Faut-il avoir peur de la police ?

Faut-il avoir peur de la police ?

En ces temps de délire sécuritaire, la question peut légitiment être posée. Une trentaine d’organisations et d’associations appellent à la mobilisation contre les dérives policières.

Sous le titre Face aux dérives policières, mobilisons-nous !, trente-quatre organisations réunies dans le Collectif Liberté, Égalité, Justice (CLEJ) réagissent au climat d’insécurité provoqué par nombre de « bavures » policières.

Qui sont les initiateurs de l’appel rendu public le 21 juillet ? Aucune trace de groupuscules ultra-anarcho-autonomes-couteau-entre-les-dents… Au lieu des grands bouffeurs de flics, on trouve des syndicats de magistrats, d’avocats, de travailleurs sociaux, de médecins et même de matons ! Parmi les signataires, on trouve aussi bien sûr les dangereux activistes de la Ligue des Droits de l’Homme et de Témoignage Chrétien.

Pour comprendre d’où vient l’étincelle qui a mis le feu à la morne plaine, il faut remonter au 8 juillet dernier. « Alors que des militants et des habitants solidaires d’un quartier montreuillois manifestaient contre l’expulsion d’un squat, la police a fait usage à plusieurs reprises de tirs de flash-ball, blessant cinq personnes, dont un jeune homme qui a perdu un œil, venues soutenir pacifiquement les squatteurs. Depuis 2005, ce sont pas moins de sept personnes qui ont perdu un œil dans les mêmes conditions, dont cinq pour la seule année 2009 », rappellent les signataires.

« La Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS) a plusieurs fois dénoncé l’usage inapproprié de cette arme par la police et la note de service adressée en mai dernier par la Direction centrale de la sécurité publique à ses directeurs départementaux quant à ses règles d’utilisation semble très largement ignorée, voire bafouée », poursuit le texte du communiqué.

Les organisations estiment qu’il est « urgent de rétablir un fonctionnement de nos institutions policières conforme aux engagements internationaux de la France en matière de droits et libertés. » Une urgence qui supposerait que les pouvoirs publics puissent rompre avec un discours qui assimile les militants à des délinquants ou à des coupables potentiels, vilaines caricatures qui justifient par avance l’usage des matraques, des grenades lacrymogènes et des armes « à létalité atténuée » qui peuvent provoquer les dommages irréversibles que l’on sait.

Concernant les « incidents de Montreuil » et toutes les affaires impliquant l’usage abusif de Flash-Ball, les organisations « exigent qu’une enquête présentant des garanties d’indépendance vis-à-vis des pouvoirs publics soit menée. » Les mêmes demandent « que des poursuites soient engagées lorsque les responsabilités des agents et de leurs autorités donneuses d’ordre ont été établies » et exigent « que l’usage des armes de type flash-ball ou taser soit soumis sans délai à un moratoire ».

Au-delà de ces violences scandaleuses, les signataires « s’insurgent contre une dérive continue et permanente des pratiques policières en matière de sécurité publique. Ces dérives sont constatées et dénoncées tant par la Cour Européenne des Droits de l’Homme que par des organisations internationales ou nationales : contrôles ou interpellations au faciès, délit d’outrage, gardes à vue abusives, usage humiliant des fouilles à nu (assorties d’une « inspection anale »), menottage abusif, méthode d’immobilisation dite de « décubitus ventral », abus de la perquisition, atteintes au libre exercice des journalistes. »

Notant qu’il est « inacceptable que la police, dont le principal objet est d’assurer la sécurité des personnes, puisse être perçue, en raison de certaines de ses pratiques, comme une menace », les animateurs du CLEJ signalent que « ces dérives policières tendent à s’inscrire dans un contexte particulièrement inquiétant d’intimidation de l’expression sociale et militante : multiplication des poursuites pour outrage et rébellion, instrumentalisation de la Justice aux fins de répression de la contestation, sentiment d’impunité concernant les brutalités policières... »

Pour conclure, le collectif appelle « à s’opposer à cette alarmante banalisation des atteintes aux droits et libertés. »

Les organisations signataires :

Association Française des Juristes Démocrates (AFJD) ATTAC France Ligue des Droits de l’Homme (LDH) « Souriez-Vous-Etes-Filmé-es ! » (SVEF)

Nouveau Parti Anticapitaliste (NPA) Parti Communiste Français (PCF) Les Verts

Confédération Française Démocratique du Travail – Finances de la Gironde (CFDT-Finances de la Gironde) Confédération Générale du Travail - Protection Judiciaire de la Jeunesse (CGT-PJJ) Confédération Générale du Travail - Pénitentiaire (CGT-Pénitentiaire, UGSP) Fédération SUD Education Fédération Syndicale Unitaire (FSU) Solidaires Unitaires Démocratiques - Santé/Sociaux (SUD-Santé/Sociaux) Syndicat des Avocats de France (SAF) Syndicat de la Magistrature (SM) Syndicat National de l’Ensemble des Personnels de l’Administration Pénitentiaire (SNEPAP/FSU) Syndicat National des Enseignants du Second degré (SNES/FSU) Syndicat National de l’Enseignement Supérieur (SNESUP/FSU) Syndicat National des Personnels de l’Education et du Social - Protection Judiciaire de la Jeunesse (SNPES-PJJ/FSU) Syndicat National Unitaire des Collectivités Locales, de l’Intérieur et des Affaires Sociales (SNU-CLIAS/FSU) Syndicat National Unitaire des Instituteurs, Professeurs des écoles et PEGC (SNUIPP/FSU) Union Syndicale de la Psychiatrie (USP) Union syndicale Solidaires

Agir ensemble contre le Chômage ! (AC !) Appel des appels (AdA) Appel des 39 – La Nuit Sécuritaire Centre d’études et d’initiatives de solidarité internationale (CEDETIM) Collectif « Nous refusons la politique de la peur » Comité de défense des libertés fondamentales contre les dérives sécuritaires (CODELIB Saint-Nazaire) Comité Européen Droit, Ethique et Psychiatrie (CEDEP) Mouvement Politique d’Education Populaire (M’PEP) Réseau féministe « Ruptures » Réseau Stop Précarité Témoignage Chrétien

Le texte complet de l’appel sur le site du Syndicat de la Magistrature

Le rapport 2007-2008 de la commission Citoyens-Justice–Police sur le site de la Ligue des Droits de l’Homme

Un article du Mague sur la pétition lancée par Stéphane Gatti contre l’utilisation des Flash-Ball et des Taser