en France. Celle-ci devrait atteindre 86% au tournant de l’année prochaine. Si Nicolas Sarkozy diligente moult comités d’experts et commissions en vue de créer de nouvelles taxes, il se refuse à augmenter les impôts existants. En revanche, travailler gratuitement est une idée qui germe aussi dans les cerveaux des dirigeants d’entreprises privées. 7.000 employés de British Airways, soit près de 20% de l’effectif de l’entreprise, ont accepté au mois de juin dernier une réduction de salaire d’un mois, sous forme de congés sans solde, de mi-temps ou d’heures de travail non payées dans le cadre de son programme de réduction de coûts.

Ce qui fonctionne en Roumanie et en Grande-Bretagne ne s’appliquerait-il pas en France ? Vous imaginez déjà le haussement de sourcils de Nicolas Sarkozy pour marquer son étonnement devant cette autre exception française. Sauf qu’il ne s’agit pas vraiment d’une exception, puisque la France a été pionnière en matière de travail non rémunéré avec la journée de solidarité.