Cour des Comptes : L’Élysée sait aussi bien recevoir

Cour des Comptes : L'Élysée sait aussi bien recevoir

La presse s’émeut que l’Élysée ait fait profiter de sondages à des supports répertoriés comme étant proche du pouvoir en place. La présidence de la République n’est pas seulement prodigue d’informations favorables à la politique de Nicolas Sarkozy, elle sait également montrer l’exemple en ce qui concerne la relance de l’économie en régalant ses invités.

C’est la première fois que la Cour des Comptes met son nez dans la comptabilité de la présidence de la République. Philippe Seguin est ravi que ce travail supplémentaire ait été rondement mené : "Un véritable choc culturel", a-t-il admis sur une radio périphérique, destiné à "contester un certain nombre d’habitudes qui avaient été prises". Le député apparenté PS René Dosière a rendu public récemment une étude parallèle, basée sur les réponses que lui avaient fournies les administrations concernées, faisant apparaître une augmentation des dépenses de plus de 20% d’une année sur l’autre.

Philippe Seguin salue en effet "la contribution attentive du service financier et du personnel à la réalisation des objectifs fixés" et souligne le soin de Claude Guéant à mener cette tâche à bien, puisqu’il "s’est attaché à remplir les objectifs d’économie, d’efficience et d’efficacité que vous lui avez assignés et qui se veulent exemplaires". Si le président de la Cour des Comptes est aussi élogieux dans l’introduction de son rapport, c’est malheureusement par antiphrase, car il cogne dur dès qu’il commence à détailler la comptabilité de la maison de Nicolas Sarkozy.

À propos de l’"organisation de la réception dite "Garden Party" du 14 juillet 2008", le fournisseur retenu, est suspect non seulement de favoritisme par habitude, étant prestataire depuis 1995, mais il "a été retenu alors que l’offre de son concurrent n’atteignait que 186.904 €, contre 296.437 € pour la sienne"… La justification des services comptables lui paraît en outre "surprenant dans un appel d’offres restreint qui ne devrait concerner que des entreprises ayant justement un savoir-faire reconnu" ! De fait, sur 4 entreprises interrogées, 2 seulement ont envoyé un devis à l’Élysée.

Et la Cour des Comptes d’en remontrer au président de la République sur son propre terrain pour "encourager la généralisation de la mise en concurrence systématique avec la consultation préalable d’au moins trois fournisseurs prestataires". Un certain nombre de dépenses, et non des moindres, sont alors pointées pour stigmatiser "Des pratiques aussi peu soucieuses des règles contractuelles". Sans doute Nicolas Sarkozy ou Claude Guéant n’ont-ils pas fait les courses dans un supermarché depuis belle lurette, et ignorent ce qu’ils professent aux Français en ce qui concerne l’art et la manière de comparer les prix.

Tout d’abord, l’Élysée est une maison bien chauffée : 120.000 € sont nécessaires pour couvrir les dépenses de la présidence de la République, mais aussi les domaines de Marly et de Rambouillet, qui ne sont occupés que quelques jours de l’année, pour les menus plaisirs de Nicolas Sarkozy ou pour offrir le gîte à un hôte en visite officieuse. Une mise en concurrence restreinte a bien eu lieu en 2002, mais le marché a pris fin en mai 2005, ce qui n’a pas empêché ses services de poursuivre les relations avec la même entreprise sous forme de bons de commande. "Le service compétent a indiqué que des remises avaient été négociées avec ce fournisseur sans en préciser l’ampleur"… C’est bien le moins ! À noter, ces 3 résidences sont chauffées au fuel domestique, ce qui contredit les bonnes résolutions du chef de l’État en matière énergétique.

"Pour les achats de boucherie, sur les 196.375 € dépensés en 2008, 70% sont effectués avec un seul fournisseur en compte avec la Présidence depuis 1969". La Cour des Comptes peut reprocher une certaine négligence au chef de l’État, mais pas à l’Élysée d’être un client fidèle depuis… Georges Pompidou ! "La Cour a constaté des dépenses d’un montant relativement important sur certains achats", en ce qui concerne notamment les fleurs (275.809 €), le linge de maison (155.396 €), mais préconise de négocier "des remises plus importantes auprès des fournisseurs ou en utilisant les règles de mise en concurrence en vue d’obtenir des prix unitaires moindres"… Il faut comprendre que ces dépenses nécessaires de prestige et de représentation gagneraient à être pondérées.

Si Nicolas Sarkozy est un client prodigue, il est comme tous les Français, mauvais payeur. "Les facture de gaz et d’électricité payées en 2008 par l’Élysée font apparaître des pénalités pour retard de paiement à hauteur de 2.580,23 € sur les factures EDF et 504,07 € sur les factures GDF". Les maîtres de maison ont pris l’habitude de vivre sur un grand pied, et nous sommes fiers de constater qu’ils savent recevoir. "La plupart des biens qui meublent les bureaux et les résidences de la Présidence appartiennent au Mobilier National". Malheureusement, la Cour des Comptes n’a pas réussi à en connaître le détail, ni la gestion et "constate l’absence d’une base de données exhaustive des mobiliers et des œuvres d’art".

Pour autant, des efforts ont été entrepris à l’Élysée pour tenir une comptabilité exempte de tout manquement. "Il a été indiqué à la Cour que, pour le premier semestre 2009, aucune pénalité n’avait été enregistrée après que l’attention du service concerné a été attirée sur ce point". Ouf, nous sommes rassurés !