Intérim et chômage en vases communicants

Intérim et chômage en vases communicants

La réorganisation du service public de l’emploi est une aubaine pour les agences d’intérim, car elles sont les premières et les plus touchées par l’effondrement du marché de l’emploi. L’appel d’offres lancé par le Pôle Emploi pour le placement de 320.000 demandeurs d’emploi en deux ans porte sur un marché d’au moins 100 millions d’euros en 2009.

La suppression de travailleurs temporaires avec la crise a provoqué "un peu de casse" dans les agences d’intérim, selon la fédération patronale du secteur amené à s’occuper du reclassement des chômeurs. "La chute d’activité de près de 40% a provoqué un peu de casse dans certains grands groupes" de travail temporaire, mais la situation est "plus contrastée pour les PME du secteur", a indiqué Arnaud de la Tour, lors de la conférence de presse annuelle du Prisme, la fédération patronale de l’intérim.

Incapable de dire combien d’agences ont fermé, il a souligné que "les difficultés viendraient au moment du renouvellement annuel de la caution professionnelle". Une agence doit avoir une caution pour garantir le paiement des salaires aux personnes qu’elle envoie en intérim. Le marché de l’intérim est dominé par trois grandes enseignes. Le groupe Adecco (n°1 du secteur avec 8.500 salariés avant la crise) avait annoncé en octobre la suppression de 600 emplois en France d’ici juin 2009.

Il vient à nouveau d’annoncer la fermeture d’une centaine d’agences Adia et la suppression de 350 postes supplémentaires dans cette filiale d’ici Noël. Randstad-Vedior avait annoncé en janvier la suppression de 489 postes en France, sur plus de 5.000 collaborateurs et "l’arrêt d’environ 70 CDD". Manpower France a lancé un plan de réorganisation devant aboutir à la suppression d’ici fin 2010 de 225 postes et la réduction drastique de ses CDD.

De l’autre côté, avec une moyenne de 20.000 ou 30.000 dossiers à traiter par jour, Pôle emploi craint de passer à 35.000 tandis que le nombre de personnes à recevoir pourrait atteindre les 120.000 par jour. Le nombre de demandeurs d’emplois inscrits en catégorie A a augmenté de 36.400 en mai pour dépasser les 2,5 millions. "On sait très bien que quand ça redémarrera en septembre on risque de ravoir une vague importante", a déclaré Laurent Wauquiez , secrétaire d’État chargé de l’Emploi, lors d’une conférence de presse.

"C’est le moment de travailler ensemble", a souligné Laurent Wauquiez sur France-Info. Au lieu de voir des agents d’intérim licenciés, "on va proposer de les héberger à l’intérieur de Pôle Emploi et qu’ils puissent venir renforcer nos équipes". Le directeur général de Pôle Emploi Christian Charpy a répondu aux critiques sur cette sous-traitance au privé. "Ce n’est absolument un aveu d’échec", a-t-il affirmé. "Pour nous, c’est un atout ; nous allons travailler avec des opérateurs privés dont certains sont des agences d’intérim, d’autres des cabinets de reclassement, d’autres des organismes de formation et d’insertion professionnelle".

Les cabinets de reclassement et les poids lourds de l’intérim revendiquent une meilleure connaissance des besoins des entreprises et un accompagnement personnalisé plus intensif. Prévoyant l’essor du marché, des organismes ont commencé à monter des services ou filiales pour cette activité dès 2006. C’est le cas par exemple d’Adecco ou de Randstat, qui ont affiné leurs approches en accompagnant ces dernières années des bénéficiaires du RMI pour le compte des conseils régionaux. "Nous avions toutes les compétences en interne", souligne François Béharel, président de Groupe Randstad France.

"La concurrence bat désormais son plein et le lobbying est très marqué pour obtenir les faveurs de Pôle Emploi", témoignent plusieurs membres du conseil d’administration du service public de l’emploi. Le marché est en effet juteux : lors des premières expérimentations, les opérateurs privés touchaient environ 3.500 euros par chômeur reclassé. Alors que leur efficacité fait débat, les opérateurs privés revendiquent plusieurs atouts. Mais François Béharel précise toutefois qu’"accompagner un chômeur de longue durée, c’est un métier différent" !

Le nombre d’intérimaires est en recul de 35,5% sur un an, et le Prisme avoue que le plus bas n’est certainement pas encore atteint. Moins d’emplois industriels notamment dans l’automobile, moins de postes dans le secteur du bâtiment, et malgré la résistance de l’agroalimentaire et des services, les emplois intérimaires ne représentent aujourd’hui plus que 400.000 équivalents temps plein contre 630.000 en 2008. Selon les chiffres publiés par le ministère du Travail, plus de 80.000 postes auraient ainsi été détruits entre janvier et mars 2009.

Aujourd’hui les professionnels de l’intérim ne misent plus sur l’industrie pour assurer leurs parts de marché. "L’industrie au sens large est passée de 51% à 43% de nos missions dans les 8 années précédents la crise de 2008", souligne Arnaud de la Tour. Son souhait est de miser sur le tertiaire, le commerce, le placement de nouvelles populations plus qualifiées et son nouveau métier de recrutement pour le compte de plus petites entreprises.

Par ailleurs, elle n’est pas absente de la négociation en cours entre les partenaires sociaux sur la gestion sociale de la crise : "Nous proposons en particulier d’assouplir les règles de recours à l’intérim suite à un plan social qui sont actuellement très contraignantes". Hardi les gars !