So bath : "Around Robert Wyatt" !

So bath : "Around Robert Wyatt" !

L’Orchestre National de Jazz (ONJ) sous la direction du bassiste Daniel Yvinec a eu l’excellente intention d’enregistrer un CD et convier une sacrée clique d’artistes héroïques (Robert Wyatt, Arno, Camille, Daniel Darc, Irène Jacob, Yael Naïm et Rokia Traoré) à venir visiter à bride abattue le répertoire inclassable et hybride du grand Robert Wyatt.

Rappelez-vous pour les viocs de la génération du Bartos, le groupe Soft Machine au nom improbable qui sévissait juste avant les années 70 dans la lignée du mouvement de l’École de Canterbury, avec aux baguettes à fond les caisses et les cymbales : mystère Robert. Un savant mélange jazz ascendant, aux accents de rocks et psychés / bordéliques évoquant la période du dadaïsme d’après le cataclysme de la première guerre mondiale. Au troisième album "Third", Robert nous chantait un "Moon in June" sur une face entière du disque vinyle qui lui sera fatal. Ses compagnons ne supportaient plus la voix du génial batteur et le virèrent. Robert, abasourdi par la surdité de ses compagnons, chercha ses ressources en lui et, libre comme l’air il nous gratifia d’un premier album solo : "The End Of An Ear" en 1970. La machine ne s’était pas enrayée pour autant, il nous revint avec deux albums de son nouveau groupe « Matching Mole ». Entre temps, il se chercha sous les cieux d’un drapeau rouge.

Nonchalamment, un jour embué il téta le ciel éthéré les yeux fermés et le drôle d’oiseau se fracassa le museau. Il eut le temps de compter les étages. BADABOUM, il ne se relèvera jamais ! Un batteur sans jambes valides, qui se roule fauteuil sur le seuil de sa cécité musicale, ça ne cadre pas avec le bonhomme. Le voilà devenu para / plaies / chiques. Les longs mois d’hosto n’auront pas eu raison de son esprit frappeur. "Rock Bottom" sort de sa coquille un album phénoménal, à la fois minimaliste et amoureux fou de sa compagne, la poétesse et tigresse de l’art absolu, sa béquille pour lutter contre le spleen : Alfreda Benge. Rock Bottom était et est toujours une drogue naturelle pour moi. Merci Robert ! (Arno) qui est un participant honorable de cet album en duo avec Yael Naïm dans un époustouflant "Just As You Are". Une femme élégante sans peur et sans reproche prend d’assaut "Alifib", le morceau de "Rock Bottom" où Robert déclame son amour fou pour Alfreda. Il s’agit de Rokia Traoré qui sort de son registre habituel pour revisiter l’ami Wyatt. Du sublime, une perle rare, que cette Rokia ! Je sais par avance que les puristes, les rigoristes de l’œuvre de Robert ne retrouveront pas tous leurs petits dans le panier garni de cet album. Et c’est tant mieux. "O Caroline" du "Matching Mole" (1972) est pour ainsi dire méconnaissable. Daniel Darc n’a surtout pas à plaider coupable. Camille se livre aussi à cet exercice de haute voltige et même l’actrice Irène Jacob. Toutes deux à leur tour pactisent avec Robert Wyatt et se dilatent la rate tellement, à les écouter on prend son fade. Robert Wyatt n’est pas un nom. Robert Wyatt n’est pas une musique. Wyatt est une absence. Chanter Wyatt est une ascèse (Camille).

Cet album n’aurait jamais atteint cette couleur multicolore sans les arrangements de Vincent Artaud et de la présence de toute l’équipe des musicien(e)s de l’Orchestre National de Jazz. Il me serait impossible de les citer toutes et tous si formidables, qui ont eu le courage de jouer la musique de Robert Wyatt écrite en principe pour seulement une poignée d’aminches. L’association avec l’arrangeur Vincent Artaud s’est imposée comme une évidence. Je savais que nous pouvions évoquer avec une égale passion Steve Reich, Alban Berg, Jerry Goldsmith, Gil Evans, Nick Drake et Pink Floyd et nous plonger avec délice dans des univers interlopes où seule la musique dicte ses lois (Daniel Yvinec). Cet album passionnel, n’est pas un simple prétexte une lubie de Daniel Yvinec, directeur artistique. Robert Wyatt, c’est à la fois mon enfance et aussi ce point de convergence de beaucoup de musiques qui m’animent aujourd’hui.

Robert Wyatt a participé énergétiquement de sa présence à cet album fleuve Amazone et affluents et offre sa voix en grand partage pour 4 morceaux. Et si on lui demandait ses impressions après cette collaboration fraternelle avec l’Orchestre National de Jazz, voici ce qu’il nous répondrait avec toute sa modestie formelle et so british : Je ne suis pas un musicien qualifié, mais si je l’étais, j’aime à penser que je ferais des disques comme celui-ci. Sacré Robert, quelle humilité !

A suivre attentivement également les autres projets de Daniel Yvinec autour de cette fois la divine Billy Holiday "Broadway in Satin" et "Carmen" la bande originale crée par l’Orchestre National de Jazz sur le film muet "Carmen" de Cecil B. Demille (1915)

Robert Wyatt, le chant d’un funambule qui tisse des ponts entre les univers musicaux et les révoltes salutaires : Wyatt est un homme libre, sa musique serpente sur les plus hautes cimes de la pop, côtoie le jazz libre et serein, s’approprie chants révolutionnaires et mélodies populaires avec la grâce et l’innocence de ceux qui parcourent le monde sans itinéraire (Daniel Yvinec).

Orchestre National de Jazz en concert le 26 juillet au festival de Sédières (19) et le 10 octobre au festival de Nîmes (30) métropole 2009.

Orchestre National de Jazz Daniel Yvinec around Robert Wyatt, prix 14,99 euros, avril 2009

A suivre aussi "L’Intégrale Robert Wyatt", coffret 9 CD à paraître le 3 août, j’espère que j’aurai l’occasion de vous en reparler.